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L'évolution de la démographie aux Etats-Unis: un tournant historique

Désormais, aux Etats-Unis, le nombre de bébés blancs est dépassé par celui d’enfants issus des minorités. Selon les derniers chiffres du recensement, ces derniers représentent 50,4% des petits de moins d’un an, contre 49,6% pour les premiers. Une évolution qui traduit une mutation profonde de la démographie et de la société américaines.
Article rédigé par Laurent Ribadeau Dumas
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4 min
Les Américains sont une des populations les plus pluriethniques au monde. Ici, Barack Obama devant des partisans le 12 septembre 2012. (AFP - Brendan SMIALOWSKI )

Au vu des données du Bureau du recensement, les Blancs forment une communauté de 197 millions d’âmes, soit 63,4 % des 311 millions d’Américains. Les Hispaniques sont 52 millions, les Noirs 43,9 millions et les Asiatiques 18,2 millions. A noter qu’aux Etats-Unis, ces appellations sont codifiées par la Directive N° 15 du gouvernement fédéral.

La minorité hispanique est celle qui augmente le plus rapidement : elle représente 16,7% de la population, contre 16,3% en 2010. Avec la communauté asiatique, elle présente la plus grande vitalité en termes de natalité et de flux d’immigration.

Pour autant, l’un des facteurs essentiels de ce changement est le vieillissement de la population blanche. L’âge moyen de cette dernière est de plus 42 ans (alors qu’il est de 28 pour les Hispaniques). Le nombre de femmes en âge de procréer diminuant, le nombre d’enfants baisse mécaniquement.

Basculement historique
Conséquence de cette évolution : d’ici 2050, il devrait y avoir un basculement. En clair, les minorités devraient devenir majoritaires et les Blancs minoritaires. A noter que c’est déjà le cas dans quatre Etats : la Californie, Hawaï le Nouveau-Mexique et le Texas.

On assiste ainsi à un bouleversement historique : les citoyens d’origines européenne et africaine sont en train de céder le pas à des personnes originaires d’autres parties du monde. « La division Noirs-Blancs, caractéristique du mouvement des droits civiques, est devenue une relique » de l’histoire, n’hésitait pas à écrire le Wall Street Journal (1) au lendemain de la publication des résultats du dernier recensement en mai dernier.

Quelque part devant un drapeau américain dans Chinatown à San Francisco (19-6-2012) (Justin Sullivan - Getty Images - AFP )
 
L’évolution démographique «est un changement majeur pour la société américaine. Nous passons d’une population largement noire et blanche à une population d’origines beaucoup plus diverses, qui contraste fortement avec ce qu’ont connu les baby-boomers pendant leur jeunesse», précise William H. Frey, démographe à la Brookings Institution. Cette tendance montre «combien nous sommes devenues une société multiculturelle», observe le sociologue Andrew Cherlin, sociologue à la John Hopkins University.

Quelle identité ?
Cela pose forcément la question de l’identité américaine. «Aujourd’hui, les USA se trouvent confrontés à une double problématique contradictoire. Soit l’on va assister à un renforcement démocratique des minorités, les minorités devenant peu à peu majoritaires. Soit l’on entre dans une période de ‘postracialisation’, de métissage de la société américaine. Je pense qu’aujourd’hui, au vu des chiffres, le second phénomène est en train de dépasser le premier. En clair, on est en train de dépasser la question raciale», commente l’historien et écrivain François Durpaire, spécialisé dans les questions relatives à la diversité culturelle aux Etats-Unis et en France.

«Il est concevable que dans une quarantaine d’années, plus personne ne s’intéressera aux races», pense le journaliste Mathew Yglesias, collaborateur de Slate. François Durpaire évoque à ce propos le clip et les paroles de la chanson de Michael Jackson «Black or White», dans lequel le chanteur dit : «Peu importe que tu sois noir ou blanc», sur fond d’images de personnes venues du monde entier.



Ce métissage en devenir est-il le souhait de certains chercheurs et artistes, ou correspond-il à une réalité profonde de la société ? Toujours est-il qu’une étude du très respecté PewResearchCenter constate une augmentation des mariages mixtes : en 2010, 15,1% des nouveaux mariages aux Etats-Unis étaient conclus entre des époux «d’origine raciales ou ethniques différentes», plus du double que 30 ans auparavant (6,1%). 28% des Asiatiques s’unissaient à des non-Asiatiques, 26 % des Hispaniques avec des non-Hispaniques. Les Blancs étaient 9 % et les Noirs 17 % à faire un tel choix.

De tels chiffres tendent à montrer que la machine de l’intégration fonctionne. Mais ils montrent aussi que l’évolution semble plus rapide chez les Asiatiques et les Hispaniques que chez les Noirs. «Les Latinos et les personnes originaires d’Asie partagent l’histoire de l’immigration, valorisée aux Etats-Unis. Alors que les Noirs sont confrontés à celle de l’esclavage», plus difficile à assumer, explique François Durpaire. Dans le même temps, la communauté noire est confrontée à une immigration importante venue d’Afrique, ce qui pose un problème culturel. «Ces nouveaux arrivant ne sont pas attachés de la même manière à la lutte pour les droits civiques», commente l’historien, par ailleurs auteur de Les Etats-Unis pour les nuls (First Editions).

Une chose est sûre : «La question identitaire ne suscite pas les mêmes tabous qu’en France », poursuit François Durpaire. «La société américaine sait regarder en face ses préjugés, notamment ceux sur la couleur de peau. Des préjugés qui sont en recul», conclut-il. L’élection de Barack Obama est passée par là.

Comme le remarquait Le Point fin septembre, les délégués aux conventions des partis démocrate et républicain «sont bien plus qu'autrefois issus des minorités visibles». Les non-Blancs «sont encore plus décomplexés qu'ils ne l'étaient. Témoin, d'ailleurs, le nombre de gouverneurs et de maires chicanos ou afro-américains qui se sont succédé aux deux tribunes».

Le visage des Etats-Unis change


afpfr, 25-9-2012

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