Emplois fictifs de la ville de Paris : Jacques Chirac est condamné à deux ans de prison avec sursis
Première sous la Ve République, un ancien chef de l'État -Jacques Chirac- a été condamné, jeudi 15 décembre, à deux ans de prison avec sursis par le tribunal correctionnel dans l'affaire des emplois fictifs de la mairie de Paris dans les années 1990.
Premier ancien chef de l'Etat à être jugé en correctionnelle, Jacques Chirac est aussi le premier ancien président de la République a être déclaré coupable. Il a été condamné jeudi à deux ans de prison avec sursis dans les deux volets de l'affaire des emplois présumés fictifs de la ville de Paris. Celle-ci remonte au début des années 1990 quand il était maire de la capitale.
Qu'il fasse appel ou non, "M. Chirac peut continuer à siéger au Conseil constitutionnel car il est membre de droit à vie", a indiqué Dominique Rousseau, professeur de droit constitutionnel à l'université Paris I, à FranceTV 2012. Eva Joly, candidate d'Europe Ecologie-les Verts à la présidentielle a d'ailleurs demandé sur la démission de Jacques Chirac du Conseil.
Agé de 79 ans, il a été déclaré coupable de "détournement de fonds publics" et d'"abus de confiance" dans le volet parisien de l'affaire, qui porte sur 21 emplois rémunérés par la mairie de Paris.
L'ancien chef de l'Etat a aussi été déclaré coupable de "prise illégale d'intérêt" dans le second volet de l'affaire, qui avait été instruit à Nanterre.
Alain Juppé avait été condamné en 2004
M. Chirac était absent à la lecture du jugement par le président Dominique Pauthe, comme il l'avait été durant tout le procès, qui s'est tenu du 5 au 23 septembre, excusé par un rapport médical faisant état de troubles neurologiques "sévères" et "irréversibles".
Poursuivi pour "prise illégale d'intérêt", "abus de confiance" et "détournement de fonds publics", il encourait dix ans de prison et 150 000 euros d'amende.
L'affaire avait deux volets : l'un, instruit à Paris, portait sur 21 emplois et l'autre, instruit à Nanterre, sur sept postes. Ce dernier dossier avait valu à Alain Juppé une condamnation en 2004, en tant qu'ancien adjoint de M. Chirac.
Les emplois en cause ont été rémunérés par la mairie de Paris de 1990 à 1995. M. Chirac - qui était à l'époque maire de Paris, président du RPR et préparait la présidentielle de 1995 - était soupçonné d'avoir mis les deniers municipaux au service de ses ambitions électorales et des intérêts de son parti.
Jacques Chirac fera-t-il appel ?
L'ancien président a toujours récusé les faits qui lui étaient reprochés. Il avait affirmé "n'avoir commis aucune faute pénale ou morale", dans une déclaration lue au procès par l'un de ses avocats.
Cette condamnation de l'ancien chef de l'Etat est un désaveu pour le parquet qui avait requis la relaxe de tous les prévenus.
Le tribunal correctionnel de Paris a déclaré irrecevable la constitution de partie civile de l'association anti-corruption Anticor qui avait seule porté la contradiction face à la défense. La principale victime, la ville de Paris, avait renoncé à se porter partie civile au procès, ayant été indemnisée par l'UMP et M. Chirac.
M. Chirac a dix jours pour faire appel de sa condamnation.
Réactions
Le premier ministre François Fillon, en déplacement au Brésil, constate que cette "décision arrive trop tard" mais ne pense pas "qu'elle va altérer la relation personnelle entre les Français et Jacques Chirac".
Pour André Vallini, sénateur PS et membre de l'équipe de campagne de François Hollande, "le statut actuel du chef de l'Etat est inacceptable, parce qu'aujourd'hui le chef de l'Etat est totalement irresponsable sur le plan judiciaire, sur le plan pénal et Nicolas Sarkozy a encore aggravé, en 2008, cette impunité présidentielle. Nous proposons une réforme du statut pénal du chef de l'Etat qui en ferait un justiciable ordinaire pour tous les actes délictueux qu'il aurait commis avant son entrée en fonction pendant son mandat, mais détachable de sa fonction. On ne peut pas rester en l'état actuel avec un Président irresponsable".
Jean-Marie Le Pen, président d'honnneur du Front national, a affirmé sur BFM TV : "Je suis abasourdi par une décision prise par le tribunal qui est respectable. Je pensais qu'on allait vers la relaxe parce que les faits reprochés correspondent à des événements anciens qui n'ont plus aucun intérêt. On reproche au Président Chirac des emplois fictifs qui existaient dans tous les partis politiques. Alors, attaquer ensuite en justice un homme qui a servi la France, je trouve cela désolant.
L'eurodéputée Rachida Dati, sur i-TELE: "Je pense à l'homme, je le connais, j'ai beaucoup de peine, de respect et d'affection pour lui. Il aura été un grand président, celui qui a dit non à la guerre en Irak, qui ne s'est jamais compromis avec le Front national et puis un grand maire de Paris. Les Parisiens le regrettent encore. Cette décision démontre que la justice est totalement indépendante et que nous sommes égaux devant elle".
Le ministre des Affaires étrangères, Alain Juppé, ancien Premier ministre de Jacques Chirac, a exprimé vendredi sa "grande tristesse" après la condamnation à deux ans de prison avec sursis de l'ancien président de la République, auquel il a témoigné sa "fidèle amitié". "Je veux exprimer ma grande tristesse devant le jugement rendu à l'encontre de Jacques Chirac, et lui exprimer ma fidèle amitié et l'admiration que j'ai toujours eue pour l'action qu'il a menée en tant que maire de Paris, mais aussi bien sûr qu'en tant que chef de l'Etat"
François Baroin, ministre de l'Economie, un de ceux qui furent surnommés les "bébés Chirac", a assuré vendredi que rien ne modifierait "le regard respectueux" qu'il porte sur son ancien mentor. "Pour ceux qui, comme moi, et ils sont nombreux en France, aiment Jacques Chirac, notre tristesse ne vient pas de telle ou telle décision, elle vient de son évolution en termes de santé et de sa difficulté à se mouvoir", a encore déclaré M. Baroin.
Dominique de Villepin, qui fut le Premier ministre de Jacques Chirac, a estimé vendredi que la condamnation de celui-ci dans l'affaire d'emplois fictifs à la mairie de Paris, n'entachait "en rien la vie et l'action" d'un homme dont "la vérité" c'est "le service de la France".
Jacques Toubon, très proche de l'ancien président, et qui fut son ministre de la Justice entre 1995 et 1997, sur Europe 1: "J'ai été triste, choqué et ému par la lourdeur du jugement". "Cela démontre, contrairement à toutes les campagnes qui sont faites, qu'il y a à la fin, une égalité de tous devant la justice. Je déplore que cela soit tombé sur Jacques Chirac". La décision "montre aussi que le statut du chef de l'Etat marche bien: quand il est en fonctions, il peut les exercer".
ITW de Jean-Marie Le Pen pour France 2
La réaction d'Eva Joly
Réaction de Benoit Hamon sur France 2
Reportage de Dominique Verdailhan sur France 2 le 15 décembre 2011
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