Les écologistes tiraillés entre opposition et majorité
Beaucoup
de choses ont changé depuis les dernières journées d'été d'Europe Ecologie-Les Verts (EELV) :
le parti dispose désormais d'un groupe au Sénat, d'un groupe à l'Assemblée
nationale , et de deux ministres dans le gouvernement. Ces nouvelles responsabilités seront au cœur des discussions des journées d'été du parti, qui s'ouvrent mercredi à Poitiers pour trois jours.
Avec son entrée au gouvernement et au Parlement, le parti EELV entre dans une période charnière de son histoire. "C'est de nature à redonner au mouvement écologiste
une crédibilité nationale qu'il n'avait plus, ou qu'il n'avait jamais
vraiment eu d'ailleurs ", estime François de
Rugy, co-président du groupe EELV à l'Assemblée nationale. De l'aveu
même de son nouveau secrétaire
national Pascal Durand , il faut "construire un nouveau mouvemen t".
Départ en masse de militants
Certains font référence à la période faste de l'après-présidentielle de 1995, qui - malgré le mauvais score des Verts - avait été suivie de l'entrée au gouvernement de
Dominique Voynet puis d'Yves Cochet à l'Environnement. A cette époque, la formation atteignait des
records de popularité. Mais aujourd'hui, le contexte est différent : les
enjeux environnementaux sont loin d'être la priorité des Français, davantage
préoccupés par la crise économique et sociale.
Et puis, si le parti a su se faire une place dans le gouvernement de Jean-Marc Ayrault , il reste marqué
par son très faible score à la présidentielle (2,3%) et une campagne, menée par Eva Joly, très critiquée, même dans ses rangs .
Le nombre d'adhérents aurait baissé de 50% en une année.
Surtout, cette entrée au
gouvernement ne plaît pas aux militants les plus radicaux. L'eurodéputé Daniel
Cohn-Bendit avait été le premier à fustiger la "course aux maroquins ". Dernier exemple
en date, cinq membres de l'équipe dirigeante d'EELV en Moselle et six de ses
anciens candidats aux législatives dans le département ont quitté le parti au
mois de juillet.
La crainte de voir le
parti se diluer dans la majorité
"En gros, un certain nombre de militants ont
l'impression d'avoir été sacrifiés pour obtenir deux postes de ministre et 18
sièges de députés ", résume Stéphane
Aurousseau, désormais ancien cosecrétaire régional d'EELV en Lorraine.
"Il
y a un risque de déformation du mouvement, qui serait dans la réussite à un
niveau institutionnel, et qui en revanche, dans sa base militante, serait un
peu perdu ", confirme le secrétaire national Pascal Durand. "La difficulté pour Europe Ecologie,
c'est la tentation d'être au gouvernement et d'être dans l'opposition en même
temps ", explique Daniel Cohn-Bendit, qui poursuit :
"On ne peut
pas avoir le beurre et l'argent du beurre ! " - Daniel Cohn-Bendit
Pour
Noël Mamère, député-maire, "le problème est de savoir si notre présence
dans les institutions est un atout pour faire avancer l'écologie ou si on
risque de s'embourgeoiser et de se noyer dans les institutions ". Mais pour
Emmanuel Rivière, de
l'institut TNS Sofres, la présence d'écologistes
au gouvernement à d'autres postes que l'environnement pourrait justement être
bénéfique et permettre au parti de sortir du "carcan du pur
environnemental ".
"Il
ne faut pas que nous perdions notre âme"
"Des écologistes au
gouvernement, pour quoi faire ? ", ce sera justement le thème d'une des
séances plénières organisées lors de ces journées d'été. Les
deux ministres EELV, Cécile Duflot (Logement et Egalité des territoires) et Pascal Canfin (Développement), viendront débattre de la question.
"Avec des responsabilités ministérielles, nous faisons pression par
exemple " dans le dossier du gaz de schiste, explique également Jean-Vincent
Placé, sénateur de l'Essonne. "Le but d'un parti politique est d'avoir
des élus ", ajoute Yves Cochet, ancien ministre du gouvernement Jospin,
mais "en tant qu'écologistes, il ne faut pas que nous perdions notre âme ",
ajoute-t-il.
Pour certains analystes, le
principal obstacle du parti est en fait institutionnel : sans une dose de
proportionnelle, promise par François Hollande, les écologistes sont
contraints à une alliance avec un Parti socialiste avec lequel ils ne
partagent pas un même projet de société.
Les sujets qui fâchent
Le secrétaire national du parti le reconnaît : "nous avons de
vraies divergences de projet de société avec une partie de nos partenaires ". Ces
divergences sont particulièrement notables sur le thème du nucléaire.
EELV est partisan d'une sortie totale alors que François Hollande
souhaite réduire la part du nucléaire dans la production d'électricité
française de 75% à 50% d'ici 2025.
Autre point d'achoppement,
cet été, EELV a fait entendre ses divergences avec le gouvernement sur les
démantèlements de campements Roms. Pour EELV, ceux-ci "contredisent
brutalement une des promesses " du président Hollande (lire le communiqué d'EELV
à ce sujet). Mardi matin encore, sur France Info, Pascal Durand jugeait que dans un gouvernement de gauche, ce n'était pas au ministère de l'Intérieur de gérer cette question.
La Syrie est aussi matière à débat. Il y a
quelques jours, EELV demandait dans un communiqué que la France, qui préside le
Conseil de sécurité de l'ONU, pousse ses partenaires à "peser
davantage sur la communauté internationale pour que cette barbarie du régime
syrien cesse ".
La présence remarquée de Ségolène Royal
Sans oublier les oppositions au PS sur le traité budgétaire européen (question qui fait débat au sein même d'EELV), sur la
question de l'aéroport de Notre-Dame-des-Landes (Loire-Atlantique), ou encore l'idée de taxer
le kérosène, que relançait récemment sur France Info Barbara Pompili, députée Europe Ecologie-Les Verts de la Somme.
Autant de dossiers qui donneront matière à débat ces trois prochains jours, et sur lesquels EELV va tenter de s'affirmer face au Parti socialiste. Les écologistes ont déjà marqué un point avec la venue de Ségolène Royal. Elle s'exprima lors de l'ouverture de ces journées, en tant que présidente de la région Poitou-Charentes. Une présence qui attire la lumière sur les écologistes, surtout dans la mesure où l'ex-candidate PS à l'Elysée ne sera pas présente aux universités d'été du PS du 24 au 26 août à La Rochelle, ville dans laquelle elle avait échoué aux législatives en juin.
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