[Diaporama] Regard subjectif sur la campagne de François Hollande
Journaliste, j'ai suivi, pour Francetv.fr/2012 la campagne de François Hollande, équipé d'un smartphone, d'un stylo et d'un ordinateur. Retour subjectif, en quelques photos, sur le "Hollande tour".
La campagne de François Hollande a commencé tôt en mars 2011, à Tulle. Pour ma part, j'ai commencé à suivre François Hollande fin novembre 2011, lors d'un voyage à Bruxelles, où il venait défendre son projet européen. Je l'ai "accompagné" jusqu'à Tulle, sur la place de la Cathédrale, un certain 6 mai 2012 au soir.
Retour sur cette campagne victorieuse à travers quelques clichés pris avec mon téléphone portable, qui résument de manière personnelle six mois de campagne.
Bruxelles, 30 novembre. Premier contact avec le candidat. Encore peu connu du grand public, surtout en Belgique, François Hollande est à l'aise dans la foule. Curieux de ceux qui l'entourent, il adore serrer des mains. Il est déjà entouré d'une nuée de journalistes, dont le nombre ne cessera d'augmenter jusqu'au 6 mai.
Lors des déplacements du candidat, les journalistes du "Hollande tour", nom qu'ils donnent à leur improbable rassemblement, sont toujours "accompagnés" par des membres de l'équipe de campagne. Ici, dans le TGV vers le Creusot, l'omniprésent Manuel Valls plaisante avec eux, tout en les coachant sur les enjeux du déplacement. Un Manuel Valls souvent moqué par les journalistes car voulant soustraire le candidat à leurs questions ou l'obligeant à respecter son horaire, mais qui s'est révélé être le grand organisateur de la campagne, celui qui faisait que les choses fonctionnaient. Plaisantant avec les journalistes après un échange sur les risques des petites phrases sur Twitter, François Hollande a même dit en rigolant "méfiez vous quand il sera ministre il vous confisquera vos téléphones".
7 décembre. Le déplacement au Creusot est consacré à la France industrielle, à la réindustrialisation, au "patriotisme industriel". François Hollande, accompagné d'Arnaud Montebourg, patron du département, en fait un des thèmes de sa campagne. Un thème illustré par une visite dans les ateliers d'Alstom, constructeur du TGV. Visite doublement symbolique, puisque Nicolas Sarkozy s'était rendu chez Alstom lors de sa campagne de 2007.
Première apparition, le 4 janvier, à Mérignac (Gironde), du logo de la campagne de François Hollande. Fond bleu dominant -et non pas rose ou rouge-, graphisme simple, usage des couleurs tricolores. La signalétique de campagne ne changera plus. Le public de Mérignac, ville certes socialiste, ldécouvre avec joie, lors de ce premier meeting de campagne que François Hollande est un orateur. Un enthousiasme bon enfant qui traversera toute la campagne.
Lors de l'inauguration du siège de campagne, avenue de Ségur à Paris, le 11 janvier, une affiche dans le hall attire l'oeil. Pleine d'optimisme...La famille socialiste est au grand complet. François Hollande, qui a été onze ans premier secrétaire du parti, a su la rassembler et peut compter sur tous les "éléphants". A la différence de Ségolène Royal en 2007.
22 janvier, temps fort de la campagne. François Hollande au Bourget vante son "rêve français", explique comment il "aime les gens", et dénonce "le monde de la finance". Les thèmes sont posés. Sa campagne vient vraiment de décoller. Dans le camp d'en face, on semble un instant "scotché". Devant la montée en puissance de la campagne du candidat socialiste, Sarkozy qui avait un temps, semble-t-il, envisagé de se présenter très tardivement, décidera d'avancer son entrée dans l'arène.
Petit matin à Orly avant un voyage dans le Var, Toulon et La Seyne-sur-Mer, le 24 janvier. Un François Hollande très abordable et rayonnant au lendemain de son discours du Bourget échange, comme il le fait souvent, avec les journalistes qui l'accompagnent. "Les gens me regardent différemment", lâche-t-il, sur un petit nuage. FIdèle à son image, lors de ce voyage, l'encore député de Corrèze a utilisé l'arme de l'ironie à propos de Nicolas Sarkozy. "Si c'est au nombre de kilomètres qu'il faut le juger, il a quelques chances, si c'est au nombre de discours, il peut avoir encore un argument de plus, mais si c'est aux résultats, c'est beaucoup plus difficile".
