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Qui est le "tueur du Golden State" qui a terrifié l'Amérique à la fin des seventies ?

Plus de quarante ans après les faits, la police a arrêté un homme de 72 ans. Il est accusé d'avoir commis une cinquantaine de viols et une douzaine de meurtres en Californie entre 1976 et 1986. Une affaire digne d'un roman policier.

Article rédigé par Louis Boy
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7 min
Les enquêteurs installent une photo de Joseph James DeAngelo, suspecté d'être le "tueur du Golden State" et arrêté, lors d'une conférence de presse le 25 avril 2018. (JUSTIN SULLIVAN / AFP)

Une de ses caractéristiques était la surprise qu'il inspirait chez ses victimes. Mais mercredi 25 avril, c'est Joseph James DeAngelo qui a été "très surpris", a expliqué le shérif de Sacramento (Californie). Cet ancien policier de 72 ans, cueilli par la police à la sortie de chez lui, est suspecté d'être le "tueur du Golden State", qui a terrorisé cette région de Californie entre 1976 et 1986.

La police lui attribue au moins 50 viols et le meurtre d'au moins 12 personnes. Et la quête de son identité passionnait l'Amérique, surtout depuis la sortie, en février, d'un livre sur ce que son auteure Michelle McNamara appelait "le plus froid des cold cases", ces affaires criminelles restées irrésolues pendant des années, voire des décennies. Franceinfo dresse le portrait de ce criminel insaisissable, finalement rattrapé par son ADN.

Il a commis au moins 50 viols et 12 meurtres

Pendant longtemps, la police n'a pas fait le lien entre les différents crimes qui lui sont aujourd'hui attribués. Ainsi, la police a annoncé mercredi qu'elle chercherait à déterminer si le suspect était aussi le "saccageur de Visalia", auteur d'une série de cambriolages et de viols ainsi que d'un meurtre entre 1974 et 1975. Mais les crimes connus du "tueur du Golden State" commencent en 1976 à Rancho Cordova et Citrus Heights, deux villes de la banlieue de Sacramento, puis se poursuivent dans d'autres villes du nord de la Californie. A l'époque, le criminel est appelé le "violeur de East Area". Il est alors soupçonné d'avoir commis des dizaines de viols, au domicile de ses victimes, et un premier meurtre, d'un couple qui promenait son chien, en 1978.

En 1979, le "violeur de East Area" disparaît dans la nature, mais une nouvelle série de crimes débute dans le sud de la Californie, autour de Los Angeles, alors attribuées à un certain "Night Stalker" ("l'homme qui suit dans la nuit", en quelque sorte). Après une première attaque ratée, ses faits connus sont tous des meurtres de femmes seules ou de couples, précédés de viols. Neuf morts lui sont attribuées entre 1979 et 1981. Il resurgira en 1986 pour un dernier meurtre. Mercredi, Joseph James DeAngelo a été inculpé de huit de ces douze meurtres.

Il avait un mode opératoire glaçant

Un point commun lie l'essentiel des crimes du tueur : ils étaient commis au domicile de ses victimes. Joseph James DeAngelo entrait par effraction en pleine nuit, le visage couvert d'un masque de ski, et les réveillait en pointant une lampe de poche sur leur visage pour les aveugler. Avant de les attacher, les bâillonner, leur bander les yeux et, dans le cas des femmes, de les violer. Les faits pouvaient s'étirer pendant des heures, au point que certaines victimes croyaient leur bourreau parti avant de découvrir qu'il était en train de piller leur maison. Il avait pour habitude de voler des petits objets, à la valeur surtout symbolique, comme des bijoux ou des pièces d'identité.

Ses attaques étaient méticuleusement préparées, car il s'introduisait souvent au domicile de ses victimes en leur absence pour repérer les lieux. "Il désactivait la lumière sur le porche et déverrouillait les fenêtres. Il retirait les balles des armes à feu. Il cachait des lacets ou des cordes sous les coussins", écrit Michelle McNamara dans I'll Be Gone in the DarkCertaines de ses victimes avaient reçu des coups de fil du tueur. Parfois, il prétendait s'être trompé de numéro, pour mieux connaître les heures où elles étaient chez elles. D'autres fois, il susurrait des menaces de mort. "Je vais te tuer. Salope", a-t-il par exemple dit à une jeune femme en 1978, dans un appel dont Los Angeles Magazine a publié le terrifiant enregistrement. Dans au moins un cas, les coups de fil ont continué après l'attaque.

