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Affaire Tapie : Christine Lagarde sur la sellette

L'ancienne ministre des Finances risque d'être mise en examen dans les prochains jours.

Article rédigé par Bastien Hugues
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3 min
La directrice du Fonds monétaire international (FMI), le 24 septembre 2012 à Washington (Etats-Unis). (PAUL J. RICHARDS / AFP)

Christine Lagarde pourra-t-elle aller jusqu'au bout de son mandat de directrice du Fonds monétaire international (FMI) ? Alors qu'elle doit quitter ses fonctions en 2016, l'ancienne ministre de l'Economie et des Finances voit peu à peu l'étau se resserrer sur elle dans l'affaire Tapie. A l'approche de son audition par la justice, et de sa possible mise en examen, francetv info revient sur ce qu'on lui reproche, et sur ce qu'elle risque concrètement.

Ce qu'on reproche à Christine Lagarde

En juin 2007, Christine Lagarde remplace Jean-Louis Borloo au ministère de l'Economie et des Finances. Parmi les dossiers dont elle hérite, le règlement d'un vieux contentieux qui oppose Bernard Tapie et le Crédit lyonnais, sur la vente d'Adidas en 1993 par l'homme d'affaires à une filiale de la banque, qui est à l'époque un établissement public.

En 2005, la justice condamne l'Etat à verser 135 millions d'euros à Bernard Tapie, reprochant à la banque de l'avoir floué lors de la vente d'Adidas. L'Etat décide alors de se pourvoir en cassation. Et en octobre 2006, à la surprise générale, la plus haute juridiction française tranche en défaveur de Bernard Tapie, ouvrant la voie à un nouveau procès. Mais en 2007, plutôt que d'user de ce recours, la ministre des Finances propose à l'homme d'affaires, contre l'avis de ses services, une "conciliation" via un tribunal arbitral, une instance privée composée de trois membres. L'un d'eux, Pierre Estoup, a des liens avec un avocat de Bernard Tapie. En juillet 2008, ce tribunal ordonne à l'Etat de verser 400 millions d'euros à Bernard Tapie.

Aussitôt, l'affaire prend un tournant politique. La gauche et le centre accusent Nicolas Sarkozy et Christine Lagarde de "copinage d'Etat". D'autant plus que Bernard Tapie, ancien ministre de François Mitterrand, a soutenu le candidat Sarkozy durant la campagne présidentielle de 2007.

Ce qu'elle dit pour sa défense

Dès l'été 2008, Christine Lagarde reconnaît avoir donné des instructions pour solder ce litige via un tribunal arbitral, mais rejette les accusations de copinage. "Est-ce que vous croyez que j'ai une tête à être copine avec Bernard Tapie ?", rétorque-t-elle à la télévision.

Mais en 2011, la Cour des comptes juge que le gouvernement n'a pas respecté la loi en choisissant de faire régler le contentieux Tapie-Crédit lyonnais par un tribunal arbitral sans l'aval du Parlement. Le PS saisit la Cour de justice de la République (CJR). Le parquet de Paris et la CJR ouvrent alors chacun une enquête pour "complicité de détournement de biens publics et de faux" visant Christine Lagarde, qui, entre-temps, est nommée directrice du FMI.

Début 2013, les investigations s'accélèrent. Les bureaux de Bernard Tapie et de son avocat, de Stéphane Richard (ancien directeur de cabinet de Christine Lagarde), de Claude Guéant (ancien secrétaire général de l'Elysée) et des trois membres du tribunal arbitral sont perquisitionnés.

Christine Lagarde n'en démord pas. Interrogée fin janvier par France 2, elle réaffirme que le choix de recourir à un arbitrage pour solder le contentieux était "la meilleure solution à l'époque". "Je reste à la disposition des autorités de mon pays pour en répondre le moment opportun", ajoute-t-elle.

Lagarde : "Pas d'élément nouveau en ce qui me concerne" dans l'affaire Tapie (Francetv info)

Ce qu'elle risque concrètement

Début février, Mediapart révèle la convocation de l'avocat de Christine Lagarde, Yves Repiquet, devant la Cour de justice de la République, pour un rendez-vous préliminaire à l'audition prochaine de l'ancienne ministre. Une audition à l'issue de laquelle la patronne du FMI pourrait être mise en examen pour "détournements de fonds publics, complicité de faux par détournements d'actes". Selon l'article 432-1 du Code pénal, "le fait, par une personne dépositaire de l'autorité publique, agissant dans l'exercice de ses fonctions, de prendre des mesures destinées à faire échec à l'exécution de la loi est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende".

A-t-elle pris sa décision seule ? C'est l'une des questions que se posent les enquêteurs et qui seront posées à Christine Lagarde. "Il est absurde de prétendre que ma cliente ait détourné des fonds publics au profit de Bernard Tapie", se contente de déclarer à L'Express Yves Repiquet.

Toujours est-il que si elle était mise en examen, Christine Lagarde verrait sa légitimité à la tête du FMI sérieusement entachée. Au point de devoir démissionner ? Juridiquement, le règlement intérieur ne l'y obligerait pas. Politiquement, ce serait une autre question.

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