La réussite allemande a été érigée en modèle économique à suivre
A moins de trois mois de l'élection présidentielle, l'Allemagne est vue comme un modèle de réussite économique. Argument électoral, le pays apparaît comme plus compétitif et plus solide que la France. Un exemple à suivre ?
C'est la première fois que la dimension internationale de l'économie est aussi présente dans les débats électoraux.
Le chef de l'Etat l'a dit lui-même dimanche dernier, lors de son intervention télévisée : la campagne de 2012 sera la "première véritable campagne du XXIe siècle, la première où on verra le monde extérieur s'inviter dans le débat national, comme jamais il ne l'avait fait avant".
Pour preuve, Nicolas Sarkozy a utilisé quinze fois le mot "Allemagne" dimanche, d'après la correspondante de la Frankfürter Allgemeine Zeitung, Michaela Wiegel, qui parle même d'"obsession allemande".
De la compétitivité outre-Rhin à l'organisation du marché du travail, en passant par le droit de grève, celui qui n'est pas encore candidat à sa réélection semble admiratif pour tout ce que le l'Allemagne représente.
Excédent commercial
Le pays connaît en effet une grande réussite en matière d'économie, avec un taux de chômage très bas (en dessous des 8 % de la population active). Ses dépenses publiques ont baissé depuis les années 1990 pour atteindre 43,7 % du PIB entre 2003 et 2007, contre 52,7 % en France, relève le journal La Croix.
Selon le quotidien, le pays s'appuie sur un "formidable tissu de PME" qui réalise un chiffre d'affaires de 50 millions d'euros maximum et à qui on doit les 154 milliards d'euros d'excédents commerciaux en 2010.
6,5 millions de travailleurs pauvres
Pour autant, la gauche est plus circonspecte. Arnaud Montebourg a estimé mercredi qu'"il y a un anti-modèle allemand", marqué par "un taux de croissance inférieur sur dix ans à celui de la France et de la zone euro", par "cinq millions de mini-jobs payés 400 € par mois", par des "excédents" qui résultent de "pratiques de désinflation compétitive".
Le député PS de Saône-et-Loire se base sur l'Organisation internationale du travail (OIT), qui a publié mardi son rapport sur les perspectives de l'emploi en 2012.
Selon l'OIT, "au niveau européen, [le modèle allemand] crée les conditions d'une dépression économique prolongée", a rapporté le Huffington Post lundi. L'organisation souligne que 6,5 millions de personnes sont des travailleurs pauvres, soit 23 % de la population active. Un emploi allemand sur dix est un "mini-job", sans cotisations ni couvertures sociales, avec un salaire à moins de 400 euros par mois.
L'Allemagne fait cavalier seul ?
Qu'à cela ne tienne ! Pour Nicolas Sarkozy, l'Allemagne est "le seul pays d'Europe qui, non seulement a gardé ses emplois industriels mais les a développés", alors que "depuis 10 ans, la France a perdu 500 000 emplois industriels".
"La France se vide de son sang industriel, il faut arrêter ça", a-t-il affirmé, évoquant encore l'exemple allemand.
Pourtant, selon le rapport de l'OIT, la compétitivité accrue de l'Allemagne aurait contribué à aggraver la crise économique européenne. Le Fonds Capec va plus loin. D'après ce groupe d'études qui a publié un rapport sur le modèle allemand en avril 2011, suivre la stratégie germanique aboutirait à terme à une "aggravation de la désindustrialisation".
Contacté par France TV 2012, l'auteur de ce rapport, Jean-Luc Schaffhauser, a dénoncé avec force le "mythe" d'une Allemagne "compétitive". "C'est faux !", s'exclame-t-il. Selon lui, la politique de rigueur menée par l'Allemagne "ne produit des effets bénéfiques que dans la mesure où, à l'instar de la France, les principaux partenaires commerciaux de l'Allemagne n'adoptent pas la même politique de rigueur".
"Les excédents des uns sont les déficits des autres", souligne le chercheur, ajoutant que "l'Allemagne est déficitaire vis-à-vis de la Chine". Suivre ce modèle conduirait la France à se lancer dans une "politique récessive qui détruirait la demande" intérieure, alors que celle-ci constitue plus de la moitié de son marché.
L'auteur dénonce le succès commercial de l'Allemagne qui, selon lui, ne joue pas le jeu d'une politique coopérative européenne et bénéficie ainsi des mauvais résultats commerciaux des autres pays européens.
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