Il a travaillé dans la police

Joseph James DeAngelo, 72 ans, a été arrêté mercredi devant sa maison de Citrus Heights, près de Sacramento. Son nom n'était jamais remonté dans l'enquête avant que l'ADN n'aide à le confondre, a reconnu la procureure. Mais le "tueur du Golden State" avait commis six de ses premières attaques dans cette même ville, entre 1976 et 1977. Et certains points de sa biographie correspondent au profil recherché. La police suspectait que sa maîtrise de nœuds très complexes avec lesquels il attachait ses victimes venait d'une expérience de l'armée ; Joseph James DeAngelo a servi dans la marine durant la guerre du Vietnam. Entre les photos de lui dans sa jeunesse et les différents portraits robot réalisés par la police, la ressemblance est parlante.

En 1973, le suspect s'engage dans la police à Exeter, dans le sud de la Californie, non loin de Visalia, où ont été commis une première série de viols et un meurtre sur lesquels les enquêteurs devront se pencher. Il est affecté à un commissariat proche de Sacramento en 1976, l'année où débutent les viols attribués au "tueur de Golden State". Ceux-ci se poursuivent dans la région jusqu'en 1979. Cette même année, Joseph James DeAngelo est viré de la police : il a été pris tentant de voler un marteau et un produit répulsif contre les chiens dans un magasin.

Son peu d'empressement à contester son licenciement laissent penser à certains spécialistes de l'affaire qu'il a pu craindre que la police s'intéresse plus en profondeur aux raisons pour lesquelles il avait besoin de ces produits. Il déménage ensuite dans le sud de la Californie, où ont eu lieu l'essentiel des meurtres du tueur. Durant la période de cinq ans qui sépare le dernier crime du "tueur du Golden State" des autres, Joseph James DeAngelo semble avoir eu un enfant, selon le site Vox. A la retraite, il était retourné vivre depuis trente ans à Citrus Heights.

Il a été identifié grâce à son ADN

Qui est responsable de la résolution de cette enquête sans issue depuis plus de 40 ans ? La question est devenue un sujet de débat après l'arrestation d'un suspect. En effet, l'intérêt pour le "tueur du Golden State" avait été relancé par la parution, en février, de I'll Be Gone in the Dark, une enquête de Michelle McNamara devenue un best-seller. Auteure d'un blog sur les affaires policières, elle s'était lancée dans une longue enquête sur cette affaire un peu oubliée.

C'est elle qui a popularisé le nom de "tueur du Golden State", faisant plus clairement le lien entre plusieurs séries de crimes qui avaient un temps été attribuées à des auteurs différents. Elle n'a pas eu la satisfaction de voir l'enquête arriver à son terme : Michelle McNamara est morte dans son sommeil en avril 2016, à 46 ans. Selon son mari Patton Oswalt, comédien célèbre aux Etats-Unis, son enquête lui avait causé beaucoup d'anxiété : "La cause de sa mort était multiple. Mais ça a clairement ouvert la porte aux autres causes", expliquait-il au New York Times.

Le livre "a aidé" à l'avancée de l'enquête, a encore estimé son époux sur Twitter, mercredi soir. Mais ce n'est pas l'avis de la police. Mercredi, celle-ci a expliqué que l'auteure avait relancé l'intérêt du public pour cette affaire, mais qu'elle n'avait pas permis de dégager de nouvelles pistes. "La réponse est, et était forcément, dans l'ADN", a expliqué la procureure.

Joseph James DeAngelo n'a été identifié qu'il y a quelques jours, dans un laboratoire de Sacramento, a-t-elle expliqué, sans donner plus de détails sur la façon dont l'ADN avait permis de faire le lien avec lui. "Un jour prochain, tu entendras une voiture s'arrêter devant chez toi, un moteur s'arrêter. Tu entendras des pas se diriger vers ta porte, prédisait Michelle McNamara dans son livre. C'est comme cela que ça se finit pour toi." Un scénario devenu réalité mercredi.

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