Seul incident de la campagne, lors d'une réunion de la Fondation Abbé Pierre sur le logement, le 1er février porte de Versailles à Paris, François Hollande est "enfariné" par une déséquilibrée. Le candidat aime la foule, le contact avec ses partisans. Il adore foncer dans le public, serrer des mains, signer des autographes, embrasser les femmes. Jusqu'au début de l'année, sa sécurité n'était assurée que par le service d'ordre du PS. Ici porte de Versailles, le 1er février, il était pourtant déjà accompagné de policiers du SPHP (service de protection des Hautes personnalités). Ils n'ont pas pu empêcher l'incident. Ce qui était frappant dans cette scène, relayée immédiatement sur les réseaux sociaux comme twitter, c'est l'incroyable calme dont a fait preuve François Hollande, comme s'il ne s'était aperçu de rien. Le candidat ne changera pourtant pas grand chose à sa protection, continuant à goûter les bains de foule.
6 février. François Hollande termine un déplacement particulièrement froid -il faisait dans les -10°- à Dijon, consacré à la sécurité, sur les terres de François Rebsamen. Seul imprévu dans ce voyage bien cadré, entre table ronde sur la justice des mineurs et centre de vidéo surveillance, cette rencontre entre deux candidats à la présidence, qui se connaissaient depuis la promotion "Voltaire" de l'ENA. "Comment vont les enfants", a demandé Dominique de Villepin hilare à Hollande.
Samedi 24 mars. Déplacement en Corse, sous le soleil. Depuis la tuerie de Toulouse et la mort de Mohammed Merah le jeudi précédent, la campagne était arrêtée, le président présidait et le candidat socialiste jouait les présidents bis. Face à cette situation, flottement dans l'entourage de François Hollande qui se demandait comment sortir du thème de la sécurité tout en réflechissant à la possibilité de nouvelles annonces. Finalement, la campagne continua comme prévu.
Samedi 7 avril. A 15 jours du premier tour, pritorité à la mobilisation des quartiers populaires. Un seul mot d'ordre, lutter contre l'abstention dans ces quartiers. Résultat, le "Hollande Tour" est embarqué dans un marathon à travers l'Ile-de-France : Trappes, les Ulis, Clichy-sous-Bois, Aubervilliers, où l'accueil de la population est particulièrement chaleureux. Le soir, le candidat, en meeting à Aulnay appelle à "la levée en masse".
Dimanche 15 avril. A huit jour du premier tour, François Hollande fait le pari d'un grand rassemblement à Vincennes, devant le chateau. L'opération est un succès, malgré une météo plus que fraîche, avec laquelle joue le candidat dans son discours: "ça se réchauffe… Même en haut il nous écoute"... Il gagne aux points devant Nicolas Sarkozy dont les partisans sont rassemblés à la Concorde. Le climat est à l'optimisme, même si officiellement, le mot d'ordre reste mobilisation. En témoignent les 600 journalistes venus du monde entier.
17 avril. Déplacement dans le sud-ouest. Dans l'usine Safra d'Albi, François Hollande se prête à un de ses exercices favoris, le "off" avec la presse. Là, assis dans un bus en construction, il bavarde avec les journalistes du Hollande Tour, à l'affût de la-petite-phrase-qu'il-ne-faut-pas-rater. Une seule règle, ne pas enregistrer. Quant à savoir si ce qui est dit est publiable, la règle est plus floue... Lors de ce "off", il évoquera le vote d'extrême-droite, Nicolas Sarkozy, la hausse du SMIC...Mais le futur président maîtrise parfaitement sa communication. Dans ces "off", pas de révélation, de petites phrases qui vont bouleverser la campagne. Juste un climat...ici, celui de l'optimisme.
Folie dans les rues d'Albi, en ce 17 avril. Dans cette ville, pourtant dirigée par la droite, François Hollande va vivre un bain de foule mémorable. Entouré de ses gardes du corps, totalement dépassés, le candidat est happé par la population qui veut l'approcher, le photographier, l'embrasser. Il n'a fait que 200 mètres en une heure, tellement la foule était dense. "Il m'a touché la main, je me lave plus pendant trois jours", disait une jeune fille hilare à sa copine dans les ruelles de la vieille ville, près de la magnifique cathédrale de brique rouge. Une consoeur qui suivait d'habitude Sarkozy note la différence. "Depuis les incidents qui ont entouré la venue dans les rues de Bayonne de Nicolas Sarkozy, celui-ci n'a jamais osé recommencer", raconte-t-elle. Des images qui font la différence à cinq jours du premier tour.
