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Salarié, contribuable… Si Alain Juppé devient président, voici ce que ça changera pour vous

Le maire de Bordeaux affiche un programme d'austérité. Moins, cependant, que son adversaire au second tour de la primaire à droite, François Fillon.

Article rédigé par Anne Brigaudeau
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 9min
Alain Juppé sort de l'isoloir, à Bordeaux, le 20 novembre 2016, pour le premier tour de la primaire à droite.  (MEHDI FEDOUACH / AFP)

Surprise. Longtemps chouchou des sondages, Alain Juppé a été relégué à la seconde place, dimanche, lors du premier tour de la primaire à droite. Il affrontera François Fillon le 27 novembre au second tour, à l'issue d'une campagne marquée, sur le plan des propositions économiques, par une surenchère droitière.

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Début novembre, le sondeur de l'Ifop Jérôme Fourquet expliquait ainsi cette droitisation au Figaro : "Non seulement nous avons un électorat de droite qui, par rapport à la moyenne des Français, est composé de plus de retraités, de classes moyennes et supérieures, mais, de surcroît, (...) on a parmi ces électeurs de droite des votants potentiels à la primaire qui sont eux-mêmes plus âgés, plus riches et plus diplômés que la moyenne des électeurs de droite." Et d'ajouter : "Pour parler à cet électorat (...), les candidats peuvent entonner un credo franchement libéral et se trouver dans une certaine osmose avec un électorat âgé à qui l'idée de repousser l'âge de la retraite convient parfaitement."

Si Alain Juppé devient le champion de la droite, puis est élu président de la République, quel futur vous dessine-t-il ?

Si vous êtes salarié du privé

La suppression des 35 heures a été l'un des leitmotivs de cette primaire, et le refrain a été entonné par Alain Juppé comme par ses adversaires. L'ancien Premier ministre de Jacques Chirac a proclamé sa volonté de "sortir des 35 heures et de laisser chaque entreprise libre de définir sa durée de travail avec ses salariés". En pratique, il laissera "deux ans aux entreprises pour négocier une durée comprise entre 35 heures et 39 heures. Par défaut, au bout de deux ans, c’est la durée de 39 heures qui prévaudra."

Concrètement, si votre entreprise décide de passer aux 39 heures sans négociation de contreparties, vous pourrez dire adieu au paiement à tarif majoré des heures sup comprises entre la 35e et la 39e heures. Ce manque à gagner "sera compensé par une réduction d’impôt sur le revenu et de cotisations salariales", assure le maire de Bordeaux, qui évoque une "augmentation de pouvoir d'achat" dans tous les cas, sans plus de précision. Bref, vous travaillerez plus à tarif horaire égal.

Enfin, votre contrat de travail inclura, selon le programme du candidat, "des motifs prédéterminés de rupture dans un CDI sans compliquer la vie des entreprises : l’absence d’opposition de l’administration sur les motifs prédéterminés de rupture d’un CDI vaudra acceptation au bout de 15 jours".

Si vous attendez la retraite avec impatience

Vous travaillerez également plus longtemps. Alain Juppé entend repousser l'âge de départ à la retraite à 65 ans à partir de 2018. Il veut également supprimer le compte pénibilité pour le remplacer par un autre système, "moins complexe".

Si vous êtes syndicaliste

Plongé depuis trente ans dans la vie politique, Alain Juppé estime que les syndicalistes ne doivent pas devenir des spécialistes du combat social. Il compte "limiter à deux mandats maximum les mandats de représentation syndicale", souligne RTL. Le maire de Bordeaux juge également que les représentants des syndicats doivent passer "au moins 50% de leur temps dans la vie du travail et pas simplement dans la représentation du travail".

Si vous êtes fonctionnaire

L'ancien Premier ministre de Jacques Chirac, dont les réformes avaient provoqué trois semaines de grève et paralysé la France en décembre 1995, semble prendre davantage de gants que son adversaire Fillon. Il ne remettra pas en cause le statut de fonctionnaire, souligne Le Monde, mais le "modernisera" : "utilisation accrue des possibilités de licenciement pour insuffisance professionnelle ou pour refus de poste en cas de réorganisation du service, activation accrue des recrutements d’agents sous contrats de droit privé pour les missions non régaliennes". Bref, il accroîtra les possibilités de contournement.

