Ukraine : à Donetsk, "pas d’élections, ça n’est plus l’Ukraine"
On ne trouve pas un seul panneau électoral à Donetsk. Les seules affiches visibles sont celles des rebelles prorusses qui invitent les citoyens à rejoindre les rangs des combattants contre l’armée. Au siège de l’administration régionale, dans le centre ville, un immense bâtiment de onze étages occupé par des séparatistes avec kalachnikovs à la main.
Boris Litvinov, ancien élu communiste qui préside le conseil suprême de la révolution, n’y va pas par quatre chemins : "Sur ce territoire, on ne peut pas élire les responsables d’un autre pays. Nous sommes un autre pays. Ce n’est plus l’Ukraine ici. C’est la République populaire de Donetsk. Une république en guerre contre son voisin l’Ukraine. Imaginez-vous une seconde la situation si en 1940 en France, on avait organisé les élections de l’Allemagne nazie y compris chez vous en France. Impensable. Pour nous, c’est la même chose ", argumente l’homme en costume bleu marine badgé du drapeau noir rouge et bleu de cette république autoproclamée depuis le mois de mai. Il ajoute : "A Donetsk, il y aura bien des élections législatives qui permettront de désigner notre Premier ministre mais ça sera le 2 novembre, dans une semaine ".
Une élection le 2 novembre
Pas de trace de campagne électorale pourtant non plus pour le 2 novembre dans la ville. Ce leader ne sait d’ailleurs pas nous citer les trois candidats au poste de Premier ministre. Sans aucun doute, Alexandre Zakharchenko, 38 ans, sera choisi. Cet homme qui a échappé en août à un attentat à Donetsk est déjà à la tête de la région séparatiste.
Aujourd’hui ou le 2 novembre, un scrutin ou un autre, les habitants de Donetsk s’en fichent. Ils ont bien d’autres préoccupations. Ils sont fatigués : déjà cinq mois de guerre. Car même si un cessez-le-feu a été signé début septembre à Minsk, en Biélorussie, les tirs d’artillerie restent quotidiens, particulièrement dans le secteur de l’aéroport Tchaïkovski réduit à l’état de ruines. Autour de cet aéroport, se trouvent de nombreux quartiers résidentiels devenus des quartiers fantômes, désertés par les deux tiers de leurs habitants.
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Si la population se soucie peu des élections législatives, c’est aussi parce ce qu’elle doit faire face désormais aux privations. Depuis cet été, Kiev ne verse plus aux habitants de la région ni salaires, ni retraites, ni allocations. Les plus démunis - ceux qui n’ont pas fait de provisions et n’ont pas d’économies – se contentent des colis et des soupes populaires offertes par les oligarques locaux comme Rinat Akhmetov, le président du club de football du Shakthar Donetsk.
Trois heures de routes pour aller voter : impensable
Cette aide alimentaire est particulièrement appréciée des habitants du quartier Kievski, l’un des plus endommagés, où même les écoles ont été visées par des tirs d’obus et où quantité de vitres brisées ont été remplacées par des planches de bois. Alexandre, une trentaine d’année vit dans ce quartier : "Un de mes voisins est allé au marché. Il s’est fait déchirer le bras par un obus. On vit dans des caves par crainte des bombardements. Vous croyez vraiment que les élections nous intéressent ?
Mon patron propose de nous y emmener, mais je n’irai pas. Les politiciens ukrainiens ne font rien pour nous. Pour ce qui est de l’élection de la République populaire le 2 novembre, on ne sait pas si on se déplacera aux urnes. Ça dépendra du niveau de violences ce jour-là ", commente le jeune homme.
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Les habitants de Donetsk qui voudraient vraiment voter sont autorisés dans l’absolu à se rendre dans n’importe quel bureau de vote, même loin de chez eux. Mais cela impliquerait des heures de route pour contourner les différents barrages : ceux des séparatistes puis ceux de l’armée ukrainienne. Trop dangereux. Impensable.
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