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USA : un rapport dénonce un usage excessif des drones

Il y a un an, le président Obama promettait un code de déontologie et une plus grande transparence sur l’usage des drones militaires. Un rapport indépendant rendu public récemment apporte la première pierre à l’édifice. S’il ne remet pas en cause l’usage des drones, il demande un encadrement plus strict.
Article rédigé par Jacques Deveaux
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 5min
En 2012, les USA ont tiré 506 missiles depuis ces drones sur l'Afghanistan. (AFP)

C’est un groupe de travail de dix personnes qui a élaboré ce rapport publié par un think tank de Washington, le Stimson Center. Un groupe d’éminents spécialistes, où l’on trouve des militaires, des anciens députés contrôleurs de la CIA ou du FBI, associé à tout un staff de spécialistes des questions de défense.

Le rapport ne remet pas en cause la légitimité de l’usage de drones, en particulier dans la lutte contre le terrorisme. En revanche, il réclame plus de vigilance, de transparence dans l’usage de ces armes technologiques et au final plus de retenue.
 
Le catalogue des critiques
Le rapport se fait d’abord l’écho des critiques entendues sur l’usage des drones. Elles proviennent des nations touchées mais aussi de l’intérieur des Etats-Unis.

Que disent-t-elles? Le drone écorne la notion de souveraineté nationale puisque les survols des pays se font souvent sans autorisation. Des vols incessants qui conduisent à un sentiment d’instabilité permanente et d’un conflit sans fin.
La critique la plus véhémente repose sur les victimes colatérales des attaques de drones. Ainsi, au Pakistan, elles ont provoqué la mort de 200 enfants, selon des ONG.
 
«Mentalité de PlayStation»
Les condamnations sont aussi vives sur un plan plus éthique. On parle désormais de «meurtre à la télécommande». Le rapporteur spécial des Nations Unies, Philipp Alston, condamne «la mentalité de PlayStation». De jeunes soldats élevés aux jeux vidéo tuent désormais en utilisant un joystick, très éloignés physiquement des conséquences de leur geste. Comment cette génération peut-elle mesurer le poids de la vie ?
 
Une pente glissante
Les rapporteurs encouragent les autorités à ne pas tomber dans un usage routinier des drones.
Car leur usage de plus en plus important constitue une «pente glissante» vers l’entrée dans une guerre perpétuelle, encouragée par de faibles risques et de supposés faibles coûts. Au point que ces opérations ne seraient même pas envisagées avec un armement classique. Un abus qui génère un risque certain d’escalade.

Il convient aussi de ne pas mettre ses œufs dans un même panier. Pour les rapporteurs, il existe aussi d’autres outils pour lutter contre le terrorisme, en attaquant ses réseaux financiers et ses communications, par exemple.
 

La culture du secret
Le rapport est très critique envers la culture du secret qui continue d’entourer les opérations des drones. Si les rapporteurs veulent bien admettre que les choix des cibles sont effectués  en toute bonne foi et avec discernement, ils s’inquiètent du manque de transparence continuel sur l’identité des cibles éliminées.

Autre problématique, les parlementaires se demandent si ces attaques ne fabriquent pas plus de terroristes qu’elles n’en tuent. Car les dégâts collatéraux, bien que sans commune mesure avec les destructions des bombardements classiques, provoquent un sentiment anti-américain, y compris dans des pays qui ne sont pas concernés.
 
Les préconisations
La conclusion du rapport est sans appel : «Il n’y a aucun élément qui permet de dire que la stratégie de détruire al-Qaïda a freiné le développement de l’extrémisme islamiste, dissuadé la création de groupe ou assuré la sécurité des Etats-Unis sur le long terme.»

Les rapporteurs préconisent la création d’une commission indépendante qui examinerait la politique globale en matière de frappes par drones et évaluerait les frappes. Dans tous les cas de figure, ils réclament une transparence absolue des actions. Et si le secret est nécessaire au bon déroulement d’une mission, il doit être levé dès son achèvement.
L’armée doit être seule à posséder des moyens létaux. La CIA doit remettre ses drones aux militaires. 

Et maintenant ?
Que va faire l'administration Obama après la publication de ce rapport ? Le New York Times rapporte les propos de Caitlin Hayden, une porte-parole de la Maison Blanche : «L'administration étudie les moyens de fournir plus d'informations sur les opérations de contre-terrorisme...», ajoutant aussi que «l'administration veut également conserver la possibilité de mener de telles opérations».

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