Depuis plus de 30 ans, le gouvernement essaye d'enrayer le chômage des jeunes
Les gouvernements de droite comme de gauche se succèdent et tentent d'enrayer le chômage de la jeunesse française, qui poursuit pourtant sa courbe ascendante. Selon l'Insee, le taux de chômage chez les moins de 25 ans est passé de 5,9% en 1975 à 22,7% en 2012.
1977 : Raymond
Barre propose des mesures pour aider l'emploi des jeunes
**Taux de chômage des jeunes : 9,6%.** Dès 1977, le Premier ministre Raymond Barre évoque le chômage des
jeunes, il atteint alors 9,6% selon l'Insee, contre 4,3% dans l'ensemble de la population française. Pour la première fois, le Premier ministre propose alors une exonération de la part patronale des cotisations de la sécurité
sociale pour tout employeur qui embauche des jeunes de moins de 25 ans.
1984 : les Travaux
d'utilité collective (TUC) de Laurent Fabius
**Taux de chômage des jeunes : 20,7%** , contre 8,4% dans l'ensemble de la population. En 1984, le gouvernement de Laurent Fabius met
en place ce qu'il appelle les travaux d'utilité collective (TUC) (le décret du 16 octobre
1984). Ce dispositif sera abrogé en 1990 lors de l'introduction du Contrat
emploi solidarité.
1989 : le Contrat
emploi solidarité (CES) de Michel Rocard
**Taux de chômage des jeunes : 15,3%.** Le Premier ministre Michel Rocard remplace les TUC par des
contrats de deux ans maximum dans le secteur public non lucratif. L'État prend en charge l'essentiel de la rémunération
du salarié, c'est une première.
1994 : Le Contrat
d'insertion professionnelle (CIP) de Balladur, le "smic-jeune"
**Taux de chômage des jeunes : 22,6%.** Le gouvernement met en place le contrat d'insertion
professionnelle à destination de jeunes qualifiés (bac+2), qui permet à des
entreprises de les payer à hauteur de seulement 80% du Smic.
La réaction est virulente : lycéens, étudiants et syndicats
manifestent tout au long du mois de mars contre la création du CIP. Le 30, un
communiqué des services du Premier ministre annonce le retrait du CIP et son
remplacement par une aide mensuelle de 1.000 francs versée pendant neuf mois aux
entreprises qui embaucheront un jeune de moins de 26 ans pour une durée
minimale de 18 mois.
Regardez aussi ce débat de mars 1994 entre Nicolas Sarkozy, alors ministre du Budget, et des étudiants :
1997 : les emplois
jeunes de Jospin
**Taux de chômage des jeunes : 22,7%.** Le 20 août 1997, un projet de loi relatif au développement d'activités pour l'emploi des jeunes est présenté en Conseil des ministres et prévoit la création de 350.000 emplois pour les moins de 26 ans (notamment 50.000 en 1997, 100.000 en 1998) dans les secteurs public, para-public et associatif (contrats de cinq ans, rémunérés sur la base du smic, financés à 80% par l'Etat). L'innovation consiste a élargir la
base de recrutement aux 26-30 ans. Lionel Jospin est alors Premier ministre et Martine Aubry est sa ministre de l'Emploi et de la Solidarité.
En juillet 1999, Lionel Jospin signe le 200.000e emploi jeunes à Lille :
Selon une étude de la Dares (le service des
statistiques du ministère du Travail) datée de 2006, le dispositif des emplois jeunes a permis la création de 310.000 postes entre 1999 et fin 2005, les trois quarts des
bénéficiaires (restés au moins deux ans en poste) ayant ensuite occupé un
emploi après la fin de leur contrat.
Mais tous les bilans ne sont pas si positifs, " 40 % des emplois jeunes avaient un bac+2.
Et ils étaient payés au SMIC. Ils ont forgé une sorte de valeur du jeune, juste
au niveau du salaire minimum. Les emplois-jeunes ont donc joué un rôle de
dépréciation de certains diplômes, en dépréciant aussi les jeunes et
sous-entendant qu'ils doivent forcément être payés au SMIC au départ. C'est la
face sombre du bilan de la mesure Jospin " , observait
récemment sur France Info l'économiste Philippe Askenazy.
