Cinéma : « Kings », le nouveau film de Deniz Gamze Ergüven, au cinéma le 11 avril
1992, dans un quartier populaire de Los Angeles, Millie s’occupe de sa famille et d’enfants qu’elle accueille en attendant leur adoption. Le procès Rodney King bat son plein à la télévision. Quand les émeutes éclatent, Millie va tout faire pour protéger sa famille.
Extrait d’entretien avec Deniz Gamze Ergüven, réalisatrice de « Kings » et « Mustang »
Comment est née l’idée de « Kings » ?
Tout a commencé pour moi avec les émeutes de 2005 en France. J’ai été interpellée par ce qui était en train de se passer. Et j’avais le sentiment de comprendre, du moins de reconnaître ce qui se matérialisait à travers ces émeutes. Je ressentais un malaise très fort à l’époque en France. Je suis arrivée à Paris à l’âge de six mois, j’y ai vécu presque toute ma vie. Or je n’étais toujours pas française, on venait de me refuser pour la deuxième fois la nationalité. Et je ne savais pas si j’allais pouvoir rester en France. Je devais aller fréquemment à la Préfecture, j’avais peur à chaque fois que je passais le contrôle des passeports à la frontière. Je ressentais ainsi un sentiment étrange de fragilité dans ma relation au pays que je considérais comme le mien.
Dans ces émeutes, je pouvais reconnaître quelque chose que je ne connaissais que trop bien. Ce sentiment d’être rejeté par un pays qu’on aime profondément, même si ce qui se passait alors, courses poursuites, affrontements avec la police, ce n’était pas comme cela que je manifesterais mes émotions. Un an plus tard, j’ai rencontré cette femme qui m’a parlé des émeutes de Los Angeles. J’avais toujours en tête ces images surgies de mon adolescence, Rodney King, Reginald Denny. Bien que les émeutes de 1992 à LA se soient passées à une échelle radicalement différente, elles sont le même symptôme d’une détresse émotionnelle arrivée à un niveau extrême.
Et donc tu es partie pour Los Angeles afin d’enquêter sur les émeutes ?
J’ai d’abord entamé des recherches à Paris, en épluchant tous les livres et les archives auxquels je pouvais avoir accès. J’ai eu assez vite l’intuition du film que j’avais envie de faire. À la première occasion d’aller à Los Angeles je suis partie un mois, fin août 2006. Je n’y avais jusque-là jamais mis les pieds. J’ai parcouru South Central, et les quartiers qui avaient été le ground zero des émeutes. J’ai continué aussi à parcourir toutes les archives auxquelles je pouvais avoir accès, de radio, de presse, de télévision... J’avais dans un premier temps besoin de m’approprier ces événements comme des faits d’Histoire, puis de tout oublier pour faire un film. Chaque pas, chaque échange durant ce premier voyage ont confirmés l’intuition initiale. Et cela a été trois ans où j’allais à Los Angeles le plus souvent possible. J’ai passé beaucoup de temps au sein des différentes communautés impliquées d’une manière ou d’une autre dans ces émeutes. Je partageais le quotidien d’officiers de police, de membres de gangs, d’habitants de South Central. J’avais besoin de comprendre le regard de chacun, les différentes manières de penser. Il s’agissait de comprendre des dynamiques qui m’étaient étrangères.
Comment as-tu imaginé les personnages du film ?
Ils sont tous inspirés de personnes réelles. À commencer par la rencontre décisive avec la « vraie Millie », devenue le personnage central du film. J’étais en route vers une église. Je m’étais perdue et j’ai demandé mon chemin à cette femme. Elle m’a dit « viens plutôt dans mon église ! ». Je l’ai suivie, et une amitié est née. Millie est une espèce de totem, cette foster mum qui prend en charge les enfants d’absolument tout le monde.
Pourquoi ce titre ?
« Kings » ... « King » je n’ai pas besoin de le dire, est un nom chargé d’histoires. Mais ce titre dit aussi le regard de Millie sur ses garçons, les personnages principaux, William et Jesse. Aussi, en termes de dramaturgie, Jesse est pour moi le héros tragique au sens classique du terme. C’est un affrontement de rois.
Plus d’informations sur le site d’Ad Vitam
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.