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Fraudes à l'UMP : comment la contestation peut se prolonger

Copéistes et fillonistes s'accusent d'avoir bourré les urnes ou triché sur les procurations. Pour trancher, une seule commission, dont le président reconnaît qu'elle est inadaptée...

Article rédigé par Camille Caldini
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Des bulletins de vote pour la présidence de l'UMP, après le dépouillement, à Nice (Alpes-Maritimes), où fillonistes et copéistes s'accusent de fraude. (VALERY HACHE / AFP)

SUCCESSION A L'UMP - Fillon ou Copé ? Les premières estimations, dimanche 18 novembre, laissaient entrevoir un résultat très serré. A mesure que les espoirs d'une large victoire de Jean-François Copé ou de François Fillon s'effondraient, les soupçons de fraude se sont installés sur l'élection du prochain président de l'UMP, à Paris et dans les Alpes-Maritimes surtout. Un chaos électoral que le parti n'avait pas prévu, au vu de ses statuts et de son guide électoral peu précis.

Fraudes, bourrages d'urnes et obstruction

Alpes-Maritimes. C'est le département le plus sensible de ce scrutin interne à l'UMP. "A Nice, les huissiers ont en main plusieurs procurations dont les signatures ne correspondent pas. Des procurations vierges ont également été distribuées au sein même d'un bureau de vote niçois", a d'abord affirmé Michèle Tabarot, colistière de Jean-François Copé et députée-maire du Cannet (Alpes-Maritimes).

Des huissiers, appelés pour vérification, ont en effet constaté des procurations aux "signatures douteuses", comme l'explique francetv info dans cet article. Ainsi qu'un écart important entre les listes d'émargement et le nombre de bulletins. D'après Nice-matin, 1 117 votes auraient été comptabilisés à Nice, pour seulement 989 signatures. Ce que nie Eric Ciotti, député des Alpes-Maritimes et soutien de François Fillon.

Toujours à Nice, Christian Estrosi accuse les organisateurs d'avoir entravé le bon déroulement de l'élection : "Dans la permanence de Madame Tabarot, les listings, les isoloirs, les urnes sont restés enfermés jusqu'à 6h ce matin sans que nous puissions les installer dans chaque bureau de vote des Alpes-Maritimes, ce qui a retardé de près de 20 à 25 minutes l’ouverture du scrutin." Le maire de Nice a estimé que le duo Copé-Tabarot avait organisé "l'obstruction systématique" du scrutin, rapporte Le Lab d'Europe 1.

Paris. C'est en Ile-de-France que les fillonistes, accusés d'avoir triché dans le Sud-Est, contre-attaquent. "Nous formulerons un certain nombre de contestations, bien supérieures à celles de Jean-François Copé", a déclaré le député de Paris Bernard Debré. Il a notamment évoqué l'annulation de quelque 800 bulletins à Neuilly-sur-Seine (Hauts-de-Seine), sans explication. Le 16e arrondissement, plutôt favorable à l'ancien Premier ministre, est dirigé par le copéiste Claude Goasguen. Dans l'un des bureaux de vote, "une différence de 40 enveloppes" entre le nombre de votants et la liste d'émargement aurait été constatée, selon Metro.

Toulouse. Jérôme Chartier, porte-parole de François Fillon, a annoncé que des irrégularités avaient également été constatées ailleurs, comme dans les Bouches-du-Rhône et à Toulouse. "Il y a eu des remises de procurations particulièrement surprenantes", et plus de votants que d'inscrits sur les listes d'émargement, a-t-il annoncé.

Une commission de contrôle inadaptée

Il faudra encore un peu de patience aux deux candidats et aux adhérents, avant de connaître le nom du nouveau président de l'UMP. "Il nous manque les procès-verbaux de 50% des départements. Nous sommes dans l'incapacité de dire qui a gagné", a déclaré lundi matin le président de la Commission d'organisation et de contrôle des opérations électorales (Cocoe), le sénateur Patrice Gélard. Le doyen n'est pas surpris par ces complications car, selon lui, la Cocoe est inadaptée à une élection à deux candidats.

UMP : arrivée mouvementée du président de la Cocoe (Francetv info)

C'est pourtant elle qui doit vérifier et valider l'élection. C'est elle aussi qui pourrait choisir d'annuler le vote dans les bureaux litigieux. Son indépendance a été mise en doute à plusieurs reprises, en raison de la proximité de plusieurs de ses membres avec l'un ou l'autre des candidats. Les critiques ont ainsi poussé cinq membres à se mettre en retrait de la Commission. Il en reste quatre, chargés depuis dimanche soir d'éplucher les procès verbaux.

"Comme une élection de Miss France"

Si toutefois, l'un ou l'autre des candidats refusait la décision de la Cocoe, il reste d'autres recours. Par voie interne d'abord. Dans son guide électoral, publié en juillet 2012, la Cocoe précise qu'en cas de litige, la Commission nationale des recours, elle aussi élue au sein du Conseil national de l'UMP, peut être saisie. "En cas de contestation, la Commission nationale des recours statue en dernier ressort", précise le document. Une instance composée majoritairement de proches de Jean-François Copé, explique Le Monde.

Le guide électoral a déjà vu ses règles bafouées à de nombreuses reprises dans cette élection, comme le raconte L'Express. Cette situation, ajoutée à l'indépendance toute relative des différentes commissions, pourrait donner lieu à des recours juridiques. Les candidats auraient alors la possibilité de saisir un tribunal ordinaire, "comme pour l'élection de Miss France", explique à francetv info Bernard Maligner, ingénieur au CNRS, spécialiste du droit électoral. "Les partis politiques sont des organismes de droit privé, soumis à la loi de 1901 sur les associations", précise-t-il. Par conséquent, "les candidats, ou leurs représentants, peuvent saisir les tribunaux civils, mais pas les tribunaux administratifs, ni le Conseil constitutionnel ou le Conseil d'Etat." Mais personne n'a intérêt à le faire, "au risque de passer pour un mauvais perdant", analyse le chercheur.

Par ailleurs, "il est peu probable qu'une plainte d'un citoyen lambda soit jugée recevable par un tribunal, mais la question se pose dans le cas d'un adhérent au parti", conclut Bernard Maligner. Dans tous les cas, c'est au tribunal saisi de trancher.

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