2002 : le Contrat jeunes en entreprise de Raffarin
**Taux de chômage des jeunes : 17%.** En août, le gouvernement Raffarin suspend toute création de nouveaux postes d'emplois jeunes. À la place, il crée un nouveau
dispositif : le Contrat jeunes en entreprise, pour favoriser
l'embauche des 16-25 ans. Le dispositif dure cinq ans puis est supprimé.
Selon une étude de la Dares, ces contrats ont permis l'embauche de 441.000 jeunes entre
2002 et 2007. Mais un quart des contrats signés entre 2002 et 2007 ont été rompus dans les
six premiers mois.
2006 : le Contrat
première embauche (CPE) de Villepin
**Taux de chômage des jeunes : 22,2%.** La nouvelle formule inventée par Dominique de Villepin s'appelle le CPE, pour tous les
jeunes de moins de 26 ans qualifiés ou non. Non seulement l'employeur bénéficie de tous les avantages habituels
(exonération de charges...), mais il peut aussi, pendant deux ans, licencier le
jeune embauché, quand il veut et sans aucun motif. Ce dispositif entraîne une très forte
mobilisation étudiante, lycéenne et syndicale.
Le 10 avril 2006, un communiqué de
l'Élysée annonce le remplacement de l'article 8 de la loi sur l'égalité des
chances relatif au CPE par un dispositif en faveur de l'insertion des jeunes en
difficulté. Dominique de Villepin admet que les conditions ne sont pas réunies
pour appliquer le CPE. Le journal télévisé du 10/02/2006 (François Hollande est alors premier secrétaire
du parti socialiste et se félicite du recul du gouvernement dans ce sujet) :
2008 : les
multiples "plans d'urgence" de Sarkozy
Taux de chômage des jeunes : 20,3%. À partir de 2007, Nicolas Sarkozy a multiplié les "plans",
"mesures d'urgence" et "missions" sur le chômage des
jeunes, comme le détaille cet article du Monde. En 2009, il annonce notamment un "plan d'urgence pour les jeunes" qui parie sur l'apprentissage.
2012 : les
emplois d'avenir de Hollande
Taux de chômage des jeunes : 22,7%. C'était
"la priorité des priorités " du gouvernement de Jean-Marc Ayrault : le dispositif
des "emplois d'avenir" a été officiellement lancé le 1er novembre par
la publication d'un décret au Journal officiel .
Une semaine plus tard, François Hollande inaugure le dispositif à Chelles
(Seine-et-Marne), où il assiste jeudi à la signature des conventions d'une
douzaine de jeunes.
Les 150.000 emplois d'avenir que compte créer le
gouvernement (100.000 en 2013 puis 50.000 en 2014) visent à aider les jeunes de
16 à 25 ans sans qualification. Ces emplois seront subventionnés à hauteur de
75% du Smic dans le secteur public et privé non lucratif et à hauteur de 35% du
Smic dans le secteur marchand. Le coût du dispositif s'élève à 1,5 milliard
d'euros.
L'UMP dénonce un "recyclage des emplois
jeunes " de Jospin. Mais la grosse différence est que cette fois le dispositif ne concerne que des jeunes
sans qualification. "La mesure a une efficacité
directe : il y aura bien 150.000 nouveaux emplois sur trois ans. Parce que les
emplois accessibles sans qualification sont devenus extrêmement rares et que
les activités proposées, plutôt socialement utiles, créent peu de valeur
ajoutée. Ces emplois ne pourront donc pas exister sans aides de
l'Etat ", estime Pierre Boisard, chercheur du CNRS aux institutions et dynamiques historiques de l'économie (IDHE).
Pour ce chercheur, le dispositif est aussi un "pari sur
la formation ". "Le gouvernement espère que ces jeunes auront acquis
après ces trois ans, une formation suffisante pour trouver du travail dans le
secteur marchand ." Mais Bernard Gomel, chercheur du Centre d'étude de l'emploi (Cee), est moins optimiste : "Ne soyons pas naïfs, il y aura des désistements tout au
long du chemin. Ces publics en difficulté avec l'école n'auront pas forcément
envie de s'engager sur la formation ".
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