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Paradis fiscaux : on vous explique la polémique autour de la ministre Agnès Pannier-Runacher

La ministre de la Transition énergétique est fragilisée par des révélations du site d'information Disclose sur le patrimoine de ses enfants.

Article rédigé par franceinfo avec AFP
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Temps de lecture : 4 min
La ministre de la Transition énergétique, Agnès Pannier-Runacher, le 9 novembre 2022 à Lumbres (Pas-de-Calais). (FRANCOIS LO PRESTI / AFP)

Des révélations embarrassantes. La Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) a ouvert, mardi 8 novembre, une enquête sur la ministre de la Transition énergétique, Agnès Pannier-Runacher. Cette enquête intervient après la publication d'un article de Disclose révélant que ses enfants détenaient des parts dans une société dont les fonds sont en partie domiciliés dans des paradis fiscaux. Franceinfo vous explique ce qui est reproché à la ministre et à sa famille.

Que révèle Disclose ?

Selon le média d'investigation, les enfants de la ministre de la Transition énergétique sont associés d'Arjunem, une société française, non mentionnée sur la déclaration d'intérêts de la ministre. Elle a été créée par Jean-Michel Runacher, le père de la ministre, en 2016, dans le cadre d'une transmission de patrimoine. L'intéressé, qui a dirigé l'entreprise pétrolière Perenco pendant de longues années, y a apporté pour environ 1,2 million d'euros de parts. Une opération qui pourrait être assimilée à une volonté d'éviter de payer des droits de succession.

Selon Disclose, ce patrimoine provient de fonds spéculatifs installés dans le Delaware, en Irlande et à Guernesey, dans lesquels Perenco détenait aussi des investissements. Quatre de ses petits-enfants en sont les associés, dont les trois enfants d'Agnès Pannier-Runacher, qui étaient alors mineurs, et pour lesquels la ministre a signé en tant que représentante légale.

Comment se défend la ministre ?

Auprès de Disclose, Agnès Pannier-Runacher affirme qu'elle n'a "pas à déclarer cette structure", puisque la loi l'oblige à déclarer ses participations directes et celles de son conjoint, mais pas celles de ses enfants, ce qu'a confirmé la HATVP. L'autorité précise toutefois à Disclose que "l'absence d'obligation déclarative ne dispense pas le responsable public de veiller à prévenir et faire cesser les situations de conflits d'intérêts qui naîtraient d'autres intérêts indirects détenus, tels que l'activité des enfants ou d'autres membres de la famille".

La ministre explique dans une réponse détaillée que ses enfants étaient nus-propriétaires et ne touchaient donc aucun dividende, Jean-Michel Runacher restant l'usufruitier. Elle ajoute qu'Arjunem était bien "soumise à la fiscalité française". Les produits financiers, eux, sont déposés dans une banque au Luxembourg, a-t-elle confirmé. "Il ne s'agit pas de mon patrimoine, mais de celui de mes enfants qui, eux-mêmes, n'ont aucun pouvoir de gestion de la société à ce jour", précise encore la ministre à Disclose.

"Il n'y a donc rien de dissimulé, rien de caché", a-t-elle insisté, expliquant que les opérations visées avaient été réalisées par "le biais d'une entreprise française". Sur l'origine des fonds, Jean-Michel Runacher "a apporté des parts de fonds qui n'ont aucun lien avec Perenco. Il s'agit de placements acquis par le passé dans le cadre de ses placements personnels", a-t-elle dit, renvoyant à son père "pour plus de détails".

La société pétrolière Perenco, ancien employeur de son père, est "une société étrangère qui existe, qui exerce ses activités pétrolières hors de France. Je n'ai donc pas eu, dans le cadre de mes fonctions de ministre, à connaître les activités de ce groupe". A l'Assemblée nationale, elle a dénoncé mardi des "allégations fausses et calomnieuses", assurant que ce sujet n'avait "pas de lien avec (ses) fonctions de ministre".

Quelles sont les autres réactions ?

L'opposition n'a pas tardé à critiquer la ministre. La députée Clémence Guetté (LFI) s'est interrogée, elle, sur "la probité" pour accélérer sur les énergies renouvelables d'une ministre "dont les intérêts financiers indirects sont visiblement liés à des entreprises pétrolières". "Il y a de l'optimisation fiscale, il y a du conflit d'intérêts. Ce n'est pas une tempête dans un verre d'eau, c'est grave", a déclaré le patron du PCF, Fabien Roussel, sur France 2.

Pointant des fonds qui "proviennent de pays un peu exotiques", Olivier Marleix, patron des députés LR, a estimé que cela revenait "à une formidable optimisation" fiscale. "Il faut que la ministre aille s'expliquer", a tranché de son côté le député RN Sébastien Chenu sur franceinfo, mercredi. "Si tout va bien, si tout est en règle, continuez votre activité, nous continuerons, nous, à batailler contre ce que vous menez comme politique. En revanche, si vous avez manqué à vos obligations, il faudra en tirer les conséquences, voilà, pas plus, pas moins", a-t-il poursuivi.

La position de la ministre est-elle fragilisée ?

Du côté du gouvernement, la Première ministre, Elisabeth Borne, a préféré laisser sa ministre se défendre et a affirmé devant les députés mardi que son "rôle n'était pas de commenter des articles de presse". "Nous sommes dans un hémicycle, pas dans un tribunal", a-t-elle ajouté. "Ce n'est pas cet article qui doit trancher le sort de la ministre", a appuyé lors d'un point presse Loïc Signor, porte-parole du parti présidentiel Renaissance. L'Elysée est resté silencieux sur cette affaire.

Un embarras compréhensible, car en tant que ministre de la Transition écologique, Agnès Pannier-Runacher est en première ligne sur de nombreux dossiers brûlants pour le gouvernement, comme la sobriété énergétique ou la planification écologique, qui passe notamment par une diminution de la consommation des énergies fossiles.

De nombreux acteurs de ces dossiers, qui ont dans le viseur la société pétrolière Perenco, accusée de préjudices environnementaux en République démocratique du Congo, risquent d'être refroidis par ces révélations, selon Le Monde (article abonnés). A l'image de Greenpeace qui a appelé à la démission de la ministre, mardi. "Non seulement la ministre n'est pas à la hauteur des enjeux de la transition énergétique, mais il devient aujourd'hui impossible de la considérer comme une interlocutrice crédible sur l'objectif affiché de sortie des énergies fossiles", écrit l'ONG dans un communiqué.

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