Protectionnisme : quand les USA donnent l’exemple
Même si les Etats-Unis restent la première destination mondiale pour les investissements étrangers, les Américains se sont donnés les moyens de dire non aux capitaux qui ne leur plaisent pas. En septembre 2012, Barack Obama a ainsi bloqué l'achat par des entreprises chinoises de fermes éoliennes de l'Oregon, dans le nord-ouest du pays, au motif qu'elles étaient situées près d'une base militaire américaine... «Sa décision est unilatérale, n'est pas soumise à un appel et n'a pas à être justifiée», précise Samuel Thompson, auteur de l'ouvrage Fusions, acquisitions et offres amicales (Fusion, Acquisition and Tender Offers). Sans aller jusqu'au couperet présidentiel, qui n'avait plus été utilisé depuis 1990, les pressions politiques peuvent également influer sur le processus, notamment quand l'offre vient de pays en délicatesse avec les Etats-Unis (Chine, Russie...).
Le simple fait qu'une OPA soit examinée par les autorités américaines peut par ailleurs faire retomber la fièvre acheteuse des entreprises étrangères, relève le Bureau de recherche du Congrès dans un rapport publié en mars. Depuis 1990, «près de la moitié» des OPA étrangères soumises à une enquête approfondie des autorités ont ainsi été abandonnées par les acquéreurs sans même attendre un verdict, note cette agence fédérale, estimant qu'une société ne souhaite en aucun cas être associée à une «atteinte à la sécurité nationale des Etats-Unis».
En 2008, le fonds d'investissement Bain Capital, allié au groupe chinois Huawei, avait retiré sa proposition de racheter le groupe américain de haute technologie 3Com, en anticipant les réserves du Comité sur l'investissement étranger aux Etats-Unis. En 2012, le Congrès américain avait pour sa part estimé que «les deux géants chinois des télécoms Huawei et ZTE menacent la sécurité américaine et doivent être empêchés de conclure des contrats et acquisitions aux Etats-Unis», rappelait L'Expansion.
«Acheter américain»
«Beaucoup d'entreprises étrangères sont surprises par le nombre de mesures anti-rachat qui s'offrent aux entreprises américaines», résume James Hanks, avocat spécialisé de la firme Venable à Baltimore. il faut dire que l'arsenal législatif, construit depuis longtemps, est riche.
Le Buy American Act (en français «Achetez américain») est une loi fédérale américaine entrée en vigueur en 1933 dans le cadre de la politique de New Deal de Franklin Roosevelt, pendant la Grande Dépression. Il s'agit d'une «loi sur la préférence nationale» s'appliquant aux marchés de l'Administration fédérale américaine non couverts par un accord commercial international. Cette loi a été complétée en 1982 par les dispositions Buy America qui s'appliquent uniquement aux subventions émises par l’administration fédérale du transport en commun, des aéroports ou des autoroutes. Elles concernent les achats afférents aux transports.
«Le leadership technologique américain»
D'autres lois «autorisent notamment le gouvernement américain à s'opposer à une transaction qui aurait un effet sur le "leadership technologique américain dans des domaines affectant la sécurité nationale". Une définition suffisamment vague pour permettre une interprétation élargie de la loi, rendant un peu plus poreuse la frontière entre patriotisme et protectionnisme économiques», notait Le Figaro, reprenant un rapport du Sénat.
Si les entreprises des pays proches des Etats-Unis peuvent bénéficier d'une ouverture des marchés plus importante que celles d'autres Etats, les USA peuvent aussi défendre fermement certains marchés, notamment quand ils sont liés à la Défense. La France et EADS en avaient fait l'expérience quand Washington avait rejeté un appel d'offres sur le renouvellement de sa flotte d'avions ravitailleurs en 2010. «J’ai toujours été un partisan d’une Europe forte dans une alliance atlantique, mais c’est quelque chose qui marche dans les deux sens… La vérité est que nous sommes ouverts, et que certains sont totalement fermés, et ça n’est pas normal. Là, on a dépassé les bornes !» Cette colère était celle de Pierre Lellouche, secrétaire d’Etat aux Affaires européennes du gouvernement Fillon, lors de l'échec de l'appel d'offres. Un discours toujours valable aujourd'hui.
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