Cet article date de plus de douze ans.

"La photo que l'on attendait de Sarkozy, c'est Hollande qui l'a faite"

Professeur à la Sorbonne Nouvelle-Paris III et directeur du Centre d'étude sur les images et les sons médiatiques, François Jost donne son impression à chaud sur la photo présidentielle, présentée lundi. 

Article rédigé par Marie-Adélaïde Scigacz - Propos recueillis par
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 2 min
Le portrait officiel de François Hollande réalisé par Raymond Depardon et dévoilé, lundi 4 juin 2012, à l'Elysée à Paris. (BERTRAND LANGLOIS / AFP)

Une photo normale, voire amateur ? Le portrait officiel du président de la République, François Hollande, a été dévoilé lundi 4 juin. "Quand j'entends le terme 'amateurisme' pour qualifier une photo réalisée par Raymond Depardon, je trouve cela particulièrement amusant", remarque François Jost, professeur à la Sorbonne Nouvelle-Paris III et directeur du Centre d'étude sur les images et les sons médiatiques.

Pour FTVi, ce spécialiste de l'image a décrypté les intentions derrière ce cliché qui sera affiché dans les 36 000 mairies et les écoles de France.

FTVi :  Que nous dit cette photo du François Hollande président, par rapport au François Hollande candidat de son affiche de campagne ?

François Jost : Ce qui frappe, c'est la continuité. Dans les deux cas, sa posture indique une adresse aux spectateurs avec notamment ce léger sourire - sans doute davantage esquissé ici - qui reste dans la connotation de la franchise. A l'opposé de Nicolas Sarkozy qui avait adopté une pose de trois quarts indiquant un repli sur la vie intérieure. Ici, il n'y a que le décor qui change. Sur son affiche de campagne, François Hollande posait d'abord devant un fond uni, puis un paysage. Là, il donne l'impression qu'on a incrusté cette fois le lieu dont il est le nouveau locataire : l'Elysée.

Comment interpréter ce choix d'une prise de vue à l'extérieur ?

Le décor est dénotatif : François Hollande est le président, son lieu de travail est donc l'Elysée. Quant à la pose, c'est celle de n'importe qui. La photo a d'ailleurs été prise en marchant, mais cela ne se remarque que très peu. Il n'est pas pris sur le vif, mais il reste cette impression de "normalité". On a l'impression que quelqu'un a dit : "Excusez-moi, M. Hollande ?" avant de prendre ce cliché. Bien sûr, ce n'est pas le cas, et Raymond Depardon a sans doute effectué un gros travail, notamment sur la lumière.

N'empêche qu'il parvient à se démarquer de la photo de Jacques Chirac, également prise dans les jardins de l'Elysée. Jacques Chirac avait les mains derrière le dos. Ici, la pose est beaucoup plus naturelle. Ce cliché engage à une lecture littérale et non à une lecture connotative où l'on serait tenté d'interpréter les symboles. D'ailleurs, les détournements qui ont aussitôt été faits sont des ajouts - des monstres, un homme nu, etc. - mais les détourneurs se cassent un peu les dents sur cette photo qui, justement, ne cherche pas à signifier. Elle ne montre pas des symboles mais une fonction.

François Hollande tend ainsi à se démarquer de ses prédécesseurs ?

Nicolas Sarkozy et François Mitterrand avaient posé devant la bibliothèque. François Mitterrand s'était même saisi d'un livre, tandis que Nicolas Sarkozy se trouvait tout à côté des drapeaux français et européen. Sa légion d'honneur était par ailleurs davantage visible. Quant aux présidents plus anciens, ils portaient carrément le grand collier.

Avec cette photo, François Hollande ringardise complètement la photo de Nicolas Sarkozy. Lui qui voulait rendre la politique plus décontractée avait finalement cédé aux codes officiels. Celle de François Hollande fait d'ailleurs penser à une photo qu'auraient pu faire les Américains. On retrouve cette impression de naturel très étudié. C'est la photo qu'on aurait pu attendre de Nicolas Sarkozy, et c'est Hollande qui l'a faite. Certes, la pose n'est pas complètement naturelle et la veste de costume reste fermée, dans un style classique, mais il existe bien une rupture.

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.