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Brice Teinturier (Ipsos) : "le FN pourrait se maintenir dans 90 circonscriptions" au second tour

Selon le directeur général délégué d'Ipsos France, partenaire de France Télévisions, Brice Teinturier, le Front national pourrait se maintenir dans 90 circonscriptions au second tour des législatives, dont une soixantaine en triangulaires. Entretien.
Article rédigé par Olivier Biffaud - Propos recueillis par
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Brice Teinturier, directeur général délégué d'Ipsos France (PATRICK KOVARIK / AFP)

Selon le directeur général délégué d'Ipsos France, partenaire de France Télévisions, Brice Teinturier, le Front national pourrait se maintenir dans 90 circonscriptions au second tour des législatives, dont une soixantaine en triangulaires. Entretien.

Selon le dernier sondage Ipsos-Logica Consulting réalisé pour France Télévisions, Radio France et Le Monde, le PS et ses alliés divers gauche obtiendraient entre 243 et 285 sièges dans la prochaine Assemblée nationale alors que la majorité absolue est de 289 sièges. Ils en détenaient 204 dans l'assemblée sortante.

Dans son ensemble, la gauche remporterait entre 292 et 346 sièges et la droite de 231 à 285, dont 214 à 262 pour l'UMP.

Le MoDem et le Front national obtiendrait, chacun, de 0 à 3 députés.

Brice Teinturier, directeur général délégué d'Ipsos France, répond aux questions de FranceTV 2012 sur les résultats de cette enquête, en observant que le Front national pourrait être en mesure de se maintenir au terme du premier tour des législatives, dimanche 10 juin, dans 90 circonscriptions, soit environ 1 sur 5.

Au fil des sondages, l'équilibre entre les principales forces politiques a peu évolué. La campagne législative, courte et moins médiatisée que celle de l'élection présidentielle, n'aurait-elle servi à rien ?

La campagne des législatives est moins puissante que lors de la présidentielle parce qu'elle ne s'incarne pas dans des figures visibles et en nombre limité comme c'était le cas avec Nicolas Sarkozy, François Hollande, Jean-Luc Mélenchon, Marine Le Pen, François Bayrou, etc. Elle est donc plus difficile à suivre pour les Français et moins intéressante.

Le fait que l'UMP n'ait pas fait de meetings nationaux et le retrait de Nicolas Sarkozy ajoutent une atonie supplémentaire : l'ancien président de la République cristallisait à la fois du rejet et de l'adhésion mais dans les deux cas, c'était un facteur de mobilisation. Son absence crée aussi une panne de leadership clair à droite, certes provisoire, mais qui ne favorise pas la mobilisation.

Enfin, les législatives sont des élections hybrides. Elles sont nationales dans leurs effets et leur finalité - désigner une majorité au Parlement - mais elles sont fondamentalement locales car il s'agit de 577 élections, non d'un seul scrutin. La campagne s'opère donc de façon plus souterraine - ce qui ne veut pas dire qu'elle n'existe pas.

Dans un tel contexte, les rapports de forces politiques évoluent effectivement peu : le bloc constitué par la gauche parlementaire (44,5%) s'est légèrement tassé par rapport au début de la semaine tout en restant à l'avantage de la gauche (l'UMP et ses alliés se situent autours de 35%) et en étant un peu supérieur à ce qu'il était au soir du 1er tour de la présidentielle ; le Front national remonte légèrement et pourrait atteindre un niveau historique pour des législatives (15,5%).

On est donc dans un modèle classique d'élections législatives qui suivent une présidentielle, favorisant le camp qui a gagné sans que pour autant l'on puisse parler à ce stade de dynamique forte.

Il faut d'autant plus le répéter que l'abstention est une inconnue fondamentale et qu'elle peut jouer un rôle perturbateur majeur : 64% des Français pensent en effet que la gauche va l'emporter. C'est considérable et cela peut donner le sentiment à un électeur de gauche comme de droite que l'utilité marginale de son vote est faible.

Toute la question est alors de savoir si l'abstention peut être différente selon les camps politiques et avantager l'un plutôt que l'autre. L'effet de déformation de ce que nous mesurons aujourd'hui peut alors être important.

Comment peut-on déduire une projection en sièges dans les 577 circonscriptions à partir de taux nationaux d'intentions de vote ?

C'est toute la difficulté de l'exercice et il faut en être conscient, car tout modèle a ses limites. Mais cela permet d'évaluer les conséquences globales, en termes de répartition des sièges pour les grandes formations politiques, d'un rapport de forces politiques mesuré dans une enquête.

Concrètement, la modélisation se fait à partir de l'historique électoral de chaque circonscription (reconstitué après le redécoupage quand cela est nécessaire), de la configuration des candidatures dans chaque circonscription et de données de sondages (intentions de vote 1er tour et matrice de reports 1er/second tour).

Sont également intégrées des hypothèses sur la participation et une identification du nombre de circonscriptions incertaines, c'est-à-dire qui se jouent à 52/48 ou moins. Or, elles sont nombreuses, un peu plus d'une centaine.

La modélisation indique alors une fourchette haute ou basse de sièges pour chaque formation politique. Mais attention : elle est très sensible aux effets d'1 point de plus ou de moins pour telle ou telle force ainsi qu'à ceux de l'abstention. Très vite, 15 à 20 sièges peuvent ainsi riper d'un camp à l'autre.

Par ailleurs, rappelons qu'entre le 1er et le second tour, il y a une campagne et qu'elle peut, là aussi, faire évoluer les choses. La modélisation a donc ses limites. Son intérêt est cependant de rendre visible la traduction possible et opérationnelle en sièges d'un rapport de forces national en voix.

Une participation oscillant entre 57% et 60% diminue mécaniquement le nombre des triangulaires au second tour. Quelle est la fourchette de ces triangulaires incluant un candidat du Front national ?

Les choses ne sont pas aussi mécaniques que cela. Certes, comme il faut obtenir 12,5% des inscrits, si l'abstention est de 40%, ce seuil signifie que pour pouvoir se maintenir, il faut obtenir plus de 21% des suffrages exprimés. Par conséquent, plus l'abstention est élevée et plus ce seuil progresse.

Mais si dans le même temps le niveau du Front national monte, le nombre de circonscriptions dans lequel il peut se maintenir monte également et peut compenser l'effet d'une progression de l'abstention.

En début de semaine, nos modèles indiquaient environ 65 circonscriptions dans lesquelles le FN pouvait se maintenir, dont 49 triangulaires. Dans notre dernière enquête, l'abstention progresse… mais le FN aussi. Résultat : on serait plutôt autour de 90 circonscriptions, dont une soixantaine de triangulaires. C'est donc la combinaison de ces différentes variables qui fabriquera dimanche soir le nombre exact de circonscriptions avec présence du Front national.

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