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L'impunité dont bénéficient les "responsables" de la crise a attisé le mécontentement des électeurs

Le président Barack Obama a eu beau mettre en place une réforme de la régulation financière (promulguée en juillet 2010), bon nombre d'Américains ont l'impression que les "vrais responsables" du fiasco économique dans lequel se trouve l'Amérique ne seront jamais véritablement inquiétés. Un sentiment qui a miné le terrain des démocrates à mi-mandat.
Article rédigé par Laure Narlian
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié
Temps de lecture : 4min
Traders au New York Stock Exchange à New York (AFP)

Le président Barack Obama a eu beau mettre en place une réforme de la régulation financière (promulguée en juillet 2010), bon nombre d'Américains ont l'impression que les "vrais responsables" du fiasco économique dans lequel se trouve l'Amérique ne seront jamais véritablement inquiétés. Un sentiment qui a miné le terrain des démocrates à mi-mandat.

Le chroniqueur Frank Rich s'en inquiétait dans le New York Times le 23 octobre. Selon lui, "le plus impitoyable frein" au camp démocrate est le sentiment des Américains que "l'ordre économique qui a nous a donné la grande récession n'est pas seulement encore en place mais qu'il est plus enraciné et puissant que jamais".

L'amertume ne vient pas seulement du fait que nombreux sont ceux à avoir perdu leurs boulots, leurs économies et leurs maisons. Elle réside aussi dans le constat implacable "que les plus hauts responsables de cette débâcle nationale n'iront jamais en prison, que les grosses banques ont encore grossi et que les riches restent les seuls Américains à s'enrichir", écrit Frank Rich en substance.

Aucun responsable du fiasco financier ne passera devant le juge
Mais au fait de quels responsables de la crise parle-t-on ? De Angelo Mozilo par exemple, ancien PDG de Countrywide, leader américain du prêt hypothécaire subprime qui a coulé en 2008. Cette caisse de crédit, championne du prêt sans justificatif, a vendu ses emprunts pourris durant des années en assurant qu'il s'agissait d'excellents placements.

Le même Angelo Mozilo, qui, évoquant les prêts subprimes, reconnaissait dans des e-mails privés qu'il s'agissait du produit financier "le plus toxique" qu'il ait vu "de sa vie"...et continuait à endormir ses clients en leur fourgant allègrement cette bombe à retardement.

Cet homme de 71 ans, qui a engrangé des émoluements de 521,5 millions de dollars durant ses huit ans passés à Countrywide (2000 à 2008), devait être jugé en octobre. Il ne connaîtra pas le banc des accusés: ses avocats sont parvenus à un accord à l'amiable avec la SEC, le contrôleur des marchés américains qui a reçu l'assurance de recevoir 87,5 millions de dollars. Dont Mozilo ne versera que 67,5 millions, Bank of America, repreneuse de Countrywide, s'étant engagée à régler la différence.

Mozilo n'est pas le seul à s'en sortir. Contrairement à l'époque encore pas si lointaine du scandale Enron , qui s'était soldé au début de la décennie par la condamnation de son PDG Kenneth Lay malgré sa proximité avec George W.Bush, l'impunité semble être la règle.

Ainsi, aucun responsable de Citigroup, qui accuse 45 milliards de dollars de trou, ne sera poursuivi et la banque devra juste s'acquitter de 75 milliards de dollars d'amende. Goldman Sachs a dû verser 550 millions de dollars d'amende. Une paille comparés aux plus de 10 milliards de dollars de bonus qu'elle a d'ores et déjà prévu de verser à ses cadres en fin d'année.

Les mauvais gestionnaires récompensés ?
Comme si cela ne suffisait pas, de nombreux électeurs d'Obama en 2008, estiment que le président persiste à faire les choix les plus consternants pour son équipe économique.

Alors que son principal conseiller économique Larry Summers a annoncé son départ pour la fin de l'année, les deux noms les plus cités pour le remplacer sont Richard Parsons et Anne Mulcahy, qui étaient tous deux aux commandes de Fannie Mae et Citygroup lorsque ces deux organismes financiers ont connu des pertes monumentales. Pas le genre de gestion modèle à récompenser.

Pour bien marquer l'exaspération face à ce genre de faux pas, Jonathan Weil, chroniqueur chez Bloomberg, surenchérissait récemment dans l'absurde: pourquoi ne pas nommer plutôt Dick Fuld, l'une des personnalités les plus détestées de la finance, celui par qui le naufrage de Lehman Brothers est arrivé après y avoir engrangé un milliard de revenus personnels ? Ou pourquoi ne pas choisir ce bon vieux Angelo Mozilo ?

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