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Etats-Unis : les femmes s'inquiètent de discriminations après l'adoption d'un projet pour abroger l"Obamacare"

Si elles ont accouché, ont été soignées après un viol ou une agression ou encore si elles ont souffert de dépression post-partum, les femmes pourraient voir les tarifs de leurs assurances flamber. 

Article rédigé par Marie-Adélaïde Scigacz
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 4min
Des manifestants devant le Capitole, à Washington, aux Etats-Unis, jeudi 4 mai 2017.  (NICHOLAS KAMM / AFP)

C'est l'un des grands combats politiques de Donald Trump. Au Etats-Unis, la Chambre des représentants a adopté, jeudi 4 mai, un texte prévoyant l'abrogation de l'"Obamacare", la loi de santé emblématique de Barack Obama. Pour être adopté, ce nouveau texte, proposé par les Républicains, devra encore passer l'étape du Sénat, qui s'annonce également compliquée.

Ce nouveau texte reviendrait sur plusieurs acquis de l'"Obamacare" : les Américains ne seraient plus obligés de souscrire une assurance maladie ; les financements publics à Medicaid, le programme d'assurance pour les plus modestes, seraient réduits. Enfin, la couverture minimum instaurée par l"Obamacare" serait fortement allégée, à la discrétion des gouverneurs des 50 Etats fédérés, au risque de ne plus couvrir les personnes ayant des antécédents médicaux.

Or, la liste de ce qui peut être considéré comme un antécédent médical pénalise fortement les personnes les plus vulnérables et les femmes. 

Pourquoi cette réforme inquiète-t-elle ? 

Avec l'assurance-santé façon Donald Trump, les Etats peuvent choisir d'autoriser ou non les compagnies d'assurance privées à augmenter leurs tarifs pour les personnes jugées à risques. Aux Etats-Unis, où les prestations médicales sont très chères (environ 80 dollars, soit 75 euros, pour une consultation ordinaire chez le généraliste), les compagnies d'assurances pourraient donc choisir de pratiquer des prix prohibitifs pour les personnes atteintes de certains troubles, notamment s'ils estiment que rembourser trop largement les soins concernés ne serait pas rentable pour eux.

Par exemple, si un Etat présente un taux élevé de personnes souffrant de diabète, ou de personnes soignées pour des addictions à l'alcool ou à la drogue, les assureurs pourront augmenter le prix de leur couverture totale jusqu'à 25 700 dollars par an (envrion 23 000 euros, selon un rapport de l'ONG AARP, spécialisée dans l'accès aux soins des séniors), pour ces personnes. Plus vulnérables, elles seront de fait, pour beaucoup, exclues du système de santé (depuis Obama, les employeurs sont obligés de fournir une assurance à leurs employés, mais les chômeurs ne peuvent compter que sur Medicaid ou Medicare, s'ils y sont éligibles.)

Pourquoi les femmes sont-elles discriminées par ce texte ?

Pour comprendre la manière dont ce texte menace la santé des femmes, il faut se pencher sur la liste des troubles, situations ou maladies pouvant être considérés comme un antécédent médical par les assureurs : le fait d'être ou d'avoir été enceinte, le fait d'avoir accouché par césarienne, d'avoir souffert ou de souffrir de dépression post-partum, etc., peuvent donner lieu à une flambée du tarif de l'assurance. Une discrimination qui ne touche que les femmes, jadis interdite par "l'Obamacare". 
Par ailleurs, les personnes ayant été victimes d'un viol, d'une agression sexuelle ou de violence domestique – majoritairement des femmes – sont également concernées. Une nouvelle qui a scandalisé de nombreuses internautes. "Je viens d'envoyer un SMS à mon mari pour m'excuser d'avoir été à l'hôpital quand j'ai été violée car cela va affecter notre couverture santé si cette nouvelle loi passe", a tweeté une journaliste américaine. "Mon dieu. Je n'avais pas encore réalisé que faire du viol un 'antécédent médical' va encore réduire le nombre de femmes qui portent plainte. Sans compter que les violeurs, eux, seront assurés," a tweeté une autre. "Si les violences conjugales sont un antécédent médical, les femmes n'auront pas les moyens financiers de dénoncer [leur agresseur]. Et elles mourront", poursuit une autre. 
Avant la promulgation de l'"Obamacare" et son application, en 2014, les Etats pouvaient déjà laisser les assureurs pratiquer ces discriminations. Cependant, ils avaient aussi le pouvoir législatif de les interdire. Or, la mouture de la loi qui a été votée par la chambre jeudi ne restaure pas un tel pouvoir aux Etats américains, souligne Slate.com, "laissant les assureurs, par exemple, faire payer les femmes ayant accouché quatre fois, voire plus, que les hommes." 

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