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Procès Bettencourt : au cœur de l'affaire, Claire Thibout maintient ses accusations

L'ancienne comptable de l'héritière de L'Oréal a été entendue mardi en visioconférence, dans une ambiance très tendue. Francetv info revient sur son rôle dans cette affaire d'Etat.  

Article rédigé par Marie-Adélaïde Scigacz
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Claire Thibout, ancienne comptable de Liliane Bettencourt, devant le tribunal de Bordeaux (Gironde), le 8 juin 2012. (  REUTERS)

"Ce que je vis depuis huit ans, je ne le souhaite à personne. J'ai appris que toutes les vérités ne sont pas bonnes à dire." Lorsqu'elle apparaît à l'écran, interrogée en visioconférence, devant le tribunal correctionnel de Bordeaux (Gironde), Claire Thibout est "à bout." Dans le texte qu'elle lit en direct, mardi 10 février, elle explique avoir "peur, peur que la justice ne reconnaisse pas [sa] bonne foi", relatent les nombreux journalistes sur place, via leurs comptes Twitter.

Pièce maitresse de l'affaire Bettencourt (son nom est cité 114 fois dans la procédure, rappelle Europe 1), l'ancienne comptable de Liliane Bettencourt, de 1995 à 2008, est de nouveau appelée à témoigner devant la justice.

Francetv info revient sur son rôle dans cette affaire d'Etat.  

"La comptable qui fait trembler la République"

En 2010, elle est la femme par qui le scandale arrive. Claire Thibout, qui ne travaille plus depuis deux ans auprès de l'héritière de L'Oréal, affirme qu'Eric Woerth, alors ministre du Budget, a reçu 150 000 euros en liquide de la part de Liliane Bettencourt, en 2007. Selon la comptable, cet argent lui est adressé par l'intermédiaire de Patrice de Maistre, le gestionnaire de la fortune de la femme d'affaires.

Or, en 2007, Eric Woerth est le trésorier de l'UMP, chargé, entre autres, d'assurer le financement de la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy. Un don de 150 000 euros, s'il était avéré, serait illégal. L'affaire Bettencourt, limitée jusqu'alors à la brouille judiciaire entre une mère et sa fille (Françoise Bettencourt-Meyers accuse le photographe François-Marie Banier d'abuser de la fortune de sa mère), se transforme en affaire Woerth-Bettencourt, une affaire d'Etat. Claire Thibout devient "la comptable qui fait trembler la République", titre Paris-Match.

"Banier commandait, De Maistre demandait de l'argent"

Entendue à de nombreuses reprises par le juge Jean-Michel Gentil, Claire Thibout maintient que des liquidités circulaient régulièrement à l'hôtel particulier de sa patronne, à Neuilly-sur-Seine (Hauts-de-Seine). L'ancienne comptable évoque par ailleurs la visite fréquente de personnalités politiques de droite comme Nicolas Sarkozy et son ex-épouse Cécilia, Pierre Messmer, François Léotard, Eric Woerth et Renaud Donnedieu de Vabres.

Sur le lien éventuel entre ces personnalités et la remise présumée de liquidités, Claire Thibout précise : "Je ne dis pas que tous venaient pour ça, mais il est clair que certains venaient aussi pour ça." Et d'ajouter des détails comme l'utilisation de trombones tous les 20 billets de 100 euros et l'inscription sur l'enveloppe de la somme contenue, en euros et en francs.

Des propos qu'elle a de nouveau tenus face au juge, mardi, rapporte sur Twitter une journaliste qui assiste au procès.

Quelques mois avant la présidentielle de 2007, elle martèle que Patrice de Maistre, lui "a dit [qu'une enveloppe de 150 000 euros] était destiné[e] à Eric Woerth". "C'est une pure invention depuis le début (...), a répondu Patrice de Maistre lundi. Je n'ai jamais demandé cet argent à Mme Thibout, Mme Thibout ne me l'a jamais remis". Comme Eric Woerth, l'ancien gestionnaire de la fortune de l'héritière nie en bloc les accusations de l'ancienne comptable. 

Son travail scruté à la loupe 

Claire Thibout est "sérieuse, d’une extrême rigueur, selon ses anciens collègues", relevait Paris-Match en 2010. Ces carnets de caisse, sur lesquels elle mentionne tous les retraits en liquide effectués sur les comptes de la milliardaire, sont étudiés à la loupe par les enquêteurs, qui cherchent à retrouver une trace de cette transaction présumée. 

Dans son témoignage, mais aussi dans ces documents, les avocats de Patrice de Maistre et de François-Marie Banier cherchent les incohérences susceptibles de discréditer Claire Thibout. Les deux hommes, qui "estiment avoir été victimes d’une cabale menée par d’anciens employés de la milliardaire [dont Claire Thibout], accusés d’avoir été instrumentalisés par Françoise Bettencourt-Meyers", ont déposé plainte pour "faux témoignages" contre l'ancienne comptable. Leurs avocats pointent des imprécisions dans les déclarations de cette dernière, mise en examen en décembre 2014. De nouveau entendue par le juge, elle concède des inexactitudes, mais maintient le fond de ses accusations. 

Résultat, les avocats de la défense attaquent son travail dans "une maison où les comptes personnels étaient tenus au crayon à papier par l'ancienne comptable, où les dates d'entrée et de sortie étaient parfois incohérentes et où encore les talons de chèques n'étaient pas forcément remplis...", résume Sud Ouest. Cité par la défense, un expert-comptable judiciaire est venu décrire le "travail peu méthodique de la part de l'ancienne comptable Claire Thibout", poursuit le quotidien. "On a des certitudes sur les mouvements financiers, mais on n'a pas de certitude sur le bénéficiaire de ces mouvements", a-t-il expliqué, interrogé par le procureur Gérard Aldigé, sur un retrait effectué le 18 janvier 2007. 

Une femme éprouvée 

Dans sa déclaration préliminaire lue devant le tribunal, Claire Thibout a fait état de sa "longue descente aux enfers" depuis le début de l'affaire. L'ancienne employée a été entendue par visioconférence pour des raisons de santé. Elle met aussi en avant des pressions psychologiques. "Tout a été fait pour essayer de me discréditer", assure-t-elle, ajoutant, comme l'indique une journaliste de France Inter sur Twitter, avoir glissé du statut de "témoin" à celui de "coupable". 

"Ma cliente a été démolie par cette affaire, affirme son avocat, Antoine Gillot, alors qu'elle est une femme intègre et irréprochable." Pour autant, la défense de François-Marie Banier et d'Eric Woerth n'a pas pris de gants pour mettre l'ex-employée de la milliardaire face à ses contradictions. A bout, celle-ci s'est écriée : "Je crois qu'il faut mettre fin à cette conversation !" Son audition devait reprendre mardi à 15 heures.

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