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Turquie: le président Erdogan remet en scène le chef kurde, Abdullah Ocalan
En pleine offensive contre l’EI et les Kurdes et purge d’après putsch, le président turc a fait un geste théâtral. Cédant à la pression de grévistes de la faim, il a autorisé la famille du chef kurde Abdullah Öcalan, détenu à perpétuité, à lui rendre visite pour la 1re fois depuis 2 ans. De sa prison, le fondateur du PKK a appelé Ankara à reprendre les discussions et «les concrétiser en 6 mois».
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Engagé dans une opération terrestre en Syrie contre l’organisation de l’Etat islamique, mais surtout contre les combattants kurdes du PYG (pendant syrien du PKK de Turquie), le président Erdogan n’en poursuit pas moins la chasse aux putschistes.
Comprendre: les partisans de Fethullah Gülen, mais aussi ceux du Parti des Travailleurs du Kurdistan. L'épuration s’est en effet traduite notamment par une mise à l’écart de 11.835 enseignants soupçonnés de sympathie envers le PKK.
Un geste inattendu du président Erdogan
Dans le même temps, sous la pression d’une cinquantaine de militants pro-kurdes, en grève de la faim pour obtenir des informations sur l’état de santé du fondateur du PKK, Abdullah Öcalan, le président turc a fait un geste inattendu.
A l’occasion de Aïd al-Adha, la fête du sacrifice, il a autorisé la famille du dirigeant charismatique à lui rendre visite dans sa prison, le 12 septembre 2016, pour la première fois en deux ans.
Agé de 68 ans et connu également sous le nom d’Apo, il purge depuis 1999 une peine de détention à perpétuité sur l’îlot prison d’Imrali dans la mer de Marmara pour avoir dirigé la lutte armée contre l’Etat turc.
A l’issue de cette visite, son frère Mehmet Öcalan a tenu une conférence de presse à Diyarbakir, principale ville kurde dans l’est de la Turquie, rapportant les premiers propos publics du dirigeant kurde depuis la suspension de toute visite en avril 2015.
Pour Öcalan, le conflit peut être réglé en six mois
«Il est en bonne santé», a rapporté Mehmet, et se dit prêt à soumettre «des propositions» à Ankara pour que cessent les combats. «Si l’Etat turc est prêt à les entendre, nous pourrons mener à bien les discussions et les concrétiser en six mois» a fait savoir Abdullah Öcalan.
«Aucune partie ne peut gagner cette guerre. Il est temps de faire cesser les larmes et le bain de sang. C’est ce qu’il a dit», a encore indiqué son frère. Pour Apo, «cette solution ne peut être unilatérale. C’est surtout à l’Etat que revient cette responsabilité. Si l’Etat fait un pas, le problème sera résolu.»
Des pourparlers de paix avaient été engagés en 2012 entre le gouvernement et le parti séparatiste, mais le président y avait mis fin en juillet 2015, à la suite de l’assassinat de deux policiers à Ceylanpinar revendiqué par le PKK.
Une opération intervenue après un attentat contre un rassemblement de la gauche pro-kurde à Suruç qui avait fait 33 morts et une centaine de blessés. Un attentat-suicide pourtant attribué aux djihadistes de Daech.
Pour l'AKP, la paix avec le PKK n'est pas électoralement rentable
Selon l’universitaire Ahmet Insel, cité par Le Monde «électoralement parlant, faire la paix avec le PKK n’était pas uns stratégie gagnante pour Recep Tayyip Erdogan, puisqu ‘il a vu le score de son parti (AKP, le Parti de la justice et du développement au pouvoir depuis 2002) baisser aux législatives de 2015, au profit du HDP, le parti pro-kurde, qui franchissant pour la première fois la barre des 10%, a fait son entrée au parlement.»
Depuis, la guerre a repris de plus belle entre les rebelles kurdes et l’armée turque. Quelques heures avant l’appel d’Öcalan à reprendre les pourparlers de paix, une cinquantaine de personnes, des civils dont deux policiers, étaient blessés dans un attentat à proximité du siège de l’AKP et du bureau du gouverneur de la ville de Van, dans l’Est.
Une attaque attribuée au PKK au lendemain du limogeage de 28 maires dont 24 suspects de liaisons avec le PKK et 4 autres à la confrérie du prédicateur Gülen.
Signe que, même si Abdullah Öcalan reste une figure historique et politique du combat kurde pour l’indépendance, sur le terrain, la décision militaire continue d’appartenir aux «faucons» du PKK.
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