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Avec l'alliance de l'UDI et du MoDem, à qui le centre va-t-il faire mal ?

François Bayrou et Jean-Louis Borloo ont presque fini d'enterrer la hâche de guerre. La droite, la gauche et même me centre pourraient être affectés par cette nouvelle donne centriste.

Article rédigé par Louis San
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4 min
Le président du MoDem, François Bayrou (G), et le président de l'UDI, Jean-Louis Borloo, lors des obsèques de l'ancien Premier ministre Pierre Mauroy, à Paris, le 11 juin 2013. (CHARLES PLATIAU / AFP)

Ce n'est pas encore l'union sacrée. Mais le rapprochement de l'UDI de Jean-Louis Borloo et du MoDem de François Bayrou, quasi-officialisé mercredi 11 septembre par l'ancien ministre de l'Ecologie, tient presque du miracle. Les deux leaders centristes se tenaient à distance l'un de l'autre depuis plus de dix ans. Un fossé que Jean-Louis Borloo, à la tête de l'Union des démocrates et indépendants, tente de combler depuis des dizaines de jours, en tendant la main de façon insistante à l'ancien candidat à la présidentielle. Cet appel à la réconciliation semble enfin entendu favorablement par le chef de file du Mouvement démocrate.

Comment expliquer ce redoux ? "Parce que la gauche n'est pas au rendez-vous", a répondu François Bayrou, mardi soir sur BFMTV. Celui qui a appelé à voter François Hollande au second tour de la présidentielle de 2012 reproche au gouvernement "une attitude de non-décision", citant en exemple la réforme des retraites. De son côté, Jean-Louis Borloo a répété, jeudi sur BFMTV, que ce partenariat se justifie car son frère ennemi du centre "est de plus en plus critique à l'égard  du gouvernement et du président de la République".

Borloo : "Bayrou est de plus en plus critique à l'égard du gouvernement" (BFMTV)

Alors que les élections municipales et européennes se rapprochent, francetv info fait le point sur les formations qui pourraient faire les frais de cette réconciliation.

A gauche

L'objectif de cette alliance est clair : faire du centre une force capable de contrer l'action du gouvernement, le PS et ses alliés. "Il faut une opposition forte à ce qui est en train de se faire, pour remettre les choses dans le bon sens. Mais il faut que ce soit une opposition différente, constructive et déterminée", a détaillé le président du MoDem dimanche, au "Grand Jury RTL/LCI/Le Figaro". "Si on n'est clairement pas avec la gauche, il ne faut pas deux cents ans pour l'écrire", a pour sa part affirmé Jean-Louis Borloo, rapporte Le Figaro.

Cette alliance centriste, si elle se concrétise, n'entend pas adopter le discours du ni-ni (ni droite, ni gauche). "Nous privilégions avec le MoDem une alliance avec la droite républicaine", a assuré Jean-Louis Borloo au micro de France inter. Ainsi, le texte de l'axe MoDem-UDI, qui doit être dévoilé mi-octobre, stipule "l'obligation d'une coalition avec la droite", selon le Journal du dimanche. François Bayrou briserait donc sa politique de non-alignement. De quoi fragiliser encore François Hollande, finalement proche, dans son idéologie, des sociaux-démocrates, alors qu'il atteint un nouveau record d'impopularité, selon un sondage LH2 pour Le  Nouvel Observateur ?

A droite 

L'UMP ne figure pas comme un ennemi de cet axe du centre. Mais cette nouvelle entité, qui s'autoproclame alliée du principal parti d'opposition, ravive déjà des tensions dans le parti de Jean-François Copé. "En Normandie, on a fait dans toutes les villes des accords avec l'UDI, mais une UDI qui ne tendait pas la main à Bayrou", a rappelé l'ancien ministre de l'Agriculture, Bruno Le Maire, indique Le Figaro. La rancune est tenace. "Je ne peux pas oublier la prise de position de François Bayrou contre Nicolas Sarkozy et pour François Hollande [lors de la dernière présidentielle]", a lancé, de son côté, Henri Guaino, député UMP des Yvelines, lundi sur LCI (vers la 10e minute).

Pour le blog Scènes politiques, cette union en devenir constitue une menace pour l'UMP car elle favoriserait finalement le PS. "Le principal parti de l'opposition y verrait un coup de canif dans la traditionnelle alliance entre une droite hégémonique et un centre-force d'appoint, tandis que l'actuel parti dominant de la majorité ne trouverait que des avantages à la renaissance d'un tel pôle politique...", analyse-t-il.

"Les électeurs de l'UMP qui sont modérés et qui ont une sensibilité centriste pourraient se tourner vers cette nouvelle force car il y a, au sein de l'UMP, une vraie tension sur certains thèmes comme l'immigration ou la sécurité", estime auprès de francetv info Etienne Schweisguth, politologue au Centre de recherche politiques de Science Po (Cevipof).

Au centre

A écouter les responsables centristes, cette union de l'UDI et du MoDem est une évidence. "Si le centre veut peser, il faut qu'il se réunisse", a lancé François Bayrou, dimanche, sur France inter. "On était dans cette espèce de contradiction incroyable, (...) nous étions divisés alors que grosso modo on pense à peu près la même chose", a résumé, jeudi sur France 2, l'ancien ministre de la Défense, Hervé Morin, président du Nouveau Centre et du conseil national de l'UDI.

Morin : "On était dans cette espèce de contradiction incroyable" (France 2)

Ce "rapprochement est nécessaire", estime Christophe Madrolle, secrétaire général adjoint du MoDem interrogé par L'Express. D'après lui, le mode de fonctionnement de la Ve République oblige François Bayrou à "rompre avec la logique d'isolement".

Sauf que les deux formations centristes n'ont pas été construites dans le même but, selon le vice-président du Mouvement démocrate, Jean-Luc Bennahmias. "Le MoDem s'est créé pour dépasser le cadre du centrisme. L'UDI, elle, veut faire l'inverse : reformer l'ancienne UDF", rappelle-t-il au Journal du dimanche.

Pour Yves Delahaie, ancien conseiller national MoDem, ce rapprochement n'est qu'une stratégie de "survie" pour le parti de François Bayrou. Etienne Schweisguth partage le même avis. Selon lui, "François Bayrou se retrouve sans troupe, sans mandat. L'organisation centriste est devenue tellement faible qu'elle n'est plus crédible politiquement". Mais cette tentative pour "peser" davantage et redonner une voix au centre ne pourra aboutir que si l'UDI et le MoDem parviennent effectivement à passer outre leurs propres divisions.

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