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Franceinfo en campagne. A Thoiré-sur-Dinan, dans la Sarthe, la tentation FN fait débat avant les législatives

Jusqu’aux législatives des 11 et 18 juin prochains, franceinfo zoome chaque jour sur une circonscription. À Thoiré-sur-Dinan, dans la 3e circonscription de la Sarthe, Marine Le Pen est arrivée en tête à la présidentielle. Dans le village, le maire et ses administrés sont divisés. 

Article rédigé par Jérôme Jadot, franceinfo
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5 min
Mairie de Thoiré dans la Sarthe. (JÉRÔME JADOT / FRANCEINFO)

Franceinfo poursuit son tour de France des circonscriptions qui valent le détour avant les législatives des 11 et 18 juin. Après une première étape dans les Yvelines lundi, mardi 23 mai, direction Thoiré-sur-Dinan, 472 habitants, dans la 3e circonscription de la Sarthe. Ici, Marine Le Pen est arrivée en tête du deuxième tour de l’élection présidentielle, provoquant un coup de froid entre le maire et ses administrés. Et où les législatives, s'annoncent, à tout le moins, animées.

Franceinfo en campagne. Reportage à Thoiré-sur-Dinan, dans la 3e circonscription de la Sarthe

À première vue, Thoiré-sur-Dinan a tout du village sarthois ordinaire : paisible, flanqué d’une église, d’une mairie et d’un bar-épicerie-restaurant, le long de sa rue principale. Pourtant, le 7 mai au soir, le petit bourg n’est pas passé inaperçu sur la carte électorale, puisqu’on y a compté 100 voix pour Marine Le Pen, soit plus de la moitié des bulletins exprimés.

Bruno Boulay (g.), maire sans étiquette de Thoiré-sur-Dinan, dans la Sarthe, et son premier adjoint Jean-Christophe Jouanneau. (JÉRÔME JADOT / FRANCEINFO)

Un morceau dur à avaler pour le maire sans étiquette et son premier adjoint, Jean-Christophe Jouanneau. "Quand on renverse la table, faut faire gaffe où elle tombe. Si on la renverse au profit du Front national, on se la renverse sur les pieds ou sur la tête. Ce n’est pas parce qu’on est dégoûté de la viande ou du poisson qu’il faut manger des cailloux ou de la terre ! Si des électeurs décident d’avoir un député Front national, libre à eux, mais j’aimerais qu’ils le fassent en toute conscience."

Critiques et insultes sur les réseaux sociaux

C'est la teneur de la lettre ouverte que le duo a publié dans la presse locale, en rappelant ce qu'ils ont fait pour leur commune : maintien d'un petit artisanat dans les locaux de l'école fermée, maintien du bureau de poste. Il ne s'agissait pas de juger les électeurs, assure le maire Bruno Boulay, mais davantage d'alerter les décideurs. Mais les réactions sont vives : critiques et insultes sur les réseaux sociaux, coups de téléphones et courriers non signés. Dans le lot, on y trouve pourtant aussi quelques messages de félicitations. Laurent, luthier, a récemment installé son atelier dans l'ancienne salle de classe du village. "Je trouve positif de rappeler aux gens que le vote FN n’est pas un vote anodin, explique-t-il. Il faut aussi leur rappeler que les idéologies extrêmes, au XXe siècle, ont fait suffisamment de dégâts comme ça et qu’il faut éviter de retomber dans les mêmes travers." 

La lettre du maire a suscité des réactions mitigées 

Mais le petit rappel historique n'a pas été du goût de tout le monde. Y compris au sein du conseil municipal : devant la porte de l'église qu'elle ferme tous les soirs, Bernadette Hérisson, élue aux côtés du maire, reconnaît avoir peu apprécié sa missive. "J’ai été un peu choquée, déplore-t-elle. C’était trop dur pour les habitants de Thoiré. Ca faisait un peu dictature…" Bernadette Hérisson n'a pourtant pas voté FN. Pas plus que Patrice et Arlette, retraités dont les fenêtres donnent sur le bureau du maire. "Ce n’est pas au maire de juger ce genre de choses, s’indigne Arlette. Ce n’est pas parce que ce n’est pas notre opinion que les gens n’ont pas le droit de voter Marine Le Pen… Je ne vais pas juger mon voisin parce qu’ils ont choisi de voter FN. On est en démocratie, quand même…" Ce qui a aussi gêné Arlette, c'est que la lettre braque les projecteurs sur la commune. Tout le monde, dit-elle, se retrouverait ainsi étiqueté FN.

Hélène, électrice FN dans la Sarthe. (JÉRÔME JADOT / FRANCEINFO)

À l'arrêt de bus scolaire, on ne trouve pas grand-monde non plus pour défendre l'initiative du maire. "Je suis très en colère. Qui est-il pour nous dire qui devons-nous voter ?", s’interroge Hélène, 30 ans, secrétaire, qui a voté FN et revotera encore FN aux législatives. 

Politiquement perdus 

Au-delà de la peur du terrorisme, exprimée notamment par Hélène, le vote FN se nourrit ici du sentiment que les étrangers, les migrants, bénéficient d'un traitement de faveur. Peut-être parce que cinq familles de demandeurs d'asile sont logées dans la ville voisine. Ce sentiment de déclassement aussi pointe derrière le portail du modeste pavillon de Monique, 84 ans. Cette habitante évoque sa retraite qui stagne, les prix qui montent, le médecin qui a déserté le village. Aussi semble-t-elle politiquement perdue : "On est dégoûtés… Voter, voter… C’est bien beau. Mais on ne sait plus pour qui, ni pour quoi. Ce sont tous des voleurs, des menteurs", soupire-t-elle. Monique, pour exprimer son désarroi, a voté Front national à l’élection présidentielle. Elle revotera encore une fois FN aux élections législatives.

Pascal Gannat, candidat FN dans la Sarthe. (JÉRÔME JADOT / FRANCEINFO)

Et ce ne sera pas la dernière, espère bien le candidat FN aux législatives, Pascal Gannat, ancien chef de cabinet de Jean-Marie Le Pen, patron d'une société de services financiers. Il envisage de venir distribuer à Thoiré-sur-Dinan une lettre de réponse au maire. "La séparation de l’Eglise et de l’Etat a eu lieu en 1905, ce n’est pas pour que le maire remplace le curé et fasse passer tout le monde à confesse à la sortie du bureau de vote. Je crois que ce maire devrait comprendre qu’il faut apporter des réponses et non des leçons de morale."  

100 voix qui résonnent plus fort que les autres 

Outre Pascal Gannat, au moins deux autres candidates, Pascale Fontenel-Personne pour La République en Marche et Béatrice Pavy-Morançais pour Les Républicains, ont l'intention de faire campagne à Thoiré-sur-Dinan où résident moins de 0,5% de la population de la circonscription, mais où 100 voix ont été entendues un peu plus fortement que les autres. "On a des citoyens qui sont désespérés et en colère… Et maintenant un maire qui est désespéré !, sourit Pascale Fontenel-Personne. Emmanuel Macron et ses candidats sont, eux, dans la réconciliation." "On a des personnes qui croient presque au Père Noël, estime de son côté Béatrice Pavy-Morançais. Qui pensent que Marine Le Pen au pouvoir, ou, si ce n’est pas elle, quelques députés à l’Assemblée nationale, viendront changer la bouche d’égoût qui fait du bruit. On est vraiment dans la contradiction."

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