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Etats-Unis: Trump en croisade contre le libre-échange?

Donald Trump avait fait campagne sur le thème d'«America first», sous-entendu les accords commerciaux validés par Washington pourraient être remis en cause. Un paradoxe pour un pays qui a construit une partie de sa puissance sur la liberté du commerce. Mais il est vrai que depuis quelques années, la puissance commerciale américaine s'affaiblit.
Article rédigé par Pierre Magnan
France Télévisions
Publié
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Depuis 1976, la balance commerciale des Etats-Unis est toujours déficitaire. Ce déficit s'est singulièrement accru à la fin du siècle précédent. La situation n'est guère plus brillante pour la balance des paiements (biens et services) qui est dans le rouge depuis la fin des années 70 (à l'exception de l'année 1991).

Cela n'empêche pas les Etats-Unis de posséder quelques unes des plus importantes marques mondiales (Apple, Google, Levis, Coca, Nike, McDonald...) qui ont largement profité des accords internationaux pour s'installer sur toute la planète...

Le thème du proctectionnisme a cependant été largement abordé lors de la campagne dans un pays qui a longtemps été le champion apparent du libre-échange. Apparent, car l'économie américaine a toujours su se protéger. «Les Etats-Unis ont à leur actif pas moins de 1.280 mesures protectionnistes, selon Global trade alert. Ce qui les place en tête, loin devant la France (319), mais aussi d'autres grandes puissances comme la Chine (267), l'Inde (656), l'Argentine (447) et la Russie (666)», rappelait La Tribune. Les exemples en ce sens sont nombreux depuis le  «buy american act» jusqu'aux taxes anti-dumping.


Trump «partisan d'un commerce juste»
Au fil des années, la toute puissance américaine s'est en partie dégradée. La mondialisation a aussi provoqué des dégâts aux Etats-Unis, même si le poids du dollar, monnaie de réserve mondiale, préserve le pays des conséquences de certaines de ses faiblesses industrielles. L'émergence de la Chine, la spécialisation du marché du travail, l'arrivée de nouveaux pays producteurs peuvent expliquer sur le long terme cette dégradation. La hausse du billet vert jouant pour les explications sur le court terme récent...

Les causes des difficultés américaines sur les marchés mondiaux sont nombreuses. «Sans aucun doute, la mondialisation a eu un impact négatif sur l'emploi industriel et les salaires aux Etats-Unis», écrivait dans Les Echos l'économiste François Bourguignon. Pas étonnant que Donald Trump en ait fait un argument de campagne et qu'il commence son mandat en mettant la pression sur ses partenaires commerciaux.

Trump ne se dit pas «isolationniste mais partisan d'un commerce juste». Ses derniers propos semblent montrer qu'il s'attaque au multilatéralisme au profit d'accords de parteriariat.

Dans cette optique, les Etats-Unis se disent prêts à renégocier les accords de l'OMC (Organisation mondiale du commerce) signés en 1994 qui définissent les règles du commerce international.


Des échanges qui s'affichent en rouge
«Les Etats-Unis sont le premier exportateur et deuxième importateur mondial de marchandises, ainsi que le plus grand exportateur et importateur de services commerciaux», note le site du Moniteur du commerce international. Mais ces chiffres cachent un bilan négatif pour l'économie américaine.  

En 2015, les échanges de biens et de services des Etats-Unis ont atteint près de 5.000 milliards de dollars, en baisse de 4% par rapport à l’année précédente, après une hausse de 3,1%, en 2014. Cette baisse s'accompagne d'un déficit de la balance des échanges qui se creuse de 6%, passant à -540 Md USD – soit 3,1 % du PIB – contre -508 Md USD en 2014. 

Les comptes courants sont aussi négatifs affichant en 2016 un déficit de 2,6% du PIB.

Et encore, la situation pourrait être pire si les Etats-Unis ne profitaient pas d'une forte baisse de ses importations de produits énergétiques. La baisse des importations de pétrole permet l’amélioration de la balance énergétique et confirme l’orientation de la politique énergétique américaine vers l’exploitation de ressources non conventionnelles. La Chine est ainsi devenue le premier importateur mondial de pétrole au cours du mois de septembre 2013. Amorcée en 2010, la hausse des exportations de produits pétroliers raffinés continue de tirer la croissance des exportations américaines et contribue à l’amélioration de la balance commerciale des Etats-Unis.

Les partenaires des Américains
Pour les Etats-Unis, la balance est déficitaire à hauteur de 347 milliards de dollars avec la Chine et de 64,9 milliards avec l'Allemagne. «Le Japon, dont l’excédent est resté stable à 68,9 milliards, se hisse au deuxième rang des "mauvais partenaires" des Etats-Unis, aux yeux de l’hôte de la Maison Blanche. Suivent le Mexique (63,2 milliards de dollars), l’Irlande (35,9 milliards) et l’Italie (28,5 milliards), la France venant loin derrière avec un surplus de 15,8 milliards de dollars. En cumulé, l’Union européenne affiche un excédent de 146,3 milliards de dollars», rappelle l'Opinion.


C'est dans ce contexte que Donald Trump met la pression sur les partenaires commerciaux des Américains. Il a déjà rejeté le projet de partenariat transpacifique (auquel n'adhérait pas la Chine). Son administration a aussi accusé l'Allemagne de bénéficier d'une monnaie trop faible. La tension avec l'Allemagne est palpable au point que le président Trump n'a pas serré la main de la chancelière Merkel, le 19 mars.

Lors d'une réunion du G20 Finances les 18-19 mars 2017 en Allemagne, l'administration Trump a bloqué l'adoption d'une traditionnelle résolution hostile au protectionnisme et indiqué qu'elle n'excluait pas de renégocier les accords de l'Organisation mondiale du Commerce.

En attendant, le président américain a dans le viseur l'ALENA (Accord de libre échange nord-américain), le traité qui lie les Etats-Unis avec le Canada et le Mexique. Accord qu'il avait qualifié de «pire accord» signé par son pays en jugeant qu'il profitait uniquement aux intérêts mexicains et détruisait les emplois américains. 

Mais la discussion pourrait être complexe, un grain de sable pouvant facilement enrayer la logique de Donald Trump. Ou plutôt un grain de maïs... car le Mexique importe chaque année pour plus de deux milliards de dollars de maïs américain. Du maïs qui pousse dans les Etats qui ont voté...Trump

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