Génération identitaire est "une avant-garde transnationale et une école des cadres du Rassemblement national", affirme un chercheur
Selon Nicolas Lebourg, spécialiste de l'extrême droite européenne, le mouvement dont Gérald Darmanin souhaite la dissolution représente entre 500 et 800 personnes en France mais est présente dans une dizaine de pays.
Plusieurs centaines de personnes ont manifesté samedi 20 février à Paris contre la possible dissolution du mouvement d'extrême droite Génération identitaire, une procédure ayant été lancée par le ministère de l'Intérieur. Pour Nicolas Lebourg, spécialiste de l'extrême droite européenne, l'organisation est "un mouvement d'agit-prop transnationale et une école des cadres pour un parti populiste légal". Génération indentitaire abrite "des gens de qualité au niveau du travail politique et qui sont embauchés ensuite par le RN", affirme le chercheur au centre d'études de l'Europe latine à l'université de Montpellier.
franceinfo : Comment est né le mouvement Génération identitaire en 2012 ?
Nicolas Lebourg : Ce mouvement vient de la dissolution d'Unité radicale en 2002. Unité radicale est dissout parce qu'un de ces jeunes militants a tiré sur le président de la République Jacques Chirac. Les cadres décident de transformer le mouvement. On abandonne l'antisémitisme, l'antisionisme, l'apologie de la violence, l'apologie du terrorisme, les références fascistes et totalitaires pour se concentrer sur un mouvement qui dénonce l'islam et l'immigration. Cela va être les différentes formes des identitaires jusqu'à Génération identitaire en 2012.
Où remontent les racines de cette mouvance en France ?
À la base, ce sont des nationalistes révolutionnaires, c'est à dire des néofascistes qui mettent en avant le caractère social et anti-impérialiste du fascisme et sa dimension européenne. Et puis ce sont des gens qui vont être très troublés à partir de la guerre du Kosovo en 1999 par la question de l'islam. Ça se radicalise évidemment avec le 11 septembre. Et alors qu'ils étaient antisionistes, qu'ils soutenaient la cause palestinienne, qu'ils avaient même de la sympathie pour Ben Laden - dans le journal d'Unité radicale, il y avait de la sympathie pour Ben Laden affichée - d'un coup d'un seul, il y a vraiment eu une transformation avec l'idée que l'islam est devenu l'ennemi prioritaire, l'ennemi central de l'Europe.
Quelle est la représentativité aujourd'hui de Génération identitaire ?
D'un point de vue quantitatif, c'est 500 ou 800 militants. Ce n'est pas énorme. C'est très bien pour un mouvement d'extrême droite radicale. En général, c'est beaucoup plus petit que ça. Mais bien évidemment, à l'échelle de la France, c'est petit. Maintenant, il faut bien voir que c'est à la fois un mouvement qui est une avant-garde transnationale, organisée dans une dizaine de pays, et une école des cadres du Rassemblement national.
Le FN - RN a toujours eu du mal à trouver des cadres. Il y a des gens de qualité au niveau du travail politique dans Génération identitaire, et qui sont embauchés ensuite par le RN.
Nicolas Lebourgà franceinfo
Donc, c'est à la fois un mouvement d'agit-prop transnationale et une école des cadres pour un parti populiste légal. Marine Le Pen soutient le principe de l'existence légale de Génération identitaire et explique que le gouvernement est trop autoritaire. Mais en même temps, ils ne veulent pas se mouiller en allant à la manifestation. Maintenant, il faut bien voir qu'effectivement, les meilleurs cadres (du RN) étaient à Génération identitaire.
Quels sont les arguments du ministère de l'Intérieur pour réclamer la dissolution aujourd'hui de Génération identitaire ?
Le problème pour le ministère de l'Intérieur est qu'il n'y a pas d'organisation de la violence par Génération identitaire. Le courrier envoyé par le ministère de l'Intérieur au mouvement liste des actes violents d'individus, mais ce n'est pas l'organisation en soi. Le dossier au niveau juridique repose plutôt sur l'incitation à la discrimination, à la haine. Donc c'est plus facile, c'est plus interprétatif. Il faut bien voir qu'en France, on peut vous dissoudre pour des motifs idéologiques ou pratiques d'organisation de la violence. Là, manifestement, il y a une volonté d'équilibrer avec les dissolutions d'organisations musulmanes faite à l'automne qui, elles aussi, n'étaient pas extrêmement construites sur des bases juridiques extrêmement fortes. Et on voit bien que l'Intérieur essaye de dire, un coup à droite ou à gauche, nous représentons la République au milieu.
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