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Affaire Penelope Fillon : le travail des assistants parlementaires est-il "tangible" ?

Pour comprendre la réalité du travail accompli par les collaborateurs des députés et sénateurs, franceinfo a interrogé trois représentants d'associations et de syndicat professionnel.

Article rédigé par Benoît Zagdoun
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4 min
François Fillon et son épouse Penelope Fillon le 29 janvier 2017 à Paris, lors d'un meeting du candidat des Républicains à la présidentielle. (ERIC FEFERBERG / AFP)

"Le travail de collaborateur parlementaire, (...) c'est parfois quelque chose de moins tangible, de moins matériel, mais qui pour autant est tout aussi réel", a plaidé Antonin Lévy, l'avocat de François Fillon, mardi 31 janvier sur BFMTV, alors que l'enquête judiciaire sur les emplois supposés fictifs de Penelope Fillon s'est accélérée. Le travail accompli par les assistants parlementaires est-il "tangible" et "matériel" ? Eléments de réponse avec trois représentants d'associations et de syndicat professionnel. 

Non, car c'est un métier de l'ombre, mal défini

Depuis le début de la polémique, Penelope Fillon a souvent été qualifiée de femme "discrète" par les médias. Un point commun avec les assistants parlementaires ? "Un collaborateur doit être discret", affirme Thierry Besnier, secrétaire général du SNCP-FO, le syndicat historique et majoritaire de la profession. "Depuis deux ans que je travaille pour mon nouvel employeur, beaucoup d'élus pensent que je travaille toujours pour mon ancien patron", s'amuse le syndicaliste. Il y a une règle tacite, souligne l'assistant parlementaire : "Puisque tu n'as pas la légitimité du scrutin populaire, tu n'as pas à t'exprimer."

Sans pour autant s'afficher dans les journaux, l'épouse de François Fillon a-t-elle rempli le rôle d'assistante parlementaire ? "Il n'y a pas de définition très précise de ce métier", reconnaît Nicolas Thibault, président de l'Association française des collaborateurs parlementaires (AFCP) de droite et du centre. "Chaque député définit les missions de ses collaborateurs comme il l'entend", explique Marianne Darmon, coprésidente du Cercle des collaborateurs et attachés parlementaires (CCAP) de gauche à l'Assemblée nationale. "Chaque député travaille différemment avec ses collaborateurs."

Oui, car ils ont de multiples missions

Certains députés s'appuient sur des profils de "juristes" et de "plumes" à l'Assemblée nationale et sur des collaborateurs cantonnés à des tâches administratives dans leur circonscription. D'autres élus préfèrent avoir une équipe de "couteaux suisses", détaille cette collaboratrice parlementaire en poste depuis cinq ans. "La plupart des équipes fonctionnent avec des collaborateurs assez polyvalents, renchérit Thierry Besnier. On est là pour faire fonctionner la structure. Plus on est polyvalent, mieux c'est." Le syndicaliste ajoute : "Dans un monde idéal, il faudrait un avenant au contrat pour toutes les tâches, mais ce n'est pas toujours le cas."

Si les missions des assistants parlementaires ne sont pas gravées dans le marbre, ces derniers, pour la plupart, ne chôment pas. Ils tiennent l'agenda, prennent les rendez-vous, assurent le standard téléphonique et reçoivent les visiteurs à la permanence de leur élu, animent les comptes Facebook et Twitter des députés, liste Marianne Darmon. Ils accompagnent aussi leur député ou sénateur dans ses visites et ses déplacements sur le terrain. Il peut aussi arriver qu'un parlementaire demande à l'un de ses assistants de le représenter à une réunion de son groupe politique. 

Les assistants préparent également les communiqués de presse, les discours, les propositions de lois et les amendements. Ils rédigent certes les textes des élus pour lesquels ils travaillent, mais ces documents portent, à la fin, la signature des parlementaires.

Oui, car ce travail "laisse des traces"

"On ne peut pas ne pas laisser de traces", affirme le syndicaliste et assistant parlementaire Thierry Besnier. Dans son équipe parlementaire, le député et ses collaborateurs inscrivent leurs initiales sur les dossiers qu'ils suivent. Une pratique attestée par Nicolas Thibault, président de l'AFCP et assistant parlementaire depuis quinze ans. "Dans une entreprise, un juriste signe systématiquement les documents qu'il rédige. Dans le cadre du travail des assistants parlementaires, ce n'est pas le cas", tempère-t-il toutefois. Si Marianne Darmon ne dispose pas d'une adresse mail officielle à l'Assemblée nationale, elle signe en revanche de ses nom et fonction tous les mails échangés avec le député pour lequel elle travaille. Nicolas Thibault confirme lui aussi avoir une abondante correspondance.

"Dans les permanences, même si vous ne faites que l'accueil téléphonique, il y a des registres, voire un tableur, pour le 'reporting' des appels, poursuit Thierry Besnier. On reçoit en moyenne entre 200 et 250 mails par jour, sans compter les coups de téléphone et les visites. Si vous n'avez pas un agenda et un fichier qui tient la route, le travail le plus simple devient incroyablement compliqué." "Le collaborateur de circonscription est le socle en béton de l'équipe. Il n'est pas le plus visible ni le plus valorisé, mais il est indispensable. Il apporte une sécurité au député sur le terrain", fait valoir le syndicaliste.

C'est une profession, une vocation et en aucun cas une fiction.

Nicolas Thibault, assistant parlementaire

à franceinfo

"C'est un travail tangible d'une manière ou d'une autre, tranche le président de l'AFCP, Nicolas Thibault. Les invités reçus à Paris et les personnes qui poussent la porte de la permanence dans la circonscription peuvent confirmer vous avoir rencontré. Et il y a toujours des photos prises au cours des déplacements." "Dorénavant, il va aussi y avoir un entretien annuel entre le collaborateur et son employeur", souligne le syndicaliste Thierry Besnier. Le SNCP-FO souhaiterait que le document soit conservé en trois exemplaires : un pour l'élu, un pour son assistant, un archivé par l'Assemblée. Un document qui pourrait s'avérer utile : "Si ce système avait existé du temps de Penelope Fillon, cela aurait fourni une preuve claire à présenter."

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