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Le Parti pirate, un petit nouveau qui part à l'abordage des urnes via le Web

Le Parti pirate s'est invité sur les écrans de télévision, mardi 29 mai, dans le cadre de la campagne officielle. Qui se cache derrière cette jeune formation ? Quelles sont ses idées ? Maxime Rouquet, co-président du parti, répond à FranceTV2012.
Article rédigé par Natalia Gallois - Propos recueillis par
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6 min
Capture d'écran du site du Parti pirate (DR)

Le Parti pirate s'est invité sur les écrans de télévision, mardi 29 mai, dans le cadre de la campagne officielle. Qui se cache derrière cette jeune formation ? Quelles sont ses idées ? Maxime Rouquet, co-président du parti, répond à FranceTV2012.

Le premier clip officiel "pirate" a été diffusé notamment sur France 2 et France 3, mardi 29 mai.

Une exposition médiatique sans précédents pour le Parti pirate (PP) qui va connaître son premier test électoral le 10 juin. 101 candidats vont se frotter aux urnes sous l'étiquette de cette formation pour les législatives.

En Allemagne, les pirates ont déjà obtenu 45 sièges de députés locaux. 4 dans le Sarre, 15 à Berlin, 6 dans le Schleswig-Holstein et 20 en Rhénanie-du-Nord-Westphalie. Des chiffres qui doivent faire rêver le PP français. Le mouvement n'en est qu'à ses balbutiements dans l'hexagone, et revendique un peu plus de 500 membres.

Maxime Rouquet, 26 ans, co-président du PP et candidat dans la 10e circonscription des Yvelines, répond aux interrogations de FranceTV2012.

Comment est né le Parti pirate ?

C'est un informaticien suédois, Rick Falkvinge qui en avait assez que l'on traite de pirates des gens qui partageaient la culture sur Internet.

Le soir du réveillon 2005/2006, il a rédigé une page Web pour expliquer à quoi ressemblerait un parti qui représenterait ces "pirates". Un parti qui défendrait la vie privée, la transparence des institutions, la liberté d'accès au savoir et à la culture, et la lutte contre les monopoles privés.

De cette blague de nouvel an est né un véritable mouvement politique.

En France, tout a commencé en 2006 sur un forum Internet où les débats se sont multipliés, mais sans structure. En 2009, le parti s'est organisé en association, puis en 2011 c'est devenu un parti reconnu.

Le but est de donner le plus de pouvoirs possibles aux adhérents. Ce sont eux qui votent le programme, conçu de manière participative. Des débats ont lieu toute l'année, et n'importe qui peut apporter sa contribution, participer aux réunions. Les propositions sont adoptées à la majorité des trois quarts.

Le conseil d'administration est contrôlé par les adhérents et les membres peuvent être révoqués à tout moment. Les comptes sont transparents. On essaie d'appliquer les principes que l'on aimerait voir dans la vie politique.

Vous défendez le principe de la "démocratie liquide". De quoi s'agit-il ?

C'est une réaction à la démocratie représentative. Un représentant élu tous les cinq ans et qui ne rend pas de compte, ce n'est pas la démocratie.

D'un autre côté, la démocratie athénienne, qui était une démocratie directe présente un inconvénient : tout le monde ne peut pas consacrer plusieurs jours par semaine à la vie politique.

Nous proposons donc un système souple et dynamique qui mélange démocratie directe et démocratie représentative, sans en avoir les inconvénients, c'est ce qu'on appelle la "démocratie liquide".

Si on veut s'exprimer sur un sujet, faire des propositions, on peut. Et si on n'a pas le temps, ou que l'on ne se sent pas assez expert, on peut déléguer son pouvoir de vote ou de débat à un autre membre. A chaque instant, on peut reprendre ce pouvoir.

En pratique, nous commençons à utiliser une plateforme développée par les Allemands, qui s'appelle "Liquid feedback". L'objectif est de coordonner les débats et d'étudier ou d'amender les propositions de chacun pour changer (ou non) le programme ou les statuts lors de l'Assemblée générale.

