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Municipales : l'inédite cote de popularité d'EELV peut-elle se concrétiser dans les urnes ?

Depuis plusieurs semaines, les sondages flatteurs se succèdent pour les écologistes, qui surfent sur un contexte politique ultra-favorable.

Article rédigé par Ilan Caro
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 5 min
Lors d'un meeting d'Europe Ecologie-Les Verts pour les élections municipales à Paris, le 24 septembre 2019. (MAXPPP)

Ils se sentent pousser des ailes. Après le bon score de Yannick Jadot aux élections européennes (13,47%), les écologistes nourrissent de grandes ambitions pour les élections municipales qui se dérouleront les 15 et 22 mars, confortés par les premiers sondages publiés ces dernières semaines. Prise de conscience écologique, effacement du clivage droite-gauche, aspiration des citoyens à un renouvellement des têtes et des pratiques… Europe Ecologie-Les Verts profite d'un contexte politique favorable inédit. Reste à savoir si la marée verte déferlera bien dans les urnes.

Des sondages flatteurs dans plusieurs grandes villes

A un peu plus de quatre mois du scrutin, les enquêtes d'opinion ne sont encore distillées qu'au compte-gouttes. Mais toutes placent EELV à des niveaux historiquement élevés. Depuis le mois de mai, la douzaine de sondages réalisés dans les grandes villes de province font apparaître des scores à la hausse par rapport à celui des élections européennes, déjà considéré comme un succès.

Depuis le début de l'automne, trois sondages ont marqué les esprits, dans des communes où les Verts ne sont pas spécialement attendus. A Montpellier, fin septembre, un sondage BVA-La Tribune-Public Sénat créditait la liste EELV de 21 à 23% des intentions de vote selon les cas de figure, au coude-à-coude avec celle du maire sortant, Philippe Saurel (divers gauche). A Bordeaux, l'avocat Pierre Hurmic recueillerait 24,5% des voix à la tête d'une liste rassemblant EELV mais aussi d'autres formations écolo comme Cap 21 ou Génération écologie, selon un sondage Elabe pour La Tribune publié début octobre. Alliée avec le PS, elle pourrait même atteindre 30,5%, à deux petits points de celle menée par Nicolas Florian (LR), le maire qui a succédé à Alain Juppé.

Encore plus surprenant : à Lyon, le candidat EELV Grégory Doucet, avec 22%, ferait jeu égal avec LREM, selon un sondage Opinion Way pour Lyon Mag. Mais toutes ces enquêtes doivent être prises avec grande précaution. Dans beaucoup de villes, le casting n'est pas encore fixé. Au moment où le sondage de Montpellier a été effectué, EELV n'avait, par exemple, pas encore désigné sa tête de liste. Et depuis que celui de Lyon est sorti, Anne Brugnera, candidate à l'investiture LREM, a décidé de se retirer de la course...

Un contexte favorable pour les écolos

"Nous n'avons jamais été aussi légitimes et crédibles pour gouverner. On ne va quand même pas laisser le volant à ceux qui nous conduisent dans le mur !" C'est ce qu'avait lancé Yannick Jadot en août lors de l'université d'été du parti. De fait, les questions environnementales portées depuis des décennies par les écologistes trouvent un écho retentissant dans l'actualité.

Comme le note Brice Teinturier, de l'institut Ipsos, dans une tribune au Monde, l'écologie est devenue en 2019 la première préoccupation des Français. "Les plus inquiets sont les 18-24 ans, les cadres et les professions intermédiaires, les diplômés, les habitants des grandes agglomérations et les électeurs de gauche. Chez eux, elle est non seulement la première préoccupation, mais à des niveaux particulièrement importants, 60% et plus", constate le sondeur. Depuis le début de l'année, EELV peut d'ailleurs se targuer d'être le parti politique dont les Français ont la meilleure opinion (53% d'avis favorables selon le baromètre BVA-RTL), très loin devant les autres.

Ce climat porteur peut-il se transformer en plébiscite écolo dans les urnes en mars ? "L'échelon local est ressenti comme pertinent pour agir sur l'écologie du quotidien. Certains citoyens font du compost, d'autres du zéro déchet, d'autres consomment bio. Mais ils ne sentent pas de volonté politique d'accompagner les choses, nous sommes les seuls à qui ils font confiance pour ça", veut croire Bruno Bernard, membre du bureau exécutif d'EELV chargé des élections et tête de liste pour la course à la métropole de Lyon.

Une enquête réalisée par Harris Interactive début septembre semble lui donner raison : 75% des personnes interrogées considèrent EELV comme un acteur "sincère" pour agir pour l'environnement et 64% lui font "confiance pour agir". Des taux qui tombent à 41% et 28% pour les "responsables politiques en général".

Combien de villes vraiment gagnables ?

Le scrutin municipal n'a jamais vraiment souri aux écologistes, si ce n'est dans l'ombre de leurs alliés socialistes. En 2008 à Montreuil, Dominique Voynet était devenue la première maire écologiste d'une commune de plus de 100 000 habitants. Mais l'histoire s'était mal terminée dans cette ville de la petite couronne parisienne. Aujourd'hui, une seule métropole régionale est menée par un maire EELV : Grenoble, dirigée par Eric Piolle depuis 2014.

Mais cette année, l'ambition est tout autre. "On veut gagner de nombreuses municipalités, notamment des grandes villes. Le deuxième tour se construira sur la base du programme écolo. On veut gagner Paris, Nantes, Rennes, Toulouse et ailleurs, confirmer Grenoble et de nombreuses villes petites et moyennes où on a fait de très bons scores", lançait Yannick Jadot au lendemain des élections européennes.

"On veut gagner partout, mais ce n'est pas ce qui va arriver", corrige un cadre du parti. "Les villes où le maire sortant se représente ne sont pas les plus faciles à gagner". Ce qui est le cas d'Anne Hidalgo à Paris, des socialistes Johanna Rolland à Nantes et Nathalie Appéré à Rennes, et du maire LR de Toulouse, Jean-Luc Moudenc… Dans ces villes, comme dans d'autres, les candidats EELV sont en outre largement inconnus du grand public.

Les réelles chances de triompher pour EELV se situent donc ailleurs. Outre Grenoble, où Eric Piolle part favori pour une réélection, les écologistes misent sur Besançon, Rouen, Villeurbanne ou encore Orléans, jugées plus à leur portée en raison de configurations particulières : un maire sortant qui raccroche, des adversaires divisés, des candidats EELV bien implantés localement...

Au-delà du nombre de villes conquises par les écologistes, ces élections municipales pourraient prolonger la recomposition politique à l'œuvre depuis 2017. Même si Yannick Jadot a depuis plusieurs mois théorisé l'idée d'une écologie "ni de gauche ni de droite", la question du leadership à gauche se posera nécessairement à l'issue du scrutin, en fonction des résultats. En cas de nouvelle poussée verte en mars, EELV pourrait marginaliser encore un peu plus un Parti socialiste défait à chaque élection depuis… les précedentes municipales, en 2014.

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