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Les Etats-Unis, ce pays que l’on fuit à cause du fisc…

3415 Américains ont renoncé à leur nationalité en 2014. Motif : ils cherchent à échapper au fisc de leur pays qui les taxe où qu’ils se trouvent dans le monde. Alors qu’ailleurs, un contribuable paye ses impôts sur son lieu de résidence.
Article rédigé par Laurent Ribadeau Dumas
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
«Jamais plus je ne paierai un sou au fisc américain!», semble dire, courroucé, le maire de Londres, Boris Johnson... Il s'adresse en fait aux médias le 12 septembre 2014. (Reuters - Neil Hall)

Boris Johnson, le flamboyant maire conservateur de Londres, l’a annoncé officiellement le 15 février 2015 : il «a l’intention de renoncer à la citoyenneté américaine» pour prouver son «engagement envers la Grande-Bretagne», rapporte le site de la BBC. De fait, «Boris», comme l’appellent ses administrés, possède la double nationalité britannique et américaine. Mais par ce geste, il espère sans doute plus prosaïquement pouvoir se placer comme candidat pour le poste de Premier ministre. Un geste «sage», commente The Economist

De fait, Boris, américain «par accident de naissance» (il est né aux Etats-Unis), n’a pas apprécié d’avoir à payer des impôts au fisc d’outre-Atlantique pour les bénéfices tirés de la vente d’un bien dans le nord… de Londres. Mais la loi est dure, mais c’est la loi. Et la loi de sa seconde patrie est ainsi faite : tout citoyen des Etats-Unis d’Amérique est taxé sur ses revenus partout dans le monde. Et ce, même s’il ne réside pas dans son pays d’origine. Il paye donc en principe deux fois l’impôt: l’un sur son lieu de résidence, l’autre dans sa mère patrie.

Cette disposition fiscale remonte à 1861, au début de la guerre de Sécession, rappelle le Wall Street Journal. Le législateur américain décide alors d’instaurer un impôt sur le revenu d’un taux de 3% pour toutes les personnes gagnant plus de 800 dollars. Taux qui passe à 5% «pour tout citoyen des Etats-Unis résidant à l’étranger». Objectif : empêcher les gens riches d’échapper à leurs obligations civils et militaires en quittant leur pays en temps de crise.
 
La législation n’a jamais été abrogée. Elle a même été renforcée par l’entrée en vigueur de la Foreign Account Tax Compliance Act (Fatca), la Loi de conformité pour la taxe sur les comptes étrangers, votée en 2010. Un texte obligeant «toutes les banques non américaines qui veulent rester en bons termes avec les autorités des Etats-Unis à communiquer au fisc à Washington toutes les informations sur les comptes de citoyens américains», résume Le Figaro.

La mesure n’a pas forcément plu au 7,5 millions de concitoyens de l’Oncle Sam vivant à l’étranger. Car il leur devient beaucoup plus difficile de détenir un compte dans leur lieu de résidence et d’y toucher leurs sous. Il faut dire que les banques étrangères n’ont pas forcément envie d’entretenir de mauvaises relations avec Internal Revenue Service (IRS), le redoutable fisc américain. Cela risque de compliquer leurs affaires aux USA…
 
D’où le courroux de Boris et de certains autres. En 1994, la chanteuse Tina Turner avait ainsi décidé de prendre la nationalité suisse. Plus récemment, en 2011, Eduardo Savarin, le co-fondateur de Facebook, qui vit à Singapour, a préféré lui aussi renoncer à sa citoyenneté américaine (il est également citoyen brésilien). Fini donc pour lui les relances de l’IRS. Ce qui lui a permis, au passage, de réaliser une plantureuse économie de 67 millions de dollars d’impôts sur les plus-values, rappelle Le Figaro.

A la fin des années 2000, un millier d’Américains prenaient la même décision chaque année. En raison de l’entrée en vigueur de la Fatca, ce chiffre serait passé à 3415 en 2014. Selon un sondage de l’université du Kent, plus de 30% des expatriés américains, ceux que l’institut libertarien Cato appelle «certains des citoyens les plus productifs», auraient songé à prendre la même décision.
 
D’où le débat entre, d’un côté, ceux qui prennent le parti de ces «exilés fiscaux», en dénonçant au passage les «politiciens cupides». Et de l’autre, ceux que l’attitude de personnes comme Eduardo Savarin scandalise. Pour lutter contre ce phénomène, les sénateurs démocrates Chuck Schumer et Bob Casey ont rédigé en 2012 un projet de loi proposant de taxer à 30%  les gains sur le capital des Américains renonçant à leur citoyenneté. Le texte leur interdirait par ailleurs de rentrer dans leur pays d’origine. Le projet s’est apparemment noyé dans les sables.

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