Crise diplomatique avec l'Italie : Emmanuel Macron "est l'adversaire parfait" pour Matteo Salvini et Luigi di Maio
D'après le politologue Giuseppe Santoliquido, Emmanuel Macron "symbolise tout ce que le public et les électeurs [...] détestent [...] C'est le symbole de l'apparat chic, de l'arrogance, de la condescendance, et de tout ce qui a échoué auparavant en Italie".
"C'est une guerre, c'est à celui qui va tirer le premier et qui va toucher l'autre le premier", a analysé vendredi 8 février sur franceinfo Giuseppe Santoliquido, écrivain et politologue spécialiste de l’Italie, après que la France a rappelé son ambassadeur en Italie face à une "situation grave", selon les mots du ministère des Affaires étrangères. Mais pour Giuseppe Santoliquido, "cela s'interprète par des contingences de politique intérieure, donc il ne faut pas non plus accorder trop d'importance à ce qui vient de se passer".
Emmanuel Macron "est l'adversaire parfait. Il symbolise tout ce que le public et les électeurs, tant du mouvement 5 étoiles que de la Ligue du Nord, (...) détestent d'un point de vue politique politicienne", a estimé le politologue. Les deux leaders italiens Matteo Salvini et Luigi di Maio "se sont construits volontairement un adversaire sur lequel ils doivent tirer".
franceinfo : Avez-vous le sentiment que la France a appuyé sur le bon bouton pour montrer ses muscles face à Mateo Salvini et aux populistes italiens ?
Giuseppe Santoliquido : Je pense qu'elle ne pouvait pas faire autrement. C'est tout de même une rupture symbolique certes, mais assez forte des relations entre deux pays amis, presque frères. Maintenant, cela s'interprète par des contingences de politique intérieure, donc il ne faut pas non plus je pense accorder trop d'importance à ce qui vient de se passer. D'autant qu'on ne tient pas compte d'un élément : le pouvoir exécutif en Italie est tricéphale. Il y a la Ligue du Nord et le mouvement 5 étoiles de Luigi di Maio. Mais au-dessus de ça, il y a le président de la République, Sergio Mattarella, qui lui est le garant des relations internationales et qui a tout de suite rappelé à l'ordre de manière assez ferme les deux partenaires de la coalition gouvernementale.
La stratégie de Di Maio est-elle efficace d'un point de vue cyniquement électoral en Italie ?
Oui. Macron est l'adversaire parfait. Il symbolise tout ce que le public et les électeurs, tant du mouvement 5 étoiles que de la Ligue du Nord, ce qui veut dire 60% de la force de frappe électorale italienne, détestent d'un point de vue politique politicienne. C'est le symbole de l'"apparat chic", de l'arrogance, de la condescendance, et de tout ce qui a échoué auparavant en Italie. La construction de l'adversaire est parfaite, et monsieur Macron y met du sien pour pouvoir renforcer cette image un petit peu condescendante et inefficace. En fait, on a le même sentiment en Italie que celui qui est partagé par les "gilets jaunes" en France : un pouvoir qui promettait de changer, qui au bout du compte n'a rien changé, et qui est mal perçu par une partie extrêmement importante de la population. (…) ensuite, nous faisons comme si l'acte en lui-même avait de l'importance : l'acte en lui-même n'a pas d'importance, ça va être réglé dans les heures qui suivent, si ce n'est déjà réglé.
De quel acte parlez-vous ?
Du rappel de l'ambassadeur. Ce qui compte en revanche, c'est ce commentaire qui tend à renforcer en Italie la position de conflit, une sorte de guerre larvée, entre deux conceptions de l'Europe et entre deux manières de concevoir la politique, qui est une conception guerrière. Une conception conflictuelle de Matteo Salvini et de Luigi di Maio, qui se sont construits volontairement un adversaire sur lequel ils doivent tirer. C'est une guerre, c'est à celui qui va tirer le premier, et qui va toucher l'autre le premier. Parce que monsieur Macron est aussi en campagne électorale, et que le principal adversaire de monsieur Macron en campagne électorale pour les européennes, c'est le Rassemblement national, qui est assimilé aux souverainistes italiens. C'est une guerre entre deux blocs.
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