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Un Nigérian de 23 ans a été inculpé de tentative de destruction samedi après l'attentat manqué du vol Amsterdam-Detroit

L'Airbus A330 assurait le vol 253 de Northwest Airlines entre Amsterdam et Detroit (Etats-Unis) avec 289 passagers et membres d'équipage.Accusé d'avoir tenté de le faire exploser en vol vendredi au moyen d'un puissant mélange explosif, le suspect, un jeune Nigérian, a comparu samedi devant le juge qui lui a officiellement lu l'acte d'accusation.
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Umar Farouk Abdulmutallab, 23 ans, est le fils d'un riche banquier du nord musulman du Nigeria. (F2)

L'Airbus A330 assurait le vol 253 de Northwest Airlines entre Amsterdam et Detroit (Etats-Unis) avec 289 passagers et membres d'équipage.

Accusé d'avoir tenté de le faire exploser en vol vendredi au moyen d'un puissant mélange explosif, le suspect, un jeune Nigérian, a comparu samedi devant le juge qui lui a officiellement lu l'acte d'accusation.

L'audience de 20 minutes s'est déroulée à l'hôpital de Detroit. Le suspect a été admis dans cet établissement pour des brûlures consécutives à sa tentative d'activer de la penthrite pour faire sauter l'avion qui transportait 278 passagers et 11 membres d'équipage.

Selon des journalistes autorisés à assister à l'audience, il était menotté à un fauteuil roulant et portait des bandages aux poignets et sur les mains. Il a déclaré au juge Paul Borman ne pas avoir les moyens de se payer un avocat et s'en est vu commettre un d'office.

Selon des témoins et l'ordonnance d'inculpation, Abdulmutallab a avoué avoir injecté à l'aide d'une seringue un liquide chimique dans une poudre qu'il avait cachée sur sa cuisse, pour tenter de faire exploser l'avion. Ce procédé lui aurait permis de passer sans difficulté les contrôles de l'aéroport d'Amsterdam-Schipol, jugés très sérieux, où il se trouvait en transit en provenance de Lagos, en possession d'un visa américain, selon la police néerlandaise.

Le jeune homme a également affirmé avoir été entraîné par des membres d'Al-Qaïda au Yémen, selon d'autres responsables de services de sécurité, cités par des médias.

Le "héros" du vol 253
Selon les témoignages des passagers recueillis par le FBI, une quarantaine de minutes avant l'atterrissage, Abdulmutallab s'est rendu aux toilettes où il est resté une vingtaine de minutes. "En retournant à son siège il s'est plaint d'avoir mal à l'estomac et a mis une couverture sur lui", a indiqué le ministère américain de la Justice.

Les passagers ont ensuite entendu des bruits "semblables à l'explosion de pétards" et vu le feu prendre sur une paroi de l'avion et une jambe de pantalon du suspect. Un passager néerlandais, Jasper Schuringa, s'est alors précipité sur lui.

Célébré par tous les médias américains, Jasper Schuringa, le "héros" du vol 253, a raconté sur CNN comment il s'est jeté d'un bond sur le suspect de l'attentat manqué pour le maîtriser.

"Quand j'ai vu que le suspect prenait feu, j'ai flippé bien sûr, et sans aucune hésitation j'ai sauté sur les sièges, parce que je me suis dit qu'il essayait de faire sauter l'avion" a-t-il raconté sur CNN, visiblement à l'aise et détendu, malgré les bandages à sa main droite victime de brûlures.

"Je lui ai sauté dessus, j'ai essayé de le fouiller à la recherche d'explosif, et puis j'ai pris une espèce d'objet qui était déjà en train de fondre et de fumer, et j'ai essayé de l'éteindre. Pendant que je faisais cela, je le retenais aussi, et alors le feu a commencé à prendre sous le siège".

D'après lui, le terroriste supposé "avait quelque chose en feu caché dans son pantalon, et apparemment cela coulait. Le liquide a coulé au sol et a mis le feu à deux oreillers. C'est allé très vite, tout le monde paniquait". Il a alors reçu l'aide d'autres passagers, qui lui ont apporté de l'eau, ainsi que de l'équipage, composé de "gens très courageux".

"J'ai attrapé le suspect avec une personne de l'équipage, on l'a amené en première classe, et là, on l'a déshabillé, on l'a maintenu avec des menottes, et on s'est assuré qu'il n'avait pas d'autres armes ou bombes sur lui".

