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"Il y aura des conséquences terribles", juge un économiste alors que Donald Trump menace de taxer les importations d'acier et d'aluminium

Lionel Fontagné, professeur d'économie à l'Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, a expliqué, vendredi sur franceinfo, que les taxes envisagées à l'importation par le président américain sur l'acier et l'aluminium pourraient avoir des conséquences en Europe et aux Etats-Unis.

Article rédigé par franceinfo
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Donald Trump, le 1er mars 2018, à la Maison Blanche, à Washington. (MANDEL NGAN / AFP)

Donald Trump a menacé, jeudi 1er mars, d'imposer dès la semaine prochaine des taxes sur les importations d'acier et d'aluminium aux États-Unis. Des droits de douane de 25% pour l'acier et de 10% pour l'aluminium. Le président américain n'a pas précisé les pays concernés, mais l'Union européenne, l'Allemagne, la Chine ou la Russie ont déjà exprimé leurs préoccupations face à une telle mesure.

Lionel Fontagné, professeur d'économie à l'Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, a estimé, vendredi 2 mars sur franceinfo, que ces mesures peuvent "mettre tout l'édifice (...) d'organisation du commerce mondial en danger" et déclencher "une spirale de protection tout à fait dangereuse" en Europe.

franceinfo : Selon Donald Trump, les producteurs ont augmenté leurs ventes aux États-Unis de manière déloyale. Est-ce le cas ?

Lionel Fontagné : Probablement pas. En réalité ce que Trump agite, c'est la loi sur la sécurité nationale qui date de 1962. Plus précisément, c'est la section 232 de cette loi qui fait très peur à tout le monde, car il n'y a pas de limites à l'utilisation de l'argument de sécurité nationale. Il s'agit juste de dire qu'en cas de conflit, les États-Unis auraient besoin de s'appuyer sur une production nationale d'acier et d'aluminium, qui est mise en danger par les importations. De très longues investigations ont été menées et le secrétaire d'État américain au Commerce a conclu que les importations menaçaient la sécurité américaine. C'est le sens des déclarations de Donald Trump.

Le président américain dit vouloir rebâtir, aux États-Unis, les secteurs de l'acier et de l'aluminium. Sont-ils mal en point ?

Oui, comme toute l'industrie américaine. Mais en réalité, les conséquences pour l'économie américaine vont être paradoxales. Il s'agit en réalité d'un coût très élevé pour les entreprises utilisant de l'acier et de l'aluminium, dans l'automobile, les infrastructures et la défense. Ce sont des secteurs que Trump veut développer, mais il va les affaiblir avec cette mesure. D'ailleurs le Dow Jones industriel a perdu 2% au moment de l'annonce. La dernière fois que les Etats-Unis ont voulu protéger l'acier, c'était en 2002 avec George H. W. Bush. En neuf mois, cela avait coûté 200 000 emplois industriels aux Etats-Unis. Il y aura des conséquences terribles, sans parler des risques de guerre commerciale.

Une telle mesure est-elle contraire aux traités et aux lois régissant le commerce international ?

Non. C'est la difficulté pour les pays touchés par cette mesure. Cela sera une situation très difficile pour le Canada, le Brésil, l'Union européenne et le Japon. Il y a trois possibilités pour eux. D'abord, ils peuvent attaquer les États-Unis devant l'Organisation mondiale du commerce (OMC), mais ils claqueront la porte de l'OMC, car la décision sera contraire à sa sécurité nationale. Si ces pays attaquent et perdent, alors l'OMC ne sert à rien, car cette mesure est inique. S'ils n'attaquent pas - c'est le plus probable - cela prouvera qu'il y a un trou dans la raquette de l'OMC. Ce que fait Donald Trump, ce n'est pas juste protéger l'acier et l'aluminium, c'est mettre tout l'édifice multilatéral d'organisation du commerce mondial en danger.

Quels impacts cela peut-il avoir sur l'Union européenne et la France ?

Les États-Unis sont les premiers importateurs d'acier dans le monde. Cet acier qui ne sera pas acheté par les Etats-Unis devra être vendu ailleurs et notamment en Europe. Les Européens exporteront donc moins et en plus des quantités très importantes d'acier vont se déverser sur le marché européen. L'Union européenne devra alors se protéger, c'est une spirale de protection tout à fait dangereuse.

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