Carmaux, toujours le 17 avril. Etape obligée de tout candidat socialiste lors d'une présidentielle, la ville de Jean Jaurès avait aussi accueilli François Mitterrand en campagne. A cinq jours du premier tour, la ville, malgré le froid, fête François Hollande qui fait son discours devant la statue de Jaurès. Sur scène, le député de Corrèze, qui n'a pas un physique de star, prend une toute autre dimension. Un tribun, un orateur, une vraie vedette. Souvent ses discours sont à peine écrits et il se livre à des envolées sur les les thèmes de sa campagne. Porté par une voix de plus en plus rauque, il a ses expressions incontournables "rrrrien" "rendez-vous compte", "c'est bien le moins" "rrrrassemblement"...ou, l'inévitable, "candidat sortant" qui attire les habituels "ouuuuuuhhh". Après la Marseillaise, le candidat s'offre toujours un bain de foule, alors que l'hymne de sa campagne retentit..."le changement c'est maintenant".
Cenon, dans la banlieue de Bordeaux, 19 avril. La pluie n'a cessé de tomber sur ce joli parc devenu un champ de boue. Pourtant c'est là que doit se tenir le dernier grand meeting d'avant premier tour, en plein air, comme la plupart de ceux qu'a tenu François Hollande pendant la campagne. Malgré le temps, la foule est venue, certes moins nombreuse qu'attendue. Dans son discours, le candidat s'amuse avec la météo et surprend en évoquant de la vague que Nicolas Sarkozy avait cru discerner en sa faveur. "Nicolas Sarkozy avait voulu voir une vague. Elle arrive la vague, elle est haute la vague, elle est puissante la vague et il va la prendre de face la vague". Violent parfois, François Hollande.
Premier tour. Dimanche 22 avril. François Hollande est en tête du premier tour. Les courbes ne se sont pas croisées. Benoît Hamon, porte-parole du PS, affiche sa joie à l'annonce du résultat, dans la cour de Solférino, siège du PS. Pendant toute la soirée, les responsables du PS expliqueront que la dynamique de la campagne va profiter à leur candidat au second tour.
Bercy. Dimanche 29 avril. Le premier tour est dans une semaine. La salle est pleine à craquer. L'ambiance plus qu'enthousiaste. La victoire semble là. François Hollande fait de l'inédit dans ce meeting. Il s'empare de drapeaux français et européen...et fait un rappel en remontant sur scène. Et lance à la foule "Je vous retrouverai le 6 mai à Paris". La souvenir de 1981 pointe son nez avec la Bastille en ligne de mire.
Dans les coulisses de Bercy, au fond de la salle de presse, Thomas Hollande travaille avec l'équipe numérique de la campagne de son père. Cette campagne sur le web et sur les réseaux sociaux a tenu une grande place dans la riposte à l'adversaire et dans la mobilisation pour le porte à porte.
Toulouse 3 mai. Dernier meeting. Comme François Mitterrand, François Hollande termine sa campagne dans la ville rose. Tous ses soutiens sont venus. Les Verts avec Eva Joly ou Cécile Duflot, "la gauche de la gauche" est symbolisée par Robert Hue, le PS est là au grand complet. Le candidat rend un hommage particulièrement appuyé à Lionel Jospin qui fait un grand retour en public après son retrait de la politique, le 21 avril 2002. L'heure de la revanche n'a pas encore sonné mais personne ne croit à un échec sous le chaud soleil de Toulouse.
Tulle 6 mai, François Hollande se rend au bureau de vote. Comme François Mitterrand, le député de Corrèze attend les résultats en province, A Tulle, la ville dont il a été maire et dont il préside le département. Le rituel du candidat est précis. Vote, tournée des bureaux de vote du département, déjeuner, attente au Conseil général. En allant vers le bureau de vote, le candidat socialiste affiche une sérénité et une confiance totale. Il s'attarde auprès des gens venus le saluer. Visiblement, il goûte cet exercice.
Sur la place de la Cathédrale de Tulle, les hommes du GIPN (Groupe d'intervention de la police nationale) veillent à la sécurité avant la venue du futur président quelques heures avant sa venue.
Tulle 6 mai 20 heures. Larmes, rires et cris de joie salue la victoire de François Hollande. La pluie s'est invitée sur la capitale de la Corrèze qui élit son deuxième président en 17 ans. La foule avait beau crier "on a gagné" depuis plus d'une heure, l'officialisation des résultats est une délivrance.
Photo floue pour victoire nette. François Hollande s'est fait attendre avant de venir remercier Tulle. Le discours n'est pas à la hauteur de l'événement, trop convenu sur le "président-de-tous-les-Français". Moment de grâce cependant, même s'il a été préparé, quand le président de la région rejoint François Hollande avec Valérie Trierweiler et joue sur son accordéon "La vie en rose". La campagne est terminée. François Hollande fonce sur Paris dans un avion privé, lui qui ne prenait que des avions de ligne. Il est devenu président. Les journalistes du 'Hollande tour" suivent dans un autre avion, mais ils arriveront trop tard à la Bastille.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.