Au chapitre des conditions de travail dans la fonction publique, l'ancien inspecteur des Finances instaurera deux jours de carence pour maladie (contre un jour pour Fillon) et, surtout, augmentera le temps de travail dans la fonction publique. La hausse, précise Challenges, se fera "dans le cadre de négociations entre employeurs et représentants des fonctionnaires, avec des modalités différentes dans les trois fonctions publiques et à l’intérieur de chacune d’elles selon la nature des métiers exercés".

Enfin, Alain Juppé réclame la suppression de 200 000 à 250 000 postes de fonctionnaires, soit, tout de même, moitié moins que François Fillon, qui veut en supprimer 500 000. Autant dire que la sécurité de l'emploi deviendra un bien rare.

Si vous êtes au chômage

Combien de chômeurs dans l'électorat de la primaire à droite ? Pas sûr qu'ils constituent le gros des bataillons. D'où le mantra d'Alain Juppé, partagé par François Fillon : il faut "favoriser le retour à l’emploi en rendant dégressifs dans le temps les revenus distribués par l’assurance chômage, et en plafonnant les aides". Une étude de l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), citée par La Tribune, montre que cette mesure n'est "ni nécessaire, ni efficace", car elle pourrait "ralentir le retour à l'emploi". Peu importe, pour Alain Juppé : il faut montrer que "le travail paie toujours plus que l’inactivité".

Autre mesure dans la besace du maire de Bordeaux : relancer l'emploi en incitant les "entreprises à embaucher en diminuant le coût du travail peu qualifié. La suppression de toutes les charges patronales au niveau du smic permettra de créer rapidement 200 000 emplois". Les Echos relaient une étude des économistes Pierre Cahuc et Stéphane Carcillo qui montre le "fort effet de la baisse de charges sur les bas salaires". "Très efficace pour créer des jobs", renchérit Challenges. La mesure est déjà "en partie mise en œuvre par François Hollande. Le président a lancé, en janvier, une prime à l’embauche de 2 000 euros jusqu’à 1,3 smic supprimant la quasi-totalité des charges sociales",  souligne l'hebdomadaire.

SI vous touchez le RSA

Quasi tous les candidats à la primaire s'en sont pris d'une façon ou d'une autre à ce qu'ils appellent les "assistés". S'il est resté plus mesuré dans le ton, Alain Juppé souhaite, lui aussi, plafonner les aides sociales, afin que "le travail soit toujours plus rémunérateur", et retirer le RSA à ceux qui refuseraient un emploi ou une formation, souligne Sud-Ouest.

Si vous payez l'impôt sur la fortune

Bonne nouvelle pour vous ! Comme François Fillon, Alain Juppé compte supprimer cet impôt pour, explique son programme, "stopper l’hémorragie fiscale et inciter les milliers de détenteurs de capitaux fuyant l’impôt sur la fortune à investir en France".

Quid de l'impôt sur le revenu ? Si vous êtes père ou mère de famille nombreuse, vous êtes le cœur de cible de l'électeur cajolé par la droite. Alain Juppé ne fait pas exception. Il promet de "relever dès 2017 le plafond du quotient familial de 1 500 à 2 500 euros par demi-part pour toutes les familles". Mais le bénéfice sera moindre qu'avec François Fillon : le député de Paris a promis de porter le plafond du quotient familial à 3 000 euros.

François Hollande a fait passer le plafond de cet avantage fiscal de 2 000 euros à 1 500 euros en 2013. Comme le rappelle BFMTV, Matignon avait alors assuré que les ménages touchés appartenaient, pour 95% d’entre eux, aux 20% des Français les plus aisés. Ils seront les premiers bénéficiaires du relèvement du quotient familial.

Si vous êtes chef d'entreprise

Vous aurez moins de charges patronales et d'impôt sur les sociétés à payer. En particulier sur les très bas salaires : Alain Juppé souhaite qu'il n'y ait aucune charge pour l'employeur pour un salarié au niveau du smic. Concernant la fiscalité, si vous dirigez une PME, le taux baissera à 24%.

La mise en place du compte pénibilité vous a donné des sueurs froides ? Vous pouvez vous réjouir : Alain Juppé veut le supprimer et rouvrir la négociation avec les partenaires sociaux sur le sujet.

En matière de droit du travail, Alain Juppé souhaite faciliter les négociations au niveau de l'entreprise sur les sujets liés à l'organisation du travail. Il veut aussi neutraliser les effets liés aux changements de seuils sociaux. Fini les réunions multiples avec le comité d'entreprise, le CHSCT ou les délégués du personnel : vous pourrez fusionner les organes de représentation des salariés, sauf si un accord contraire est voté dans l'entreprise.

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