Trois questions sur l'affaire des Mutuelles de Bretagne dans laquelle Richard Ferrand a été mis examen
Le président LREM de l'Assemblée nationale a été mis en examen dans la nuit de mercredi à jeudi pour "prise illégale d'intérêts". Il a aussitôt annoncé rester à son poste.
Nouveau coup dur pour la majorité. Le président LREM de l'Assemblée nationale, Richard Ferrand, a été mis en examen pour "prise illégale d'intérêts", dans la nuit du mercredi 11 au jeudi 12 septembre, dans le cadre de l'affaire immobilière des Mutuelles de Bretagne. Il venait d'être entendu lors d'un "interrogatoire de première comparution" de près de quinze heures à Lille, où l'affaire a été dépaysée il y a un an. Le quatrième personnage de l'Etat a aussitôt annoncé, dans un communiqué transmis à l'AFP, être "déterminé à poursuivre [sa] mission" à la tête de l'Assemblée. Retour sur ce dossier aux multiples rebondissements.
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C'est quoi, cette affaire ?
Le 24 mai 2017, Le Canard enchaîné met en cause Richard Ferrand, tout juste nommé ministre de la Cohésion des territoires. Les Mutuelles de Bretagne, dont Richard Ferrand était alors le directeur général, souhaitant louer des locaux commerciaux à Brest, avaient choisi, entre trois propositions, celle d'une société civile immobilière (SCI) appartenant à sa compagne, Sandrine Doucen.
Ce bien acquis pour 375 000 euros a été financé par les loyers versés par les Mutuelles de Bretagne. Selon Le Canard, la promesse de location avait permis à l'acheteuse d'obtenir un prêt bancaire équivalant à la totalité du prix de ces locaux "en mauvais état". Outre une rénovation complète des locaux par la mutuelle pour 184 000 euros, la valeur des parts de la SCI avait été multipliée par 3 000 en six ans, toujours selon Le Canard. Richard Ferrand conteste toute irrégularité et assure qu'il s'agissait de "la meilleure offre".
Le journal Le Monde ajoute que Richard Ferrand "a fait bénéficier de plusieurs contrats des proches, dont son ex-femme et sa compagne". Alors que l'opposition estime que le nouveau ministre doit démissionner, le chef de l'Etat, Emmanuel Macron, appelle le gouvernement à la "solidarité" et la presse à ne "pas devenir juge". Mais le dossier, qui s'alourdit au fil des révélations, plombe quand même Richard Ferrand. Le 1er juin, le procureur de la République de Brest annonce l'ouverture d'une enquête préliminaire. L'association de lutte contre la corruption Anticor adresse de son côté au parquet de Brest une plainte contre X pour abus de confiance.
N'était-elle pas classée ?
Elle l'a été, en octobre 2017. Le parquet de Brest invoque la prescription de l'action publique s'agissant du délit de prise illégale d'intérêts. "Les infractions d'abus de confiance et d'escroquerie" ne sont, elles, "pas constituées, faute d'un préjudice avéré", est-il précisé. Mais le 9 novembre 2017, Anticor porte plainte à Paris pour prise illégale d'intérêts et recel, avec constitution de partie civile. Cette procédure permet de passer outre le refus du parquet d'entamer des poursuites pénales. En janvier 2018, une information judiciaire pour prise illégale d'intérêts est ouverte par le parquet national financier (PNF).
Le juge d'instruction Renaud Van Ruymbeke convoque Richard Ferrand en mars, mais l'audition est annulée, en raison d'un conflit d'intérêt judiciaire. Anticor a en effet envoyé chez le juge son vice-président, lui-même magistrat à Paris, et les avocats de Richard Ferrand estiment que la justice ne peut plus être impartiale. La Cour de cassation partage cet avis, ce qui entraîne le dépaysement du dossier à Lille, où trois juges ont été nommés.
Que risque Richard Ferrand ?
L'affaire lui a déjà coûté son poste de ministre en 2017. Mais pour son entourage, interrogé par l'AFP, c'est "la suite logique de la procédure, avec une audition qui se déroule actuellement à Lille, où le dossier a été dépaysé". Le président de l'Assemblée nationale est entendu en audition libre, une procédure que son immunité parlementaire n'empêche pas.
D'abord président du groupe des députés LREM, Richard Ferrand a pris la succession de François de Rugy à la présidence de l'Assemblée nationale en septembre 2018. Il avait alors averti à demi-mot qu'il ne démissionnerait pas, en cas de mise en examen. "Le Parlement a son indépendance. Par conséquent, les parlementaires n'ont pas à être dans la main de l'autorité judiciaire", avait-il déclaré en soulignant qu'un "certain nombre de parlementaires mis en examen" continuaient à "exercer leur mandat".
Maintenant mis en examen dans cette affaire de prise illégale d'intérêts, Richard Ferrand, qui avait déclaré au début de l'affaire au Parisien qu'il n'était "ni marié ni pacsé" avec Sandrine Doucen, avec laquelle il n'a donc pas de "patrimoine commun", risque jusqu'à trois ans de prison et 200 000 euros d'amende.
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