Présidentielle aux Etats-Unis : la campagne a-t-elle basculé ?
Comment Hillary Clinton peut-elle rebondir après ses ennuis de santé ? Ses seules déclarations suffiront-elles à calmer la presse ainsi que son rival, Donald Trump ? Jérôme Batout, spécialiste de la communication de crise chez Publicis, décrypte une campagne où "tout fonctionne à la disqualification".
Depuis le malaise d'Hillary Clinton à New York le week-end dernier, la santé de la candidate démocrate à la présidentielle américaine est devenue un élément de campagne. Est-ce grave pour la suite de la course à la Maison Blanche ? Jérôme Batout, directeur chez Publicis et spécialiste de la communication de crise, invité de franceinfo ce mardi, donne des indications à partir des spécificités de la politique américaine.
franceinfo : que diriez-vous à Hillary Clinton si elle était devant vous ?
Jérôme Batout : Le rôle d’un conseiller en communication est parfois d’aider le leader à faire des choses qu’il n'a pas l'habitude de faire. Hillary Clinton souffre déjà dans l’opinion d‘une réputation de secret. Elle évoque une certaine méfiance auprès du public. Dans le cas d’une maladie aussi spécifique, dont le nom ne peut arriver dans l’espace public de façon anodine, elle a utilisé ses réflexes habituels, en essayant dans un premier temps de dissimuler. Le rôle c’est d’aider la personne à changer.
Hillary Clinton s’est exprimée sur CNN, a-t-elle bien fait ?
C’est ainsi que fonctionne la politique américaine. Il faut réussir à faire un aveu, sans pour autant faire un aveu qui soit mortel. De ce point de vue, cette scène est la réplique exacte d’une scène fameuse dans la carrière politique de son mari, [Bill Clinton]. Sommé de dire s’il avait déjà fumé du cannabis, il avait répondu : "J’en ai déjà fumé, mais je ne l’ai pas inhalé'. Elle, elle a vacillé, mais elle ne s’est pas évanouie.
Ce n’est pas un truc de famille. C’est ainsi que fonctionne la dynamique des primaires et plus globalement des élections présidentielles américaines. Elle fonctionne à la disqualification.
Comment recadre-t-on le message ?
C’est la semaine où Michelle Obama va entrer en campagne. En tant que Première dame des Etats-Unis, elle apporte exactement les qualités qui manquent à Hillary Clinton. C’est une femme en qui tout le monde a énormément confiance et qui inspire ce sentiment. La deuxième chose, c’est que l'équipe de la candidate va être obligée de lâcher des informations beaucoup plus précises sur sa santé.
Ce qui est frappant, c’est que cette élection [présidentielle] se déroule dans un contexte où la course à la transparence est de plus en plus forte dans le grand public. Nous-mêmes, nous n’avons jamais autant partagé de choses sur les réseaux sociaux. En revanche, d'après la presse américaine, les deux candidats, Trump comme Clinton, sont les plus secrets, les plus privés depuis les années 70. Donald Trump sur la question des déclarations fiscales, Hillary Clinton sur sa santé.
Bill Clinton remplacera sa femme à un évènement mercredi. Est-ce pertinent ?
C’est une bonne idée parce que Bill Clinton reste extrêmement populaire. Et dans l’équipe de campagne d’Hillary Clinton, c’est le meilleur. Mais c’est un peu risqué parce que cela donne en effet la confirmation qu’on est sur un problème.
Là, cela faisait des mois que Donald Trump attaquait Hillary Clinton sur la question de sa santé fragile (…) Et on peut toujours faire de la maladie une métaphore en communication politique. La métaphore, c’est : ‘Elle est faible physiquement, elle sera faible mentalement’. Et Donald Trump ne se prive jamais de le dire. Ce qu’il a proféré pendant la campagne devient vrai, au sens technique du terme. La question porte sur l’après. Que va-t-il se passer ? Il ne faut pas oublier qu’il y a eu des images extrêmement fortes il y a 48 heures, puisqu’on l’a vue chanceler.
Donald Trump promet de communiquer sur sa santé et il espère qu'Hillary Clinton sera au premier débat le 26 septembre. Il s'exprime tout en rondeur...
C’est d’autant bien joué que vendredi dernier, lors d’un dîner de levée de fonds, Hillary Clinton avait dit que la moitié des électeurs de Donald Trump étaient lamentables, pitoyables. Dans une campagne ou le candidat républicain était sur la défensive et Hillary Clinton dans une position confortable, on a peut-être un basculement.
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