Cinéma : « L’insulte », le nouveau film de Ziad Doueiri, au cinéma le 31 janvier
A Beyrouth, de nos jours, une insulte qui dégénère conduit Toni, chrétien libanais, et Yasser, réfugié palestinien, devant les tribunaux. De blessures secrètes en révélations, l'affrontement des avocats porte le Liban au bord de l'explosion sociale mais oblige ces deux hommes à se regarder en face.
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Extrait d’entretien avec Ziad Doueiri
On peut imaginer que le point de départ de « L’insulte » vient d’un constat porté sur la société libanaise…
Non, plus prosaïquement, le point de départ du film est un incident qui m’est arrivé, il y a quelques années, à Beyrouth. J’ai eu une dispute avec un plombier, quelque chose de banal, mais très vite le ton est monté et j’ai eu des mots à son adresse qui sont à peu près ceux du film. L’incident aurait pu être anodin, mais l’inconscient n’est pas anodin : pour qu’on en arrive à ces mots, cela veut dire que l’on a touché à des sentiments intimes, des émotions très personnelles. Joëlle Touma, la coscénariste du film, était présente ce jour-là, elle m’a convaincue de présenter mes excuses. Ces excuses, le plombier ne les a pas acceptées, j’ai fini par aller les présenter chez son patron qui en a profité pour le virer, pour d’autres raisons, et je me suis retrouvé à prendre immédiatement sa défense. J’y ai vu un point de départ intéressant pour élaborer un scénario.
C’est très concret …
Oui, car j’y ai trouvé immédiatement toutes les dynamiques à partir desquelles se construit une histoire. Ce film s’est bâti ainsi, sur un engrenage. Je commence toujours mes films par une tension, un incident, j’essaye d’en voir les enchaînements. Je pars toujours de mes personnages, qui ils sont au début du film et qui ils deviennent une fois le film terminé. Là, en partant de ce conflit, j’avais deux personnages principaux : Toni et Yasser. Tous deux ont des failles, leur passé respectif présente une série d’obstacles internes. Il y a un climat extérieur chargé, électrique : le personnage de Toni, porte en lui un secret, quelque chose qu’il a vécu et dont personne ne veut parler. C’est tabou, et il ressent cela comme une injustice. Yasser lui aussi rencontre des obstacles : il se méfie, par expérience, de la justice.
Trente ans après la fin de la guerre civile, où en sont les différents acteurs de la société libanaise ? Arrivent-ils à dépasser les antagonismes qui furent les leurs durant les quinze ans d’une guerre civile commencée en 1975 et terminée en 1990 ?
La guerre du Liban s’est terminée en 1990 sans vainqueurs ni perdants : tout le monde a été « acquitté ». L’amnistie générale s’est transformée en amnésie générale. On a mis la poussière sous le tapis, comme on dit. Mais sans ce travail de mémoire, on ne cicatrisera pas.
C’est ainsi que vous en êtes arrivé à un « film de procès » ?
Le film de procès permet, sur le plan de la dramaturgie, de mettre deux antagonismes dans une même salle. Tu peux filmer leur confrontation, dans un face-à-face. C’est une sorte de western moderne, rejoué dans un huis clos. C’est ce que j’ai eu envie d’essayer, étant donné que le film décrivait une forme de duel entre Toni et Yasser.
A propos de Ziad Doueiri
Né à Beyrouth le 7 octobre 1963, Ziad Doueiri grandit pendant la guerre civile. Il quitte le Liban à 20 ans pour aller étudier aux Etats-Unis. Il obtient une licence en cinéma à l’Université de San Diego et travaille à Los Angeles comme assistant caméra puis chef opérateur.
En 1998 il écrit et réalise son premier long métrage, « West Beyrouth », mondialement récompensé. Depuis, ses films ont été sélectionnés et primés partout dans le monde : « Lila dit ça », « L’attentat » et « L’insulte ». Il a également réalisé les saisons 1 et 2 de la série « Baron Noir » pour Canal +.
Plus d’informations sur le site de Diaphana
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