Etats-Unis: ruée vers les hydrocarbures
Dans les années 70, le président Richard Nixon rêvait que son pays cesse ses importations de pétrole et autres hydrocarbures. S’il vivait encore en 2012, l’ancien locataire de la Maison blanche serait plus que satisfait. En trois ans, les importations en provenance des pays de l’OPEP ont baissé de 20%. Dans le même temps, la production domestique d’or noir a augmenté : elle est passée de 4,95 millions en 2008 à 5,7 millions aujourd’hui.
«Creuse, chéri, creuse !»
Principal moteur de cette hausse de la production : l’apparition de nouvelles techniques. Grâce à elles, on peut pomper toujours plus profondément dans le golfe du Mexique. Mais surtout elles permettent d’extraire les fameux pétrole et gaz de schiste. Parmi ces techniques, la fracturation hydraulique, qui consiste à injecter dans un terrain un mélange d’eau, de sable et de produits chimiques. La pression du liquide fissure la couche rocheuse et libère les hydrocarbures qui y sont enfermés. Les écologistes font valoir les risques que cette méthode représente pour l’environnement et la santé humaine.
Le travail de l’industrie des hydrocarbures a été facilité par ses alliés dans l’administration américaine. Elle a été très aidée par George W. Bush quand il oeuvrait à la Maison blanche, et son vice-président Dick Cheney, anciens salariés du secteur. Ils ont empêché l’adoption de règlementations environnementales trop contraignantes et accordé de très substantielles réductions d’impôts. Malgré son programme électoral et les protestations des écologistes, Barack Obama a peu ou prou poursuivi la même politique.
Désormais, la devise des pétroliers américains, boostés par un baril à 100 dollars, est «Dig, baby, dig !» («creuse, chéri, creuse !»). Résultat : de nouveaux champs d’extraction ont fait leur apparition dans de nombreux Etats.
Le nouveau boom pétrolier texan
France 2, 20 h, 23 mai 2012. Reportage de Stephan Breitner, Aaron Diamond, Arielle Monange et Fabien Ortiz
Seconde jeunesse
Pour les partisans des énergies du schiste, leur exploitation favorise la croissance économique. Selon eux, elles ont déjà permis de créer 600.000 emplois et généré 76 milliards de dollars de revenus. Avec cette ruée vers l’or noir, certaines localités ont vu leur population doubler, ce qui favorise l’immobilier. Les salaires offerts aux ouvriers ou aux conducteurs d’engin peuvent être cinq fois plus élevés qu’ailleurs.
L’industrie des hydrocarbures a donc retrouvé une seconde jeunesse. Aux Etats-Unis, le gaz de schiste représente déjà 12 % de la production domestique de gaz. Ce qui a pour effet de gonfler les stocks et de faire chuter les cours. Une évolution qui se fait notamment aux dépens du charbon. L’un des principaux producteurs américains, Patriot Coal, a ainsi déposé son bilan en raison de «la compétition d’un gaz naturel [en l’occurrence du gaz de schiste, Ndlr] bon marché».
Pour autant, l’augmentation de la production n’explique pas à elle toute seule l’évolution du paysage énergétique. Car la hausse des prix de l’essence a incité les Américains à réduire leur circulation, véritable révolution dans un pays où la voiture est omniprésente. Ils se mettent aussi à acheter des véhicules moins gourmands en carburant.
Conséquences géopolitiques
Si elle se confirme, l’évolution énergétique aux USA pourrait modifier considérablement la politique internationale de la première puissance mondiale.
Ces dernières décennies, conscients de cette dépendance, les Etats-Unis n’ont eu de cesse de «protéger avant tout militairement et diplomatiquement (leurs) approvisionnements» en hydrocarbures, comme l’ont montré la guerre du Koweit (1990-1991) et l’invasion de l’Irak (2003). Mais «il est évident que de nombreux responsables des politiques de sécurité (…) penseront le monde différemment si les Etats-Unis importent beaucoup moins de pétrole», explique ainsi dans le New York Times un analyste du célèbre Council on Foreign Relations. Affaire à suivre…
Gaz de schiste: un carburant très contesté
afpfr, 20-4-2012
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