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Primaire de la droite : pourquoi le ralliement de Baroin à Sarkozy fait pschitt

Opposés politiquement, les deux hommes sont surtout liés par une détestation commune d'Alain Juppé.

Article rédigé par Vincent Matalon
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4 min
Nicolas Sarkozy et François Baroin au siège des Républicains, le 1er juin 2016 à Paris. (WITT / SIPA)

Un chiraquien historique sous la bannière de la Sarkozie. Invité d'Europe 1, dimanche 6 juin, François Baroin a officialisé son ralliement à Nicolas Sarkozy dans la bataille de la primaire de la droite. Le président de la puissante Association des maires de France a loué le "leadership, la force, la passion, la capacité de porter un projet collectif et de restaurer un Etat dans son autorité" de l'ancien président. Mais tant d'un point de vue stratégique qu'idéologique, cette entente n'apparaît guère efficace.

Ils sont en opposition sur un tas de sujets

Tous les quotidiens nationaux le disent : en cas de victoire de Nicolas Sarkozy en 2017, François Baroin hériterait de Matignon. Une telle collaboration a de quoi surprendre, tant les divergences sont nombreuses entre l'ancien chef de l'Etat et le sénateur-maire de Troyes, souvent dépeint comme le fils spirituel de Jacques Chirac. C'est "le mariage de la carpe et du Baroin", ironise Le Point.

Sur les questions d'identité et de laïcité, sur lesquelles Nicolas Sarkozy s'est positionné franchement à droite, François Baroin défend effectivement des propositions nettement plus modérées. Dans un entretien accordé au Monde fin mai, l'ancien ministre de l'Economie s'oppose par exemple à l'interdiction du voile à l'université défendue par son champion, et se prononce en faveur de la mise en place dans les cantines de menus permettant à "chacun de concilier ses pratiques alimentaires avec ses pratiques religieuses".

Le Monde observe aussi que François Baroin avait dénoncé l'influence du très droitier Patrick Buisson sur Nicolas Sarkozy lors de son quinquennat, et de la dernière campagne présidentielle. Et qu'il n'était pas favorable non plus au débat sur l'identité nationale porté par Nicolas Sarkozy en 2009, estimant que cela ne pouvait que "servir le FN".

Bien sûr, Nicolas Sarkozy y voit aujourd'hui l'opportunité de rallier à sa cause un certain nombre de militants modérés ou centristes. "Certes, le propre d'une alliance politique est de jouer sur les complémentarités idéologiques, note Le Figaro. Mais l'ancien chef de l'Etat doit veiller à ce que la complémentarité ne vire pas au grand écart qui lui fasse perdre plus de voix à droite qu'elle ne lui en ferait gagner au centre." Et le quotidien de conclure : "Comme au loto, le numéro complémentaire ne sert que si toutes les autres bonnes cases sont cochées..."

Il s'agit surtout de barrer la route à Juppé

La raison de cette surprenante alliance Sarkozy-Baroin tient en fait à la volonté commune des deux hommes d'empêcher Alain Juppé de remporter la primaire. Bien qu'il soit, comme le maire de Bordeaux, proche de Jacques Chirac, François Baroin nourrit en effet une réelle détestation à l'encontre du favori des sondages. Au point de lui adresser une tirade assassine dans Lapins et merveilles, livre consacré à Alain Juppé dont les bonnes feuilles sont citées dans L'Opinion.

Je n’ai plus envie de travailler avec lui, je le lui ai dit. Je ne travaillerai plus jamais pour lui, même s’il est élu président de la République. Je ne veux plus être mis sous la tutelle de cet homme-là. Ce qu’il est ne correspond ni à ma construction d’homme, ni à mes principes.

François Baroin

dans "Lapins et merveilles"

Dimanche sur Europe 1, François Baroin l'a encore répété sans détour : "Si la question est de savoir si avec Alain Juppé la confiance est mutuelle, la réponse est non. Il n’a pas confiance en moi, et je n’ai pas confiance en lui." Une rancœur dont les origines remontent à 1995, quand Alain Juppé, alors Premier ministre, l'avait évincé du gouvernement. En 2011, alors qu'il était déjà ministre, le maire de Bordeaux aurait également pesé de tout son poids pour éviter que François Baroin ne remplace Christine Lagarde à Bercy.

Pour Le Figaro, c'est donc "cette animosité personnelle" qui conduit aujourd'hui Baroin "à soutenir celui dont il est idéologiquement le plus éloigné". On a connu des soutiens plus francs et surtout plus sincères...

C'est tout sauf une surprise

Sur la forme, l'annonce de ce ralliement a aussi fait long feu. Et pour cause, l'idée d'un tandem Sarkozy-Baroin a été maintes fois évoquée en coulisses depuis près d'un an, rapportait à l'époque L'Express. Ces derniers mois, le sénateur-maire de Troyes n'a d'ailleurs cessé de distiller dans la presse des louanges envers l'ancien président, quand le maire de Bordeaux n'avait droit qu'à des piques.

Début octobre, François Baroin lançait dans les colonnes de Paris Match que l'ancien locataire de l'Elysée méritait un "match retour" après sa défaite en 2012. Quelques jours plus tard, il assurait dans L'Opinion que les chiraquiens se tourneraient vers Nicolas Sarkozy.

Il sera frappant de voir que ceux qui étaient prêts à mourir pour Jacques Chirac sont dans leur immense majorité aux côtés de Sarkozy. On reconnaîtra tous qu’Alain Juppé était le préféré, mais pour beaucoup d’entre nous, ce n’est pas le meilleur.

François Baroin

à "L'Opinion"

Autant dire que ce qui devait être un gros coup de com' pour Nicolas Sarkozy s'est transformé en non-évènement. Lundi matin, le ralliement de Baroin à Sarkozy n'avait droit qu'à un petit encadré en une du Figaro, quand il fallait feuilleter les pages politiques des autres quotidiens nationaux pour en trouver la plupart du temps qu'une brève mention.

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