Turquie-UE: 50 ans de négociations laborieuses
La veille, la chancelière allemande Angela Merkel avait déclaré que les valeurs défendues par l'UE, liberté d'expression en tête, n’étaient, «pas négociables». Petite précision: c’est en Allemagne que vit la plus importante communauté turque ou ayant des racines turques à l'étranger, soit trois millions de personnes.
Le 25 juin, pourtant, malgré les réticences allemandes, l'Union européenne avait décidé de relancer les négociations d'adhésion avec Ankara. Une volonté également exprimée début 2013 par la France, après des liens distendus suite à l’hostilité de l'ancien président Nicolas Sarkozy à l'élargissement de l’UE à la Turquie.
Pour le chef de la diplomatie turque, Ahmet Davutoglu, qui avait estimé, dès le 13 juin, «inacceptable» l’attitude de l’Allemagne, «la Turquie est une démocratie de première classe et elle n'a de leçon à recevoir de personne.»
Avant l’épisode de la place Thaksim, ce dernier déclarait pourtant que «l'adhésion à l'Union européenne reste une priorité stratégique de la Turquie. De l'Allemagne, en tant que membre influent de l'UE, nous attendons évidemment un soutien dans cette procédure.» Le rapprochement avec l’Europe est l’un des axes principaux de la politique du gouvernement Erdogan depuis dix ans.
Les événements repoussent donc une nouvelle fois les négociations, ouvertes le 3 octobre 2005 et qui, ces derniers temps, étaient au point mort.
Les relations entre l'UE et la Turquie ne datent pas d’hier. Elles ont débuté en septembre 1963 avec «l’accord d’Ankara». Cet accord d’association entre la Communauté économique européenne (CEE), composée à l’époque de six membres, et la Turquie prévoyait le renforcement des relations économiques et commerciales, en vue d’instaurer une union douanière. Celle-ci est entrée en vigueur le 1er janvier 1996.
Depuis 2005, seuls 13 chapitres de négociations sur 35 ont été ouverts et 18 sont bloqués. Le processus s'avère à ce jour le plus lent jamais mené avec un pays candidat à l'adhésion. Ainsi, les dernières discussions menées en 2010 ont été marquées par la clôture d’un seul chapitre. Depuis, rien…
Prochain volet, le 22, sur la politique régionale. Si ce dernier est de l’avis de tous consensuel, ce n’est pas le cas de suivants, cruciaux, et portant sur la justice et les droits fondamentaux.
Une problématique, et non des moindres, reste à résoudre, celle de la question chypriote. Ankara refuse de reconnaître la République de Chypre, l'un des 27 pays de l'UE.
Autre dossier dans les tuyaux, celui destiné à élargir l'union douanière signé en 1995 entre l'UE et la Turquie (près de 40% des exportations turques sont destinées aux 27, devenus aujourd’hui 28 avec l’adhésion de la Croatie).
Quoi qu’il en soit de l’avancée des travaux, la Turquie a perçu de la Commission européenne au titre du processus d’adhésion quelque 6 milliards d’euros entre 2002 et 2013, selon un rapport de la cour des comptes européenne 2009.
Si Berlin a fini par accepter que l'Union européenne rouvre à l'automne un round de pourparlers avec Ankara, un sondage pour le magazine Focus a récemment montré que 58% des Allemands interrogés estimaient que la poursuite des négociations d'adhésion avec la Turquie était une erreur.
De quoi raviver les polémiques autour de l’entrée de la Turquie dans l’UE et de doucher l’ardeur des Turcs par les atermoiements qui décrédibilisent le processus.
Au point que certains dirigants, dont Erdogan lui-même, remettent en cause le bien-fondé de la démarche. Et montre quelques velléités d’ouverture auprès du Club de Shangai (qui regroupe Russie, Chine, Kazakhstan, Kirghizistan, Tadjikistan, Ouzbékistan)…
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