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Nicolas Sarkozy a-t-il déjà perdu la primaire à droite ?

Alors que les candidatures pour la primaire de la droite et du centre se multiplient, le président des Républicains apparaît de plus en plus esseulé. De quoi hypothéquer ses chances en vue de la présidentielle ?

Article rédigé par Fabien Magnenou
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 8min
Le président des Républicains, Nicolas Sarkozy, lors du conseil national de son parti, le 13 février 2016 à Paris. (YANN KORBI / CITIZENSIDE / AFP)

"Etre chef de parti le tire vers le bas." Invité de France 2, lundi 15 février, Henri Guaino, vieux fidèle de Nicolas Sarkozy, partage le constat que font de nombreux observateurs : l'ancien chef de l'Etat n'est pas encore officiellement candidat à la primaire de la droite et du centre, mais il est déjà en sérieuse difficulté.

Sa cote de popularité peine toujours à décoller et, loin de rassembler autour de lui, le président des Républicains voit au contraire les candidatures de ses rivaux se multiplier : avec celle, dimanche soir sur France 2, de Jean-François Copé, on en compte déjà sept (et même huit avec le quasi inconnu Hassen Hammou). Une mauvaise passe, alors qu'au même moment, son principal adversaire, Alain Juppé, enregistre autour de lui des ralliements de poids. Alors, à neuf mois de la primaire, Nicolas Sarkozy a-t-il déjà perdu le match ? 

Oui, car il est confronté à une crise d'autorité

"Rassembler, c'est difficile, et pourtant c'est indispensable", a répété Nicolas Sarkozy dimanche soir sur TF1, sans avoir été vraiment écouté. Un peu plus tôt, en effet, Alain Juppé, François Fillon et Bruno Le Maire ont préféré snober son discours au conseil national du parti. "Plus on nous voit dans ce microcosme, plus on perd des voix, lâche, assassin, un proche de Bruno Le Maire, cité par Le Figaro. Ce n'est pas l'effet Les Républicains, c'est l'effet Sarkozy !"

Pour enfoncer le clou, Jean-Pierre Raffarin a choisi ce moment pour annoncer son soutien à Alain Juppé. "Avec Nicolas Sarkozy, je reprochais que la stratégie du clivage l’emporte sur celle du rassemblement", justifie l'ancien Premier ministre.

En perte d'influence, Nicolas Sarkozy mise beaucoup sur le futur projet du parti, dont il a lui-même dessiné les grandes lignes dans son livre, La France pour la vie. "Il traverse une crise d'autorité, car il est obligé de devenir menaçant et d'utiliser la contrainte pour essayer de se faire obéir, analyse pour francetv info l'observateur Thomas Guénolé, auteur de Nicolas Sarkozy, chronique d'un retour impossible ? (éd. First). Il a essayé d'imposer un socle commun doctrinal pour la droite, comme une camisole imposée aux candidats à la primaire."

Oui, car il ne s'est pas adapté au nouveau système

Ce projet pour la prochaine présidentielle doit être soumis au vote des militants en avril, mais ses rivaux n'ont pas l'intention de se laisser dicter un programme. François Fillon, Alain Juppé, Bruno Le Maire et Nathalie Kosciusko-Morizet, qui devraient bientôt officialiser leur candidature, ont prévenu qu’ils ne se sentiraient pas liés par le texte en question.

"C'est utile que le parti établisse un socle, mais une campagne présidentielle, c'est d'abord le projet d'un homme ou d'une femme, justifie Hervé Gaymard, chargé du projet d'Alain Juppé. En 2007, le projet de Nicolas Sarkozy n'était pas celui de l'UMP. C'était le sien." 

Nicolas Sarkozy envisageait la présidence du parti comme un tremplin pour la présidentielle, suivant une logique pyramidale encore en vigueur en 2007 et 2012. "Avant, pour être candidat, il fallait tenir le parti ou défier en tête-à-tête le patron", observe Thomas Guénolé. Mais avec la primaire, la droite s'est convertie au vote pour départager les courants et faire une synthèse, une pratique banale à gauche. Nicolas Sarkozy ne l'a pas intégré ! Il est resté sur sa ligne 'Je suis le chef, je décide', y compris sur le programme." Une posture qui ne fait plus recette, comme en témoigne le succès d'Alain Juppé dans les sondages.

