Visite du pape à Marseille : pourquoi la présence d'Emmanuel Macron à la messe est symbolique, mais pas incompatible avec la laïcité

Le président de la République est critiqué par une partie de la gauche pour sa décision d'assister à une messe donnée par le pape François à Marseille. Pour se défendre, l'Elysée rétorque qu'il n'y participera pas activement.
Article rédigé par Fabien Jannic-Cherbonnel
France Télévisions
Publié Mis à jour
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Le président français Emmanuel Macron et le pape François au Vatican, le 24 octobre 2022. (VATICAN MEDIA / AFP)

Un symbole politique... et polémique. Plusieurs élus de gauche critiquent la décision d'Emmanuel Macron d'assister avec son épouse Brigitte à la messe du pape François, organisée au stade Vélodrome de Marseille samedi 23 septembre. Une rencontre privée entre les deux hommes est aussi prévue au palais du Pharo, dans le cadre de la visite de François à Marseille pour les Rencontres méditerranéennes, un cycle de conférences rassemblant des ecclésiastiques du pourtour méditerranéen.

La décision du président d'assister à la cérémonie religieuse, confirmée par l'Elysée jeudi 14 septembre, est pointée du doigt par certains comme une atteinte à la laïcité, instaurée par la loi de 1905 qui sépare l'Eglise de l'Etat et garantit la liberté religieuse. "Macron tape l'incruste sans respect pour sa propre fonction", a ainsi assené Jean-Luc Mélenchon sur X (anciennement Twitter), tandis que le député LFI Bastien Lachaud accusait sur le même réseau social Emmanuel Macron de "se [moquer] de la laïcité et [de piétiner] ses principes", le qualifiant de "tartuffe".

Les critiques venues de la gauche, comme le résume la sénatrice écologiste Mélanie Vogel sur X, se concentrent sur l'incompatibilité présumée entre la fonction de président et la présence à une cérémonie religieuse. "Une république laïque, c'est une république qui fait que chacun puisse exercer la religion de son choix, mais c'est de l'ordre privé", expliquait encore Fabien Roussel, secrétaire national du Parti communiste, sur franceinfo, jugeant qu'un "président de la République n'a pas à manifester sa préférence pour une religion".

Présence sans participation

Pas de quoi inquiéter l'Elysée, qui rejetait "une polémique politicienne" lors d'un point avec la presse jeudi. "Emmanuel Macron sera présent à la messe en tant que chef de l'Etat, mais n'y participera pas", nuance ainsi l'Elysée, soulignant que "la loi sur la laïcité n'exclut pas d'interagir avec les religions" et rappelant que "le président a déjà assisté à d'autres cérémonies religieuses, comme des ruptures du jeûne après le ramadan". "Je n'irai pas en tant que catholique, mais en tant que président de la République française, qui est en effet laïque", a ainsi expliqué le principal intéressé vendredi, en visite à Semur-en-Auxois (Côte-d'Or).

La nuance entre "présence" et "participation" est importante pour comprendre les règles entourant le chef de l'Etat sur la question de la laïcité. "Le président est à la fois élu et représentant de l'administration de l'Etat. Il est donc soumis à la neutralité quand il est en fonction, notamment en matière religieuse", détaille à franceinfo Nicolas Cadène, ancien rapporteur général de l'Observatoire de la laïcité et cofondateur de la Vigie de la Laïcité. Concrètement, le président a donc le droit "d'aller à une messe dans le cadre de ses fonctions officielles, car il s'agit d'une opportunité politique ou diplomatique", mais "il ne pourra pas marquer d'adhésion au culte". Pas question, donc, pour le chef de l'Etat, de communier ou de se signer. "Je n'aurai moi-même pas de pratique religieuse lors de cette messe", a confirmé Emmanuel Macron vendredi.

Une première fois en 43 ans

Malgré la polémique, il n'est pas le premier président à assister à une messe donnée par le pape. Le dernier exemple en date est cependant vieux de 43 ans. Comme le rappelle Libération, Valéry Giscard d'Estaing avait assisté à une messe donnée par Jean-Paul II à Paris en 1980. Plus récemment, en 2009, c'est le Premier ministre, François Fillon, qui avait assisté à une messe donnée par Benoit XVI, provoquant là aussi une polémique.

Outre les messes papales, exceptionnelles, les présidents assistent régulièrement à des cérémonies religieuses dans le cadre de leurs fonctions. Valentine Zuber, historienne et directrice d'études à l'Ecole pratique des hautes études, souligne l'existence "de nombreux exemples de présidents en fonction qui se sont rendus à des fêtes juives ou musulmanes", mais aussi "aux funérailles catholiques d'anciens présidents". Celles de Jacques Chirac avaient ainsi réuni "tout le gouvernement" à l'église Saint-Sulpice de Paris le 27 septembre 2019.

Reste que, au-delà des questions de droit, c'est la symbolique de la présence présidentielle à la messe papale qui interpelle certains élus, quelques semaines après l'interdiction de l'abaya à l'école au nom de la laïcité. Baptisé à 16 ans, le chef de l'Etat avait affirmé en 2018 vouloir "réparer le lien" entre l'Eglise et l'Etat. Emmanuel Macron et le pape François ont, par ailleurs, tissé une relation forte, jusqu'à se tutoyer, rappelle France Inter. De quoi interroger la relation du chef de l'Etat avec la religion catholique ?

"Il a le droit à ses convictions personnelles, comme tout citoyen", rappelle Valentine Zuber, qui souligne que "Charles de Gaulle était d'ailleurs un fervent catholique". De son côté, l'Elysée souligne avant tout la portée diplomatique de la présence du président à Marseille, rappelant que le pape François "est aussi un chef d'Etat", en l'occurrence du Vatican. "Cette visite est d'abord une question d'opportunité politique, qui peut être appréciée différemment selon les élus", résume Nicolas Cadène, qui rappelle que l'Etat doit tout de même s'assurer "de ne pas favoriser un culte par rapport à un autre".

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