Exposition : « Shoah et bande dessinée » au Mémorial de la Shoah, jusqu'au 7 janvier 2018
La mémoire contemporaine réserve une place particulière à la Shoah, un événement sans précédent dans l’Histoire. Non sans prudence, erreurs et tâtonnements mais aussi génie, la bande dessinée s’est emparée de ce sujet si délicat. Un parcours historique et artistique à découvrir au Mémorial de la Shoah.
Il appartenait logiquement au Mémorial de la Shoah de s’emparer du sujet, de s’interroger sur les tenants et les aboutissants du neuvième art, populaire s’il en est, et ce dans toute sa diversité, des comics à la bande dessinée franco-belge, des romans graphiques aux mangas.
Comment, et depuis quand, les artistes de la bande dessinée se sont-ils saisis de la représentation du sujet ? Comment sont relayés les témoignages ? Jusqu’à quel point de réalisme l’horreur est-elle représentée, autour de quels thèmes, de quels motifs, de quels symboles ? Comment ces représentations évoluent-elles aujourd’hui selon les références politiques, sociales et esthétiques de notre époque, tandis qu’une forme d’antisémitisme persiste ?
Plus de 200 documents originaux sont présentés autour de sept axes.
Premiers témoins, premiers dessins
Les rescapés des camps n’ont pas seulement été les victimes des crimes nazis, ils en sont également les premiers témoins. Les productions ont été conçues à différentes époques et sous diverses formes, mais rares sont celles qui l’ont été au coeur de l’enfer.
Un sujet hors sujet
La Shoah est la grande oubliée de la bande désinnée franco-belge et ce jusqu’aux années 1980. Sa première et seule mention date de 1952. Dans une histoire de L’Oncle Paul, publié dans l’hebdomadaire Spirou, Jean-Michel Charlier et Jean Graton évoquent le destin héroïque et tragique de Raoul Wallenberg, l’un des premiers Justes parmi les nations pour ses actions de sauvetage des Juifs de Hongrie.
La paradoxale impuissance des héros US
Pour des raisons qui tiennent aux différentes politiques de mémoires nationales, la Shoah s’est constituée assez rapidement en tabou. Les super-héros sont tout simplement interdits de Shoah. Même s’ils leur arrivent de pénétrer dans l’univers concentrationnaire, ils ne viendront à libérer aucun centre ou site d’extermination et il est, somme toute, heureux qu’il en soit ainsi.
La révolution Maus
En 1980, sous la forme d’un supplément de la revue d’avant-garde RAW, Art Spiegelman, figure du mouvement Underground américain, publie « Maus » qui convoque pour la première fois le judéocide en bande dessinée. L’accueil est unanime : il reçoit un Prix Pulitzer spécial en 1992 ainsi que de nombreuses récompenses internationales et Art Spiegelman est couronné du Grand Prix d’Angoulême en 2011. « Maus » est l’aboutissement d’une longue et douloureuse quête personnelle menée au travers d’une patiente et prodigieuse recherche artistique.
Le rire grinçant
Le feuilleton de Marvin J. Chomsky, « Holocaust » (1978), a incontestablement marqué son temps, y compris la bande dessinée. Avec des réactions très diverses, notamment satiriques. L’humour est-il compatible avec la compassion, voire le respect, que méritent les victimes ? Le débat reste ouvert. On peut sans doute rire de tout mais pas (avec) n’importe qui et n’importe comment, comme le démontrent ici les planches, truffées d’humour corrosif d’un Georges Wolinski, mort sur l’autel de la liberté d’expression.
Mémoriaux
A partir de 2005, les références à la Shoah, qui jusqu’ici étaient rares, se multiplient grâce aux commémorations de la Seconde Guerre mondiale. Les « Justes », ces hommes de bien qui ont sauvé des Juifs de la persécution sont à leur tour tirés de l’oubli. La tardive mais véritable consécration de la Shoah dans la bande déssinée ne cessera plus d’inspirer de nombreux nouveaux auteurs, offrant des variations de plus en plus subtiles.
Fictions & Compagnie
La représentation de la Shoah se trouvant en quelque sorte libérée, des auteurs vont logiquement s’emparer du sujet, symbole par excellence du mal absolu. La bande dessinée est devenue une source historique en concurrence directe avec les manuels d’histoire. Aucun medium, à l’exception peut-être du cinéma, ne participe autant à la fabrication mémorielle de l’imaginaire historique.
Plus d'informations sur le site de l'exposition
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