Quel est votre programme ?

Nous défendons cinq grands thèmes : la légalisation du partage non lucratif, la lutte contre le fichage abusif, l'indépendance de la justice, l'ouverture des données publiques, la transparence de la vie politique. Sur le site, des articles de fond détaillent chacun de ces thèmes.

Qui sont les candidats ?

Il y a 101 candidats et 101 suppléants.

Tous des citoyens, très peu de candidats ont une expérience politique. Il n'y a pas de profil type même si nous regrettons une trop forte proportion d'hommes.

Peu de femmes se sont présentées. Il y a des informaticiens, des retraités, des pères ou mères de famille, des étudiants, des artistes.

Tous des geeks ?

Le terme geek est de plus en plus courant. Il désigne autant quelqu'un qui connaît les nouvelles technologies, qu'une personne qui va sur Wikipédia pour agrémenter une fiche, ou quelqu'un qui se rend sur les forums.

C'est une évolution générale de la société qui fait qu'une nouvelle génération (pas forcément en âge) émerge, avec une nouvelle façon de réfléchir et de traiter l'information.

On passe d'une génération qui a connu une information monopolisée par la télévision, à une génération qui va chercher l'information sur le Web, et développe un esprit critique.

C'est une évolution des mentalités, la société devient de plus en plus geek. Mais nous ne voulons pas être définis comme un parti de geeks, nous défendons les libertés sur Internet, mais aussi les libertés en général.

Le terme de "Parti pirate" permet avant tout de susciter une curiosité.

Comment financez-vous votre campagne ?

Nous voulons être entièrement indépendants. Nous ne voulons donc pas de mécène qui pourrait vouloir nous imposer des idées, pas d'emprunt non plus car on peut être dépendant d'une banque.

Et pas d'alliance avec un parti politique qui impliquerait la moindre concession sur les idées que l'on défend. Notre priorité n'est pas d'avoir des élus, c'est de défendre des idées.

Donc la campagne a lieu essentiellement sur le Web. Nous demandons aux citoyens d'aller sur les blogs de campagne des candidats pour imprimer leur bulletin de vote. Puis chacun se débrouille avec ses moyens.

Nous donnons des conseils sur le site pour que les candidats, tous bénévoles, s'organisent au mieux, en imprimant quelques bulletins, en distribuant des tracts, en organisant des réunions publiques dans des locaux prêtés par la mairie, etc.

Une faible part provient des cotisations (10 euros minimum par an). Nous sommes tout de même passés de moins de 200 adhérents en début d'année à plus de 540 aujourd'hui. C'est modeste, mais c'est déjà une progression.

Quel est l'enjeu des législatives ?

Nous voulons faire connaître l'existence du PP et mettre nos idées sur le devant de la scène.

L'idée est aussi de montrer que le parti peut être crédible en France, et donc dans d'autres pays que la Suède et l'Allemagne, qu'il peut peser sur la vie politique avec peu de moyens.

Car même si nous avons un système législatif moins favorable aux petites formations que ces deux pays, nous voulons montrer à nos voisins que nous serons à la hauteur en 2014, lors des élections européennes.

Un scrutin qui nous permettra de porter d'autres propositions, comme la question des brevets sur les logiciels, sur le vivant, des brevets pharmaceutiques, car ces thématiques se décident au niveau international.

Nous avons par ailleurs signé à la mi-avril la déclaration de Prague lors du congrès du Parti pirate international (une association qui coordonne les relations entre les différents partis pirates et les aide à se former).

Elle dispose que les partis pirates s'engagent à présenter un programme commun lors de l'élection du Parlement européen, et à créer un parti pirate européen.

En 2009, avec plus de 7% des voix, les pirates suédois sont entrés au Parlement européen avec deux députés.

Le clip officiel du parti pirate :

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