AAA : "Nous sommes dans l’impasse", selon l’économiste "atterré" Benjamin Coriat
Après la perte du AAA, l'économiste Benjamin Coriat, professeur d'économie à l'Université Paris 13 et coprésident du collectif des "Économistes atterrés" confie son "pessimisme" à Présidentielle 2012, à la suite de la décision de Standard & Poor's.
Comment analysez-vous cette perte du AAA par la France ?
Benjamin Coriat : Au risque de ne pas flatter le cocorico ambiant, il faut rappeler que cette dégradation par Standard & Poor's ne concerne pas que la France mais huit pays. C'est donc la politique de tous ces pays qui est visée. L'agence de notation sanctionne en fait les politiques d'austérité et de restrictions budgétaires voulues par les marchés dont l'agence est la porte-parole. Mais aujourd'hui, les agences disent "ça ne va pas du tout".
Quand on lit le communiqué de S&P, on voit que ce sont les sommetS et les décisions européennes qui sont sanctionnées. Les marchés ont d'abord exigé ces politiques d'austérité et, maintenant, ils s'aperçoivent que ca ne va pas.
Les agences se sont trompées en exigeant des politiques d'austérité. Et ce n'est pas la première fois qu'elles se trompent. On se souvient qu'elles n'avaient jamais vu la chute d'Enron ou, pire encore, celles des subprimes.
Que peut faire la France face à cela ?
Nous avons deux possibilités : soit on continue ce cercle infernal avec davantage d'austérité, davantage de récession… L'autre option, c'est de casser cette spirale en mettant hors jeu les marchés et cela passe par la BCE qui doit racheter de la dette.
Aux Etats-Unis, qui ont vu aussi leur note dégradée en août 2011, les taux n'ont pas bougé parce que la Fed (la banque centrale américaine) intervient pour acheter de la dette américaine.
Un président français devra négocier un renforcement de la coopération européenne, mais pas dans le sens de celui voulu actuellement par l'Allemagne. L'Europe du Nord (l'Allemagne) compresse sa demande intérieure et vit sur l'export tandis que l'autre partie de l'Europe achète les exportations de l'Europe du Nord. Ce système, qui a fonctionné en Allemagne quand elle renflouait l'Allemagne de l'Est, ne peut pas marcher à l'échelle européenne.
Etes-vous optimiste sur la situation ?
A court terme, nous sommes pessimistes. Les orientations de la zone euro nous poussent vers la récession. Nous sommes donc actuellement dans l'impasse.
Benjamin Coriat publie avec les autres membres du collectif des "" un ouvrage intitulé "Changer d'économie, nos propositions pour 2012" (Editions Les Liens Qui Libèrent) dans lequel les "économistes atterrés" (dont, notamment, Philippe Askenazy, Frédéric Boccara, Mireille Bruyère, Christine Erhel ou Frédéric Lordon) étudient de façon concrète les ressorts de la crise actuelle. Originalité du livre, ils ne se contentent pas de faire une analyse critique du système, mais ils se risquent à des propositions concrètes pour les banques, la finance, la dette, la dépense publique... Indispensable pour qui veut suivre la campagne présidentielle.
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