Venezuela : la colère contre Maduro fait couler le sang à Caracas
Trois nouveaux décès s'ajoutent à ceux répertoriés depuis le début des manifestations il y a un mois. L'opposition réclame le départ du président Maduro alors que ce dernier dénonce un complot fomenté par les Etats-Unis.
Etudiants et forces de l'ordre se sont affrontées mercredi dans le centre de Caracas dont l'accès avait été interdit par le gouvernement, un mois après le début de la contestation dans la capitale, alors que trois nouveaux décès étaient signalés dans le nord du Venezuela.
Des manifestations contre la violence policière se sont également déroulées dans plusieurs villes de province, notamment à Valencia (nord), où trois décès portent le bilan des troubles à 24 morts dans tout le pays depuis le 4 février.
A Caracas, des affrontements ont eu lieu quand un cortège d'environ 3.000 étudiants a tenté de rallier le centre-ville, où se déroulait une manifestation de partisans du pouvoir, mais s'est vu empêcher d'avancer par des barrages de la police anti-émeute, a constaté une journaliste de l'AFP.
Quelques dizaines de protestataires ont alors lancé pierres et cocktails Molotov sur les forces de l'ordre, qui ont répliqué avec des tirs de gaz lacrymogènes et des canons à eaux, provoquant la fuite de la majorité des manifestants vers le campus de l'Université centrale du Venezuela (UCV), à proximité.
A Valencia, Francisco Ameliach, gouverneur de l'Etat de Carabobo et proche du pouvoir, a évoqué "des francs-tireurs (ayant) ouvert le feu sur leurs propres troupes qui érigeaient une barricade", incident au cours duquel seraient morts un étudiant de 20 ans, ainsi qu'un homme de 42 ans, selon le maire de la ville, l'opposant Miguel Cocchiola.
La presse locale affirme que la plus jeune victime a été atteinte d'une balle dans la tête alors qu'elle se trouvait à proximité de chez elle, où se déroulait une manifestation. Mais ses proches soutiennent que le jeune homme "ne participait pas aux protestations".
Ensuite, via Twitter, M. Ameliach a évoqué la mort par balle d'un policier de la Garde nationale, dans le quartier de Naguanagua.
"Nous sommes fatigués qu'ils ne nous laissent pas manifester où nous le souhaitons. Aujourd'hui, nous voulions aller au siège de la Défenseure du peuple (organisme chargé de faire respecter les droits des citoyens face à l'Etat, NDLR) et ils nous en ont empêchés alors qu'aux +chavistes+, ils permettent tout", s'est plaint à l'AFP Juan Gonzalez, un étudiant de 20 ans de l'UCV.
"Cela fait un mois que nous sommes dans la rue et nous continuons d'exiger la libération immédiate des compagnons arrêtés, qu'on donne une réponse aux cas de torture, que soient sanctionnés les responsables des meurtres commis au cours de ce mois", a déclaré à l'AFP Hilda Ruiz, l'un des dirigeants étudiants, de l'Université centrale de Caracas.
La grogne a débuté après la tentative de viol d'une étudiante sur le campus de San Cristobal. Visant d'abord l'insécurité, les revendications se sont ensuite étendues à l'inflation (56% en 2013), aux pénuries de biens de consommation courante et aux dénonciations d'abus policiers.
Plus d'une dizaines de membres des forces de l'ordre sont actuellement sous les verrous, accusés pour certains de la mort de manifestants.
Le président a annoncé mardi qu'il interdirait dorénavant toutes les marches de l'opposition dans le centre de la capitale, à majorité "chaviste" tant que les militants radicaux continueraient à monter des barricades dans l'est (opposant) de Caracas et tant que l'opposition "refusera de dialoguer".
Illustrant la préoccupation de la communauté internationale, les ministres des Affaires étrangères des 12 pays de l'Union sud-américaine (Unasur), réunis mercredi à Santiago du Chili, ont décidé de créer une commission visant à encourager le dialogue au Venezuela.
Dans le même temps, le secrétaire d'Etat américain John Kerry a assuré devant le Congrès que les Etats-Unis étaient "prêts, si nécessaire, à invoquer la Charte démocratique interaméricaine de l'Organisation des Etats américain et activer sérieusement (...) des sanctions", mais a dit espérer que "la pression sociale, de la région et des voisins, puissent avoir un meilleur impact".
Première cible de la grogne, le président Maduro, élu de justesse en avril dernier, n'a de cesse de dénoncer une "tentative de coup d'Etat" fomentée avec l'aide des Etats-Unis.
Selon des analystes, cette longue période de contestation est toutefois loin de conduire à la chute du gouvernement Maduro. Mais "les mobilisations sont parvenues à nuire à l'image du gouvernement, elles l'ont exposée à l'opinion publique nationale et internationale", selon le politologue John Magdaleno, interrogé par l'AFP.
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