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Eva Joly a utilisé sa stature d’ancienne magistrate pour dénoncer la gestion de l'affaire Merah

Eva Joly a une carte à jouer. A la peine dans la campagne présidentielle, la candidate d’Europe Ecologie - Les Verts s'est appuyée ce week-end sur sa stature d’ancienne juge d’instruction pour faire entendre sa voix dans l’affaire Merah.
Article rédigé par Adrian Buffel
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3 min
Capture d'écran d'Eva Joly sur BFM TV le 25 mars (DR)

Eva Joly a une carte à jouer. A la peine dans la campagne présidentielle, la candidate d'Europe Ecologie - Les Verts s'est appuyée ce week-end sur sa stature d'ancienne juge d'instruction pour faire entendre sa voix dans l'affaire Merah.

Dans la polémique autour de la gestion de la tuerie de Toulouse et du siège de l'appartement de Mohamed Merah par le Raid, Eva Joly a une carte à jouer : celle du volet judiciaire. La candidate d'Europe Ecologie - Les Verts (EELV) a fait entendre sa voix dimanche, ciblant les personnalités qu'elle considère comme responsables de "dysfonctionnements" dans le traitement de l'affaire. Car c'est bien dans cette situation que la candidature à l'élection présidentielle de l'ancienne magistrate peut prendre tout son sens.

La candidate écologiste a ainsi reproché au ministre de l'intérieur Claude Guéant "d'avoir fait une mise en scène, qui jette de la suspicion sur l'enquête", dimanche sur BFM TV.

"On a vu un Claude Guéant qui commentait en temps réel, qui se faisait le haut-parleur des dires du suspect et en fait donnait une forme de crédibilité à sa parole. Il était dans tous les rôles, il était à la fois ministre de l'intérieur, celui qui dirige l'enquête, celui qui dirige le Raid, celui qui fait le journaliste", a-t-elle affirmé.

L'ancienne magistrate a de surcroît estimé que le directeur central du renseignement intérieur (DCRI), Bernard Squarcini, et le patron de la police, Frédéric Péchenard, devraient démissionner en raison des "dysfonctionnements" dans le traitement de l'affaire Merah.

"Dans n'importe quel autre pays démocratique, M. Squarcini et M. Péchenard n'oseraient plus se montrer", a-t-elle déclaré.

"M. Squarcini est mis en examen pour avoir violé les règles et espionné les journalistes, dont les sources sont protégées", a souligné celle qui a instruit l'affaire Elf dans les années 1990.

Primée pour son combat contre la corruption

En réponse, Frédéric Péchenard s'est refusé lundi sur RTL à commenter les propos d'Eva Joly.

"Je suis un fonctionnaire et je n'ai pas à commenter des propos qui sont des propos évidemment politiques dans le cas d'une campagne politique", a estimé le directeur général de la police nationale (DGPN).

Pas de quoi faire taire la polémique. Lundi sur France Inter, Cécile Duflot a surenchéri, s'interrogeant sur les priorités de la DCRI en matière de terrorisme après l'affaire Merah. La secrétaire nationale d'EELV a jugé que "le terreau qui fait que ce type de dérive personnelle arrive" était "parfois alimenté par les politiques qui stigmatisent des communautés".

Pour autant, ces reproches n'ont pas désarçonné Nicolas Sarkozy. Le président-candidat a dénoncé lundi sur France Info les "mises en cause de la police" qu'il considère comme "indignes", soulignant les difficultés d'une enquête qui a permis de mettre le meurtrier hors d'état de nuire en dix jours.

Ces arguments, l'ancienne magistrate les réfute. Pour elle, Mohamed Merah aurait pu être interpellé plus tôt. En réaction aux annonces de Nicolas Sarkozy, Eva Joly a estimé vendredi sur France Info que "l'arsenal législatif contre le terrorisme était suffisant". Selon elle, "c'est une erreur de raisonnement de penser que si les textes étaient différents, nous n'aurions pas d'actes terroristes."

"Nous avons une législation antiterroriste très pointue et nous avons tout ce qu'il nous faut pour réprimer les actes terroristes, leur préparation et le simple fait de se réunir en vue de commettre dans le futur des actes terroristes", a affirmé celle qui a été récompensée la semaine précédente par le prix Sophie, notamment pour la lutte qu'elle a menée contre la corruption à l'échelle internationale.

Critique sur la situation de la justice en France

Dans son projet présidentiel, Eva Joly appelle à une "politique de sécurité efficace" et une "indépendance de la justice".

Elle prévoit de renforcer "les moyens législatifs, réglementaires et financiers des pôles judiciaires et policiers chargés de traquer la délinquance financière, environnementale et le crime organisé" et surtout, de nettoyer le code pénal "des lois répressives à visées médiatiques".

En outre, la candidate écologiste estime que le Conseil supérieur de la magistrature doit être "le garant de l'indépendance des magistrats du siège et du parquet" et veut abroger "les peines plancher, la rétention de sûreté et les lois LOPPSI 1 et 2".

Doit-on y avoir une autre vision de la justice ? La question reste en suspend. Quoi qu'il en soit, Eva Joly a trouvé dans la séquence qui s'est ouverte avec le drame de Toulouse un espace politique, dans lequel elle pourrait faire jouer son parcours professionnel et sa légitimité pour se faire entendre.

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