Oui, car sa popularité peine à décoller

"Je t'aime passionnément (...) et j'aimerais prendre la place de Carla." Certes, une militante lui a fait une belle déclaration d'amour, dimanche, jour de la Saint-Valentin. Pourtant, la cote d'amour de Nicolas Sarkozy auprès des Français est loin d'être au beau fixe. Malgré un léger mieux, le président des Républicains n'est crédité que de 33% de bonnes opinions dans le dernier baromètre Opinionway. Il reste loin derrière Alain Juppé (51%), et, dans une moindre mesure, de François Fillon (39%) et de Bruno Le Maire (39%).

Pire : fin janvier, un sondage Ifop mené auprès des Français "certains de participer à la primaire" révélait qu'Alain Juppé battrait largement Nicolas Sarkozy au second tour de l'élection (62% contre 38%).

"Il est très mal en point. La victoire de Nicolas Sarkozy à une primaire de la droite ne va plus de soi", commente Thomas Guénolé, qui avance notamment deux arguments pour expliquer cette faible popularité. "Il risque à tout moment une mise en examen, c'est un énorme point faible. En tant qu'ancien président de la République, il incarne également les années 2000, le passé. Le paradoxe, c'est qu'Alain Juppé ne souffre pas de cette image, alors qu'il a été Premier ministre en 1995."

A voir, car la ligne dure est porteuse à droite

Pour autant, Nicolas Sarkozy est loin d'avoir dit son dernier mot. Lors du conseil national, le président des Républicains a réaffirmé son positionnement et sa stratégie : "Il s'agit de taper très dur sur les figures du FN, tout en essayant de s'adresser à son électorat", résume le politologue Jérôme Fourquet, interrogé par Atlantico. Réforme du droit du sol, durcissement des conditions d'accueil des migrants… "La ligne dure sur laquelle Nicolas Sarkozy s'est positionné est une ligne puissante à droite", acquiesce Thomas Guénolé.

La candidature du député-maire de Meaux – promoteur de la fameuse "droite décomplexée" – apparaît donc comme un coup dur. "Jean-François Copé est plutôt un problème pour Nicolas Sarkozy, mais à l'heure actuelle, personne ne peut savoir s'il peut lui couper la route du second tour", estime Thomas Guénolé. Cité par Europe 1, un soutien de Nicolas Sarkozy tente d'ailleurs de rassurer son camp : "Copé fait une erreur, c'est Sarkozy que les parlementaires choisiront."

En attendant, le député Benoist Apparu semble ravi de cette concurrence étoffée, à droite du parti. Soutien d'Alain Juppé, il a salué comme il se doit cette dernière candidature.

Non, il dispose d'un fort soutien militant

"Je suis le président de la famille", a insisté Nicolas Sarkozy, dimanche soir sur TF1. Elu président du conseil national, son poulain Luc Chatel n'a pas failli face à Michèle Alliot-Marie, candidate surprise à ce poste honorifique. En plus des appuis internes, l'ancien chef de l'Etat dispose d'une base militante fidèle et enthousiaste, en témoignent les séances de dédicace de son livre."Il est mal en point, mais l'enterrer serait une grosse erreur, résume Thomas Guénolé. Les ventes ont atteint un chiffre hallucinant, c'est une performance."

Ces soutiens actifs vont-ils faire basculer la primaire ? Tout dépendra de la participation, selon le politologue Roland Cayrol, sur Europe 1 : "S'il y a un million d'électeurs, tout le monde sait que c'est Sarkozy qui sera élu, si c'est 4,5 millions, ça ne sera en aucun cas Sarkozy." Mais selon Thomas Guénolé, rien n'est si sûr : "Alain Juppé et Nicolas Sarkozy veulent le maximum d'électeurs. Le premier veut beaucoup d'électeurs centristes, et le second beaucoup de droite dure, voire d'extrême droite." C'est la ligne politique des électeurs qui prime, plutôt que le nombre.

L'entourage de Nicolas Sarkozy soigne donc sa stratégie. Selon Les Echos, il glisse volontiers que Madeleine, une auditrice déçue et passée au FN en 2015, serait sur le point d'être "reconquise", après le passage de Nicolas Sarkozy dans l'émission "Des paroles et des actes". Pas certain qu'une Madeleine suffise pour satisfaire un tel appétit électoral.

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