Et si les politiques français tweetaient comme Donald Trump ?
Son entrée en campagne n'a pas empêché Donald Trump de publier des tweets injurieux et diffamants, sans que cela ne lui cause des ennuis judiciaires. Serait-ce possible en France ?
"Bidon", "arnaque", "corrompu", "incompétent", "insignifiant", "idiot", "mauvais", "menteur", "tricheur", "pourri"... Au cours de la campagne pour la présidentielle américaine, Donald Trump a étalé sur Twitter son langage fleuri. Depuis l'annonce de sa candidature en juin 2015, il a insulté via le réseau social pas moins de 281 personnes : Hillary Clinton, bien sûr, mais aussi des candidats à la primaire républicaine, des adversaires politiques, des célébrités ou des journalistes. Des centaines et des centaines d'insultes et d'attaques ad hominem compilées par le New York Times, et traduites par franceinfo, vendredi 28 octobre. Sans que cela ne lui cause pour le moment le moindre ennui judiciaire.
De l'autre côté de l'Atlantique, la liberté d'expression est sacrée. Elle est régie par le premier amendement de la Constitution américaine. "C'est l'un des droits fondamentaux. Les juridictions ont beaucoup de réserve à l'idée de porter atteinte ou d'encadrer cette liberté", explique Valère Ndior, maître de conférences à l'université Toulouse-1 et directeur de l'ouvrage Droit et réseaux sociaux (éd. Lextenso, 2016). Si les propos ne versent pas très clairement dans l'antisémitisme, le racisme, l'homophobie, ou ne constituent pas un appel explicite à la violence, "il est difficile d'envisager une action", résume le juriste.
Mais en France, que se passerait-il si les candidats à l'élection présidentielle se mettaient à tweeter comme Donald Trump ? Pourraient-il s'en prendre à leurs adversaires avec autant de virulence ?
"Des actions en justice ne seraient pas à écarter"
"Il faut reconnaître qu'en France, les hommes politiques font quand même preuve de plus de réserve sur les réseaux sociaux qu'un Donald Trump, euphémise Valère Ndior. D'ailleurs, généralement, ils s'empressent de supprimer leurs publications dès lors qu'ils s'aperçoivent qu'elles ont tendance à frôler l'injure." De fait, si l'un des candidats à l'élection présidentielle se muait en "Donald Trump à la française", "des actions en justice ne seraient pas à écarter", assure le juriste.
Dans le droit français, les comptes Twitter, comme les pages Facebook des politiques, sont considérés comme des espaces publics. "Les réseaux sociaux et internet sont en grande partie réglementés par la loi de 2004 pour la confiance en l'économie numérique : on applique sur les réseaux sociaux les règles relatives à la presse", précise Valère Ndior.
Et en vertu de la loi du 29 juillet 1881, lorsqu'il traite un adversaire de "corrompu", de "menteur" ou clame que "sa place est en prison", Trump use de propos qui "pourraient tout à fait être sanctionnés". Car aux yeux du droit français, nombre de tweets du candidat républicain peuvent être considérés comme "outrageants" et "méprisants". "D'autre part, on frôle la diffamation quand Donald Trump semble porter atteinte à l'honneur et à la considération de la personne mentionnée", relève Valère Ndior. En France, un candidat risquerait alors jusqu'à 45 000 euros d'amende.
L'agressivité très mal perçue
Surtout, le personnel politique français sait qu'en campagne, "recourir publiquement à l'insulte est contre-productif", poursuit Christian Delporte, professeur d’histoire contemporaine à l'université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines, spécialiste des médias et de la communication politique. Qui relève une exception : les extrêmes, "où l'on trouve un noyau très idéologisé, avec des partisans très fidèles à leurs leaders".
Dans notre pays, "l'insulte, comme l'agressivité sont très mal perçues", reprend Christian Delporte. Ce qui explique que, s'il arrive que certains s'insultent "dans le feu de l'action, dans la passion des débats, et notamment à l'Assemblée nationale", ils ne le font quasiment jamais sur Twitter, où les messages sont "l'expression d'une réaction à froid". "Les politiques peuvent être en colère, mais pas agressifs", résume Christian Delporte. Pour une raison très rationnelle : "L'agressivité est toujours perçue comme une perte de sang-froid."
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