Jasper Schuringa s'est brûlé à une main en essayant d'éteindre le feu. Quelques passagers ont également été légèrement blessés.

Le père du jeune Nigérian se dit "bouleversé"
Un haut responsable américain a confirmé à l'AFP que le père du jeune homme, Umar Mutallab, avait "contacté le mois dernier l'ambassade américaine au Nigeria pour dire son inquiétude quant à la radicalisation de son fils" qui avait reçu un visa pour les Etats-Unis en juin 2008, au moment où "il n'y avait pas d'information particulière" à son sujet.

Le haut responsable a indiqué que le suspect était inscrit depuis novembre dans une vaste base de données officielle de 550.000 personnes susceptibles d'avoir un lien quel qu'il soit avec le terrorisme, mais n'était pas classé parmi les 4.000 personnes interdites de vol vers les Etats-Unis.

Interrogé par l'AFP, le père, 70 ans, ancien ministre et ex-président du conseil d'administration de la First Bank of Nigeria, s'est déclaré "bouleversé" par le geste de son fils qui s'était éloigné récemment de sa famille.

Selon Michael Rimmer, un de ses anciens professeurs de la British School de Lomé, au Togo, en 2001, peu avant l'invasion de l'Afghanistan par l'armée américaine, le suspect, alors adolescent, soutenait les Talibans au pouvoir à Kaboul. Malgré cela, Abdulmutallab était, le "rêve de tout professeur - il était très assidu, enthousiaste, très brillant, très poli", a-t-il déclaré à la BBC. Il a ensuite fait des études d'ingénieur à l'University College de Londres (UCL) entre 2005 et 2008.

En mai il avait tenté de retourner au Royaume Uni mais les services d'immigration britannique lui avaient refusé un visa d'étudiant parce que l'établissement où il prétendait vouloir étudier était jugé fictif, selon une source gouvernementale à Londres.

Auditions au Sénat début 2010
Des parlementaires américains ont annoncé samedi la tenue d'auditions en janvier au sujet de l'attentat raté, s'inquiétant notamment du fait que le suspect ait pu embarquer avec des explosifs dissimulés sur lui.

"Toute tentative d'attentat contre nos citoyens est extrêmement grave. La Commission du Commerce au Sénat organisera des auditions en janvier pour examiner cet incident et les questions de sécurité qui y sont liées", a déclaré John Rockefeller, président démocrate de la Commission sénatoriale du Commerce, des Sciences et du Transport. Ancien président la Commission du Renseignement au Sénat, M. Rockefeller a par ailleurs indiqué avoir été contacté par la Maison-Blanche et avoir été également en contact avec les autorités compétentes en matière de sécurité.

Le démocrate Bennie Thompson a lui aussi annoncé que la Commission sur la Sécurité intérieure, qu'il préside à la Chambre des représentants "suivait de très près l'incident" et allait organiser des auditions. "L'acte terroriste en question - qu'il soit ou non lié à Al-Qaïda - et la réponse à y apporter seront au centre d'une audience de contrôle le mois prochain", a-t-il déclaré dans un communiqué. "La Commission examinera en profondeur ce qui s'est passé et ne s'est pas passé avec M. Abdulmutallab et quelles mesures de sécurité doivent être prises à l'avenir", a-t-il ajouté.

Précédentes tentatives d'attentats

Depuis les attentats du 11 septembre 2001, la sécurité à bord des avions américains a été considérablement renforcée. Les mesures prises n'ont pourtant pas empêché de nouvelles audacieuses tentatives d'attentat. La preuve avec la méthode employée par Abdulmutallab qui rappelle celle de Richard Reid.

Ce dernier avait tenté le 22 décembre 2001 de mettre le feu à des explosifs qu'il avait dissimulés dans ses chaussures à bord d'un vol transatlantique Paris-Miami de la compagnie American Airlines. Reid, qui avait été maîtrisé par l'équipage, s'était réclamé du chef d'al-Qaïda Oussama ben Laden. Il purge actuellement une peine de prison à vie dans une prison américaine. Sa tentative avait conduit à l'interdiction des briquets à bord des avions de ligne.

Le 10 août 2006, Scotland Yard, la police britannique, avait annoncé avoir déjoué un complot massif visant à faire exploser une dizaine d'avions desservant des lignes transatlantiques. Là encore, l'affaire avait débouché sur un nouveau renforcement des mesures de sécurité à l'échelon mondial, visant cette fois les liquides de toutes sortes.

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