Cet article date de plus d'onze ans.

Les écologistes dans la majorité : six mois d'interrogations

Vendredi matin, Jean-Vincent Placé, sénateur d'Europe Ecologie-Les Verts, s'est interrogé sur le maintien des écologistes au gouvernement, avant d'atténuer ses propos. Et pourtant, depuis six mois, la question de la difficile existence des écologistes au sein de la majorité semble récurrente.
Article rédigé par Clara Beaudoux
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6 min
  (Maxppp)

Comment concilier coalition et convictions ? La
question se pose régulièrement depuis six mois, depuis qu'Europe Ecologie-Les
Verts (EELV) possède un groupe à l'Assemblée nationale, un groupe au Sénat, une
ministre du Logement (Cécile Duflot) et un ministre délégué au Développement
(Pascal Canfin).

Dernier évènement en date : vendredi matin,
Jean-Vincent Placé a indiqué sur Radio Classique que de plus en plus d'écologistes
s'interrogeaient sur leur présence au gouvernement. Hasard du calendrier : c'est ce jour-là que l'hebdomadaire Marianne publie des propos de François Hollande jugeant "possible " mais "pas souhaitable " un départ des écologistes du gouvernement.

"Je n'ai jamais indiqué que nous sortirions demain du gouvernement" (Jean-Vincent Placé)

Le chef de file des sénateurs EELV, coutumier des charges
contre l'éxécutif, a ensuite atténué dans la matinée ses propos : "Je n'ai jamais
indiqué que nous sortirions demain du gouvernement
". "Ces propos sont
personnels et n'engagent que lui
", a également déclaré le porte-parole
d'EELV, Jean-Philippe Magnen. Même réaction de François de Rugy sur France Info, même si le président du
groupe écologiste à l'Assemblée a quand même déclaré que "le mouvement
écologiste en France, c'est vrai, depuis quelques semaines, peut avoir été un
peu troublé
".

Car en effet, si
il ne s'agit vendredi que d'une petite phrase de plus, c'est leur accumulation qui
frappe depuis six mois et semble traduire un véritable malaise chez
les écologistes.
Il faut dire que les sujets de friction sont légion. Passage en revue des six mois de cohabitation depuis l'élection de François Hollande.

Juin : le cannabis et
l'éviction de Nicole Bricq

Un peu plus de quinze jours seulement après la formation du
gouvernement, Cécile Duflot relance le débat sur la dépénalisation du
cannabis
. Début juin, la ministre du Logement se déclare favorable à titre
personnel, indiquant qu'elle a bien conscience qu'il ne s'agit pas de
la position du gouvernement.

La droite saute sur l'occasion et dénonce "le double langage " de la gauche, par la voix d'Eric Ciotti,
directeur de campagne de François Fillon
.

Puis vint l'acte suivant, très symbolique, un mois seulement
après la formation du gouvernement : le départ fort précipité de Nicole
Bricq du ministère de l'Écologie. Alors qu'elle partage les positions des
écologistes sur le gaz de schiste et les forages au large de la Guyane, elle doit quitter au bout de quelques semaines le ministère de l'Environnement pour
reprendre le maroquin du Commerce extérieur, après avoir indiqué vouloir "remettre à plat " tous les permis d'exploration pétrolière. Elle est remplacée par Delphine Batho. Le co-président du groupe écologiste
à l'assemblée François de Rugy déclare alors que EELV ne va pas "obéir au doigt et à l'œil ". Le ton est donné. 

Août : le nucléaire
et les évacuations de Roms

Au cœur de l'été, les divergences entre EELV et les
socialistes sont une des grandes questions des journées d'été des écologistes. "N ous avons de vraies divergences de projet de
société avec une partie de nos partenaires
", reconnaît alors Pascal Durand, nouveau secrétaire national d'EELV après le départ de Cécile
Duflot pour le gouvernement. 

Daniel Cohn-Bendit est le premier à fustiger "la
course aux maroquins
". "La
difficulté pour Europe Ecologie, c'est la tentation d'être au gouvernement et
d'être dans l'opposition en même temps
", explique Daniel
Cohn-Bendit.

La vieille pomme de discorde entre les écologistes et les
socialistes est ensuite réapparue fin août : le nucléaire. Sur ce sujet la
déclaration qui avait mis le feu aux poudres est venue du côté socialiste : Arnaud Montebourg déclare que "le nucléaire est une filière
d'avenir
"
, avant d'être recadré par le Premier ministre.

