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"Si on creusait vraiment, des affaires Cahuzac, il y en aurait beaucoup"

Le député Nicolas Dupont-Aignan, chargé d'une mission sur les paradis fiscaux par l'Assemblée nationale, dresse un état des lieux de l'exil fiscal et de la lutte contre celui-ci.

Article rédigé par Anne Brigaudeau - Propos recueillis par
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Le député Nicolas Dupont-Aignan (Debout la République) au sortir d'une rencontre avec le président, François Hollande, le 7 décembre 2012, à l'Elysée. (BERTRAND LANGLOIS / AFP)

Les députés Nicolas Dupont-Aignan (Debout la République) et Alain Bocquet (Front de gauche) planchent depuis novembre sur les paradis fiscaux dans le cadre d'une mission confiée par la Commission des affaires étrangères de l'Assemblée nationale.

Alors que Jérôme Cahuzac a avoué posséder un compte dissimulé à l'étranger, l'ex-candidat souverainiste à la présidentielle de 2012 juge que la France ne se donne pas les moyens de lutter contre la fraude et l'évasion fiscales. Entretien.  

Francetv info : Sur quoi se penche précisément votre rapport sur les paradis fiscaux  ?

Nicolas Dupont-Aignan : Ce rapport, pour lequel nous avons déjà auditionné une cinquantaine d'experts, porte sur l'état de l'exil fiscal et l'insuffisance des moyens de lutte en France. Le principal constat, c'est d'ailleurs le retard considérable de ces moyens de lutte.

Dans la lutte contre l'évasion fiscale, vous citez les Etats-Unis en exemple...

On a constaté aux Etats-Unis une vraie volonté de l'administration fiscale de traquer les comptes off-shore, en achetant ou en se procurant des listes de détenteurs de comptes à l'étranger. L'Allemagne a d'ailleurs fait pareil pour les détenteurs de comptes allemands au Lichtenstein. Les Etats-Unis ont instauré également la loi FATCA : toute institution financière qui veut travailler dans ce pays doit déclarer au fisc américain les comptes de tous les citoyens américains qu'elle gère dans le monde. Washington a gagné son bras de fer avec la banque suisse UBS, qui a donné ses listes. Mieux encore : les douanes et les services fiscaux américains ont le droit d'infiltrer les banques étrangères pour avoir des listings ! En France, c'est interdit.

Quelles solutions proposez-vous ? 

Il y a un désarmement général de Bercy. Il faut s'inspirer des solutions américaines et acheter des listes aux banques étrangères, à leurs salariés ou à des indicateurs. Il faut remettre en cause la jurisprudence de la Cour de cassation qui interdit d'acheter des listings aux indicateurs. On doit passer à un système d'échanges de données automatiques avec les banques, revoir les conventions fiscales avec la Suisse, le Luxembourg etc.

Les fraudes et l'évasion fiscales proviennent de particuliers, mais aussi d'entreprises.  La Belgique a réussi à lutter contre la fraude à la TVA pratiquée par des entreprises grâce au croisement des fichiers. 

A combien s'élèvent les pertes pour l'Etat français dues à l'évasion fiscale ?

Des sommes considérables : douanes et services fiscaux estiment qu'entre 60 et 80 milliards d'euros par an de recettes sont ainsi perdues par l'Etat français ! Si on les récupérait, ça permettrait de baisser les impôts.

Pourquoi n'y a-t-il pas de moyens de lutte suffisants en France ?

Ce qu'on a constaté, avec Alain Bocquet depuis six mois, c'est que la France ne s'est donné ni la volonté ni les moyens de lutter contre la fraude fiscale. Pourquoi ? Si on creusait vraiment, des affaires Cahuzac, il y en aurait beaucoup, et pas seulement dans le milieu politique. Ça fait trop d'années qu'on ferme les yeux, au nom d'une tolérance sur le sujet. Savez-vous que les procureurs de la République ne peuvent pas ouvrir d'enquête pour fraude fiscale et que seul le ministère du Budget peut le faire ? Pour l'instant, la France est dans un état d'impuissance colossal.

Mais dans notre rapport, qui sortira en septembre, nous allons proposer des mesures concrètes : on ne va pas réinventer la poudre, on va proposer les mesures qui ont été adoptées aux Etats-Unis, en Belgique, en Allemagne. On ne pourra pas dire que ça ne peut pas se faire !

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