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Pourquoi le front républicain ne fonctionne plus face au FN

L'UMP devrait définitivement écarter une alliance avec le PS pour la législative partielle du Doubs. Le front républicain semble avoir perdu de son efficacité. 

Article rédigé par Florian Delafoi
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 4 min
Marine Le Pen et Sophie Montel, candidate FN à la législative partielle dans le Doubs, distribuent des tracts devant l'entreprise PSA Peugeot Citroën le 23 janvier 2015 à Montbéliard.  (SEBASTIEN BOZON / AFP)

Nicolas Sarkozy dit "non au FN" mais "laisse les électeurs choisir". Le président de l’UMP a fait part de sa position devant les députés mardi 3 février, quelques heures avant l’ouverture du bureau politique. Les cadres du parti doivent se réunir à 18 heures pour déterminer la ligne officielle de l'UMP après sa défaite dès le premier tour de la législative partielle dans le Doubs, dimanche 1er février.

Avant même la tenue de la réunion, plusieurs voix divergentes se sont déjà faites entendre. Alain Juppé a appelé à "faire barrage au FN" alors qu’Henri Guaino qui y voit là "une folie". L’idée d’un "front républicain", alliance des partis pour barrer la route au FN dans le Doubs, semble définitivement enterrée par l’UMP. Cette stratégie aurait-elle perdu de son efficacité ? Voici les raisons qui expliquent le faible impact des réflexes anti-FN.

Parce que les consignes de vote ne sont pas suivies

Les partis politiques appellent traditionnellement leurs électeurs à se porter vers le candidat PS ou UMP encore en lice face au Front national. Mais ces positionnements d’entre deux tours ne sont que très rarement suivis d'effets dans les urnes. Alain Juppé le concède d’ailleurs dans le message posté sur son blog lundi 2 février. “Pour tout dire, je ne suis pas sûr que les citoyens d’aujourd’hui attendent les consignes d’un parti avant d’aller voter. Chacun choisira en son âme et conscience”, avance le candidat à la primaire de 2017.

"On sait peu de choses sur l’efficacité d’un front républicain", confirme le spécialiste du Front national Joël Gombin à francetv info. Les dernières législatives partielles ont montré que les reports de voix de la liste éliminée, qu’elle soit du PS ou de l’UMP, ne sont plus aussi évidents. Le front républicain soutenu par le Parti socialiste lors d’une bataille UMP-FN au second tour peut même avoir des effets inattendus.

A Compiègne (Oise) ou à Villeneuve-sur-Lot (Lot-et-Garonne), une part non-négligeable des électeurs de gauche du premier tour ont porté leurs voix sur le candidat FN plutôt que sur celui de l'UMP. Une partie de l'électorat des deux grands partis traditionnels est sensible aux idées du FN. "Le front républicain est une sorte de fantasme", assure Joël Gombin.

Parce qu’il y a une plus grande porosité entre l’UMP et le FN

Le second tour de la législative partielle voit s’affronter le Parti socialiste et le Front national. Une situation qui met la droite dans l’embarras. "La situation est extrêmement inconfortable pour la droite qui doit faire face aux scores élevés du Front national. Avec sa stratégie du ni-ni, elle est coincée entre la possibilité de faire élire son adversaire à gauche ou faire passer l’idée qu’elle serait proche du FN", explique Joël Gombin, spécialiste du parti d’extrême droite.

La progression de l’extrême droite a brouillé les lignes entre le FN et l’UMP. La droitisation, engagée par Nicolas Sarkozy après les élections cantonales de 2011, a un impact sur l’électorat. Les sympathisants de l’UMP et du FN sont plutôt favorables à une alliance entre les deux partis au second tour des régionales de décembre 2015. Une demande d’alliance qui s’explique par la volonté de battre le Parti socialiste. Un sympathisant sur cinq dit aux responsables de l’UMP et du FN : "Pour éviter qu’une région soit présidée par une personnalité socialiste, nous lui préférons une personnalité estampillée FN" selon un sondage Harris Interactive publié en novembre 2014 par Marianne.

Parce que le front républicain peut faire le jeu du FN

Le Front national se satisfait de mettre en difficulté les partis traditionnels. Une alliance entre le Parti socialiste et l’UMP serait une aubaine pour le parti d'extrême droite qui compte bien accentuer sa "dynamique" positive. 

Le discours anti-système du Front national prend de la valeur au moment où l'UMP hésite à s'exprimer contre le parti d'extrême droite pour le second tour de la législative partielle. A l’annonce des résultats du premier tour, Marine Le Pen attendait avec impatience les consignes de vote du président de l'UMP Nicolas Sarkozy. "Il a deux choix, soit il appelle à voter PS et démontre une fois de plus que l'UMPS est une réalité politique en se mettant en rupture totale avec son électorat, soit il laisse l'élection se dérouler et alors notre candidate a ses chances", a-t-elle estimé selon Le Figaro.

Parce que les législatives partielles ne passionnent pas les électeurs

Le principal frein à un possible front républicain reste l’abstention. Dans le Doubs, les bureaux de vote n’ont pas fait le plein dimanche 1er février lors du premier tour de la législative partielle. La participation n'était que de 34,45%. L’abstention, caractéristique des scrutins partiels, peut alors ouvrir la porte à un candidat FN. C’est ce qui s’est produit dimanche 1er février dans le Doubs après l’élimination de l’UMP. "On peut faire le pari que l’abstention ne sera pas forcément plus élevée au second tour. L’électorat frontiste et l’électorat de gauche peuvent très bien se remobiliser le dimanche 8 février", estime le chercheur Joël Gombin.

Pourtant, la présence d’un candidat FN au second tour n’a pas fait réagir les électeurs lors des législatives partielles organisées depuis l’élection de François Hollande en 2012. Lors de l’élection législative partielle du Nord en juin 2014, le candidat UDI Laurent Degallaix a affronté le candidat FN Jean-Luc François Laurent. Le taux d’abstention est même passé de 74% à 76% entre les deux tours. Un désintérêt pour le scrutin qui met à mal toute tentative d’alliance entre les partis républicains.

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