Pendant l'été également, face aux évacuations de campements
roms, EELV estime que ceux-ci "contredisent brutalement une des promesses "
du président Hollande. "Ce n'est pas au ministère de l'Intérieur de gérer
cette question
", indique sur France Info Pascal Durand.

Septembre : le Traité budgétaire européen

En septembre, coup de tonnerre : le conseil fédéral d'Europe
Ecologie-Les Verts décide de ne pas voter la ratification du
traité budgétaire européen
. Dans un éditorial, Le Monde dénonce alors "le jeu de
dupe des ministres verts
", les appelant à démissionner et jugeant "le
non des écologistes incompatible avec la politique de Jean-Marc Ayrault
".

Comme à chaque couac, le Premier ministre renouvèle alors sa confiance à la ministre du Logement, Cécile Duflot elle-même assurant que sa place est "dans
ce gouvernement
"
.

Octobre :
Notre-Dame des Landes et le droit de vote des étrangers

Les expulsions de tous les occupants du site du futur aéroport de Notre-Dame des Landes démarrent en octobre, entraînant des affrontements entre "squatteurs" et forces de l'ordre. Ce projet d'aéroport, défendu par le Premier ministre, a vocation à remplacer celui de Nantes en 2017.

"J'avoue ne pas comprendre cette obstination sur un projet anti-écologique et anti-économique ", déclare alors Jean-Philippe Magnen, porte-parole d'EELV. François de Rugy dénonce pour sa part "une forme d'entêtement difficilement justifiable ". Et ce point d'achoppement est encore vif puisque vendredi Jean-Vincent Placé l'a qualifié de "goutte d'eau ". 

Autre serpent de mer politique objet de tensions en octobre : le droit de vote des étrangers. Najat Vallaud-Belkacem, porte-parole du gouvernement, exprime ses "doutes " sur sa mise en application pour les municipales de 2014. Jean-Vincent Placé demande alors un "engagement ferme " du gouvernement. "Je rappelle que le président de la République s'est engagé ", ajoute-t-il.

Novembre : le rapport
Gallois

Dernier point de friction en date : les mesures prises
par le gouvernement mardi 
suite à la remise du rapport Gallois. "Des
annonces très en faveur des entreprises sans contreparties et sans conversion
écologique
", dénonce Jean-Vincent Placé. Les écologistes reprochent au Premier ministre d'avoir repoussé à 2016 la question d'une fiscalité écologique, même si le ministre de l'Economie, Pierre Moscovici, a depuis évoqué la possibilité d'"aller plus vite ". 

Un
"gros coup sur la casquette ", juge pour sa part Noël
Mamère. Le député-maire EELV de Bègles avertit d'ailleurs qu'il n'avalera pas "des couleuvres " pendant 5 ans. 

Un point positif tout de même dans ce rapport Gallois : un volet du rapport envisage la poursuite des recherches sur les techniques d'exploitation des gaz de schiste. Mais le gouvernement indique qu'il écarte définitivement cette option comme le réclament les écologistes, alors qu'en août Jean-Marc Ayrault avait indiqué que le débat n'était "pas tranché ".

Des "couleuvres" dont certains se délectent

Alors jusqu'à
quand les écologistes avaleront-ils ces "couleuvres " ? En tout cas, il y en
a qui se régalent de cette situation. La droite aime
à pointer du doigt "la cacophonie " du gouvernement (pour cacher ses propres divisions ?),
"le révélateur du manque d'autorité de François Hollande ", le "problème d'autorité du gouvernement ", ou encore l'illustration de la "très
grande fragilité
" de la coalition au pouvoir.

"Est-ce que les verts préfèrent les ors de la République ou leurs convictions ? ", interroge par exemple récemment Valérie Précresse sur France Info. "Ça en dit long sur leurs priorités, on a bien compris
qu'ils étaient prêts à tout sacrifier pour être ministre
", estime Nathalie Kosciusko-Morizet.

Enfin, de l'autre côté de l'échiquier, un autre se frotte les mains : "Ce que je vois c'est ma part de la bouteille qui se remplit, nous sommes au cœur d'une autre coalition de gauche
possibl
e", prédit Jean-Luc Mélenchon, leader du Front de Gauche.

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