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Ferguson : la justice n’en a pas forcément fini

Contrairement à ce qui se dit ici ou là, la décision prise par le grand jury n’est pas forcément définitive. Le policier de Ferguson peut encore être poursuivi. Le procureur peut passer outre la décision du grand jury. Ainsi, en 1992 à Los Angeles dans l’affaire Rodney King, l'intervention de l'Etat avait calmé les esprits.
Article rédigé par Jacques Deveaux
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
  (Justin Sullivan/Getty Images/AFP)

C’est George Bush lui-même qui l’annonça lors d’un discours télévisé, le 1er mai 1992. Pour ramener le calme dans une ville de Los Angeles en proie à des émeutes durant cinq jours, le Procureur fédéral allait rouvrir le dossier Rodney King.
 
Rodney King, un habitant noir de 26 ans est arrêté pour conduite en état d’ivresse par une patrouille routière. Il s’ensuit un passage à tabac en règle, menés par trois des policiers, leur chef contemplant la scène sans intervenir.
 
Tout est filmé par un riverain. Pourtant malgré les preuves formelles présentées par les vidéos, les jurés, un an après les faits, ne prononceront pas de condamnation à l’encontre des policiers. Quatre hommes lavés de tout soupçon.
Le choix du tribunal annonçait la couleur. Le procès s’est déroulé dans la ville de Simi Valley, blanche et conservatrice. Le choix des jurés, des Blancs, fera le reste.
 
Décision raciste, protection d’une police aux pouvoirs absolus, la population noire se révolte.
Les émeutes feront 54 morts. 7000 personnes seront arrêtées. Il y aura des centaines de millions de dollars de dégâts, et un nouveau procès ! Au final, deux des policiers seront condamnés à 30 mois de prison.
 
La même chose à Ferguson ?
En théorie, le système américain réserve à un grand jury, le droit de poursuivre au pénal un suspect. Il est composé de sept à 23 jurés en fonction de la taille de l’Etat. Une chambre d’accusation populaire, contrôlée par le district Attorney, l’équivalent du procureur en France.
 
Le Grand Jury a pour tâche de décider s’il existe des preuves et des charges suffisantes pour renvoyer l’inculpé devant un tribunal. Ce dernier ne s’exprime pas, seuls les témoins de l’accusation sont entendus. Après la délibération secrète, le grand jury prononce, soit un acte d’accusation, soit la renonciation à toute poursuite.
 
Voilà pour la théorie. Dans la pratique, l’Attorney (le procureur) peut passer outre le choix du grand jury, et se présenter devant le juge du tribunal en accusateur.

Il existe aussi des cours fédérales de district (au moins une par État) ainsi que 13 cours d'appel fédérales appelées cours de circuit, chargées de couvrir tout le territoire américain.
Le district attorney (procureur fédéral) peut tout à fait rouvrir une enquête criminelle et peut décider de relancer les poursuites, lorsqu'il considère que la juridiction locale a été défaillante.
  
L’affaire de Ferguson n’est donc pas close. L’administration Obama peut très bien faire comme celle de George Bush en 1992. Forcer à la tenue d’un procès qui, dans un premier temps, aurait le mérite de calmer les esprits et de ramener le calme. Mais reste à savoir quelles sont les preuves qui permettraient de poursuivre le policier tireur.
Elles n’ont pas convaincu le Grand Jury, convaincront-elle un juge ?

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