Quatre questions sur le procureur spécial nommé pour enquêter sur les liens entre l'équipe Trump et la Russie
Affaiblie par les polémiques, l'administration Trump a dû nommer un procureur spécial indépendant pour enquêter sur une éventuelle collusion entre des proches du président des Etats-Unis et le pouvoir russe lors de la campagne présidentielle.
Il y a deux jours, le porte-parole de la Maison Blanche ne voulait pas en entendre parler. "Franchement, il n'y a pas besoin d'un procureur spécial", estimait Sean Spicer. Mais les révélations à répétition de la presse américaine auront eu raison des réticences du gouvernement : le ministère de la Justice a nommé, mercredi 17 mai, un procureur spécial, Robert Mueller, pour enquêter sur une éventuelle collusion entre des proches de Donald Trump et la Russie. Une nomination réclamée depuis plusieurs semaines par l'opposition.
Franceinfo fait le point sur ce nouveau rebondissement dans cette affaire qui menace le président américain.
Qu'est-ce qu'un procureur spécial et à quoi sert-il ?
Aux Etats-Unis comme en France, les procureurs travaillent sous le contrôle du ministère de la Justice. Comme l'explique le New York Times (article en anglais), "dans les cas où il y a des soupçons sur des officiels de haut rang, le ministre de la Justice peut nommer un procureur spécial pour mener l'enquête avec une plus grande autonomie" par rapport à l'exécutif. Dans ce cas précis, la lettre de mission de Robert Mueller l'autorise à reprendre l'enquête du FBI sur les liens russes de la campagne Trump, mais également à mener des investigations sur "tout ce qui pourrait être révélé par l'enquête", comme par exemple les soupçons d'obstruction de justice contre Donald Trump.
S'il a donc les coudées franches, ce procureur spécial n'est cependant pas entièrement indépendant. Il n'est pas supervisé "au jour le jour" mais doit rendre des comptes à chaque avancée significative. Et le ministre de la Justice peut décider de le remercier pour "faute grave". En résumé, cette nomination vise à isoler les investigations du pouvoir politique en réduisant au minimum la supervision de ce ministère, qui exerce la tutelle du FBI et donc sur les agents qui enquêtent depuis l'été dans cette affaire mêlant politique et espionnage.
Qui a été nommé ?
Directeur du FBI de 2001 à 2013 et procureur fédéral, Robert Mueller est une personnalité respectée à Washington. Dans un consensus rare, élus républicains et démocrates ont applaudi sa nomination. "Bob était un bon procureur fédéral, un grand directeur du FBI et on ne pourrait pas trouver de meilleure personne pour assumer cette fonction", a déclaré la sénatrice démocrate Dianne Feinstein. "Mueller est un superbe choix. Un CV impeccable. Il sera largement accepté", a tweeté l'élu républicain Jason Chaffetz. "Un choix excellent", a abondé la sénatrice républicaine Susan Collins. Robert Mueller est aussi un proche de l'ancien directeur du FBI James Comey, limogé par Donald Trump il y a quelques jours, indique le New York Times (article en anglais).
Comment Donald Trump a-t-il réagi ?
Le président américain, qui se plaignait encore le matin d'être maltraité par les médias, a réagi sèchement dans un communiqué, sans mentionner Robert Mueller. "Comme je l'ai dit à de nombreuses reprises, une enquête complète confirmera ce que nous savons déjà : il n'y a eu aucune collusion entre mon équipe de campagne et une entité étrangère", a-t-il déclaré, ajoutant : "Je suis impatient que cette affaire se conclue rapidement." La nomination représente un revers et une surprise pour la Maison Blanche, pour qui l'enquête actuelle se suffisait à elle-même.
Le lendemain, Donald Trump a sorti l'artillerie lourde, en dénonçant "la plus grande chasse aux sorcières d'un homme politique dans l'histoire américaine". "Malgré tous les actes illégaux de la campagne Clinton et de l'administration Obama, il n'y a pas eu de procureur spécial nommé", s'est-il agacé.
This is the single greatest witch hunt of a politician in American history!
— Donald J. Trump (@realDonaldTrump) 18 mai 2017
Quels sont les précédents ?
La nomination d'un procureur spécial est associée aux plus grands scandales de l'histoire politique américaine. C'est l'un d'entre eux, Kenneth Starr, qui avait failli faire tomber le président Bill Clinton dans l'affaire Whitewater, devenue affaire Monica Lewinsky, dans les années 1990. En 1973, Archibald Cox avait enquêté sur l'espionnage du Parti démocrate à Washington, le fameux scandale du Watergate. Son limogeage par Richard Nixon est une bonne illustration du poids politique d'un procureur spécial : il avait fini par coûter son poste au président des Etats-Unis.
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